Le système énergétique chinois est-il prêt pour la révolution de l’IA ?
par Jan Jonckheere pour chinasquare.be, le 15 septembre 2025
Avec la multiplication attendue des centres de données, la Chine se prépare à une hausse spectaculaire de sa consommation d’électricité. Électricité et puissance de calcul sont désormais considérées comme des services publics essentiels, censés rester accessibles et abordables. Mais une question domine les débats : comment concilier accessibilité, durabilité et puissance ?

L’IA, nouveau gouffre énergétique
Les experts s’accordent à dire que l’intelligence artificielle deviendra bientôt l’une des industries les plus énergivores de Chine. Le grand défi pour Pékin est donc de devenir leader mondial des services d’IA sans compromettre ses objectifs climatiques.
Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la consommation d’électricité des centres de données chinois devrait augmenter de 170 % entre 2024 et 2030. En 2024, les data centers représentaient déjà environ 1,5 % de la consommation mondiale d’électricité, mais cette part croît rapidement, tirée par les serveurs dédiés à l’IA.
L’AIE estime que la demande énergétique de ces infrastructures progresse quatre fois plus vite que la demande totale d’électricité. D’ici à 2030, la Chine et les États-Unis concentreront à eux seuls près de 80 % de la croissance mondiale de la consommation énergétique des centres de données.
Pour Wang Yongzhen, professeur associé à l’Institut de technologie de Pékin, les data centers figurent désormais parmi les industries les plus intensives en énergie du pays, au même titre que la sidérurgie, le ciment ou la pétrochimie.
Il prévoit qu’en 2030, ces installations consommeront 105 gigawatts d’électricité, utiliseront 26 milliards de litres d’eau et émettront 310 millions de tonnes de CO₂ – soit plus de la moitié de la consommation électrique des foyers chinois en 2024.
Des initiatives pour une informatique plus verte
Face à cette envolée, Pékin a lancé dès 2022 le programme « East Data, West Computing », qui vise à déplacer les centres de données vers l’ouest du pays, où le climat est plus favorable et les énergies renouvelables plus abondantes.
Selon les autorités, plus de 80 % des nouveaux centres de données installés dans ces zones fonctionneront à l’énergie renouvelable d’ici la fin de l’année.
Autre projet stratégique : le Réseau national intégré de calcul, une plateforme publique rassemblant les ressources de cloud computing publiques et privées.
Dans un rapport de la RAND Corporation intitulé China’s Evolving Industrial Policy for AI, Kyle Chan (Université de Princeton) compare ce système à un modèle de “service public” appliqué à l’infrastructure informatique.
Le réseau s’inscrit dans un plan plus large : la construction, entre 2024 et 2027, d’un « nouveau système énergétique » — propre, flexible, intelligent et fondé sur l’IA — combinant énergies renouvelables et technologies de gestion avancées.
Vers une synergie entre puissance de calcul et énergie
Selon Wang Yongzhen, le calcul et l’énergie vont évoluer en tandem. « L’un des objectifs clés est d’accroître la part d’électricité verte utilisée dans les centres de données », explique-t-il. « Le deuxième est de réduire la consommation énergétique globale, non pas seulement par des innovations isolées, mais grâce à une efficacité systémique accrue. Le troisième consiste à permettre aux centres de données d’interagir avec le réseau électrique. »
Concrètement, les tâches informatiques pourraient être déplacées dynamiquement vers des centres situés dans des régions où l’électricité est plus disponible ou moins coûteuse, améliorant ainsi la résilience du réseau tout en réduisant les coûts. En cas de tension sur le réseau, les data centers pourraient également fournir de l’énergie de secours grâce à leurs systèmes de stockage.
Des défis structurels à surmonter
La mise en œuvre de cette synergie suppose une coordination étroite entre de multiples acteurs – agences publiques, entreprises, ingénieurs et opérateurs. Wang souligne d’ailleurs l’existence d’un fossé de communication entre les équipes techniques des data centers et les responsables opérationnels du secteur énergétique.
Autre obstacle : le fonctionnement du marché. L’Académie chinoise des technologies de l’information et de la communication note que le système de certificats d’électricité verte, chargé de vérifier la production d’énergie renouvelable, reste sous-développé. En 2023, à peine 1,5 million de MWh sur les 3,8 millions échangés étaient adossés à des certificats officiels.
Un leadership mondial en ligne de mire
Dès 2017, la Chine s’est fixé pour objectif de devenir, d’ici 2030, leader mondial de la théorie, de la technologie et des applications de l’IA. Selon Kyle Chan, il ne s’agit pas seulement de « gagner la course contre les États-Unis », mais de bâtir une industrie de l’IA résiliente, capable d’accroître la productivité dans tous les secteurs — de la santé à l’éducation, en passant par l’industrie et la gouvernance.
Pour Xu Ming, professeur à l’Université Tsinghua, la gestion des données carbone reste toutefois un point sensible. « Une comptabilité carbone complète exige de suivre l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement, de la production à la livraison », explique-t-il. « Beaucoup d’entreprises redoutent de devoir révéler des secrets industriels. Une IA neutre pourrait jouer le rôle de gardien de confiance, stockant les données d’émissions en toute sécurité tout en permettant un contrôle réglementaire. »

Une capacité de stockage énergétique sans équivalent
La Chine détient déjà la plus grande capacité mondiale de stockage d’énergie.
Selon le dernier plan d’action publié à Pékin, le pays prévoit d’investir 250 milliards de yuans pour presque doubler cette capacité d’ici 2027.
L’objectif : porter la puissance du nouveau système de stockage — principalement à base de batteries lithium-ion — à plus de 180 gigawatts, contre 95 GW en juin 2025.
Une équation complexe entre puissance, prix et planète
Alors que la Chine mise sur l’intelligence artificielle comme moteur de croissance, elle se retrouve face à une équation délicate : comment faire de l’IA un levier économique sans en faire un fardeau énergétique ? Entre transition verte, innovations technologiques et ambitions géopolitiques, la réponse façonnera sans doute le visage énergétique du XXIᵉ siècle.
URL de l'article en neerlandais: https://www.chinasquare.be/is-het-energiesysteem-klaar-voor-ai-boom/
Traduction automatique par ChatGPT