"De Shanghai à Paris – Mon regard sur la nouvelle Chine", de Xu Bo, aux éditions Odile Jacob, 2018
par Etienne de Gail, Étudiant en Master II , Sciences Po-Aix, pour "Etudes géostratégiques", le 3 novembre 2018
Selon l’auteur, une véritable prise de conscience s’est opérée dans les hautes sphères politiques et économiques quant à la nécessité d’une « révolution verte » chinoise, dont les effets sont déjà visibles dans les grandes villes du pays (réduction de la pollution etc…). A travers son ouvrage, Xu BO insiste à de nombreuses reprises sur la « revanche » chinoise sur le monde – particulièrement occidental -, ainsi que sur l’inexorabilité de cette prédominance.
La première partie du livre retrace l’enfance de l’auteur et les difficultés de ses parents, considérés comme de « mauvais éléments » au sein de la société chinoise de Mao au temps de la révolution culturelle, leur interdisant de fait l’accession à la fonction publique et les enfermant dans un statut de paria social. Le récit des retrouvailles entre Xu Bo et ses amis d’enfance quelques quarante ans après lui permet de comparer son statut et sa place dans la société d’alors avec sa situation actuelle, se décrivant comme un « intellectuel chinois, francophone et vivant à Paris depuis huit ans (…), ancien diplomate chinois (…) commissaire de l’Expo 2010 à Shanghai et haut fonctionnaire de l’UNESCO. » Il présente, avec admiration, l’ouverture de la Chine et les réformes portées par Deng Xiaoping comme le point de départ salvateur de la nouvelle Chine, cette Chine qui par sa croissance extraordinaire et sa force démographique entend laver les affronts du passé et faire se relever sa civilisation millénaire.
Supériorité chinoise et atouts du pays
Tout au long du livre, Xu BO compare la situation chinoise à la France, ce qui lui permet de mettre en avant la supériorité de son pays sur une grande majorité de domaine ; cela n’empêche pour autant pas de rapprocher les pays sur d’autres plans (coopération économique et stratégique par exemple). Malgré un éloge sans pareil de la Chine, l’auteur reste conscient des limites de la puissance chinoise et des répercussions sociales de l’extraordinaire développement économique qu’elle connaît (pollution, surpopulation, prix de l’immobilier exorbitants, inégalités croissantes …).
L’auteur résume cette réussite chinoise par trois éléments clés :
- « une nation qui a soif d’entreprendre ou une tolérance aux déséquilibres de revenus ;
- Une politique pro entrepreneuriat du gouvernement ou la capacité d’innovation institutionnelle ;
- Un terreau fécond pour l’entrepreneuriat ou la culture de tolérance à l’échec. »
« L’esprit chinois » jouerait aussi un rôle de première importance dans la réussite du pays, les Chinois étant très optimiste au sujet de la mondialisation, accentuant leur investissement dans ce processus planétaire, et de fait leur réussite. Cet entrepreneuriat s’illustre particulièrement dans le génie civil et les nouvelles technologies, et entre dans une phase de production de biens à haute valeur ajoutée.
Xu Bo souligne aussi l’importance fondamentale de l’application WeChat -équivalent chinois de Facebook – à propos de laquelle il parle de « révolution silencieuse » : avec ses 900 millions d’utilisateurs quotidiens, elle constitue selon lui une extraordinaire plateforme de partage, d’expression, mais aussi de contestation et de participation au débat public, allant jusqu’à peser – dans certains cas – sur la décision publique. Néanmoins, seul un pouvoir fort et centralisé est en mesure d’assurer la « renaissance chinoise », la démocratie occidentale s’accompagnant d’un nombre trop important de lenteurs et d’engourdissements, portant aux pouvoirs des hommes et femmes politiciens plus que politiques.
Retards et limites du pays
Avant tout, la corruption est présentée comme un véritable fléau, touchant toutes les strates de l’administration et de la société, constituant presque un « mode de vie ». La lutte contre celle-ci est ainsi devenue une priorité du gouvernement, et des centaines de fonctionnaire sont aujourd’hui en prison. Par ailleurs, le prix de l’immobilier dans les principales villes du pays (Beijing, Shenzen …) et sa place dans l’économie nationale est fortement décriée, faisant peser une instabilité du fait de son caractère nocif et prédateur quant à l’économie réelle (45% du PIB chinois) ; participant en outre à la désagrégation des liens familiaux traditionnels du fait de l’impossibilité de trouver un logement pouvant accueillir des familles entières. Xu BO apporte aussi une nuance à la réussite entrepreneuriale en Chine : 1. Le coût de production ; 2. La marginalisation de l’industrie ; 3. La compétition dans une économie de marché plus ou moins régulée ; 4. Une relation délicate avec le gouvernement. Il critique par ailleurs les dangers d’un « capitalisme de connivence« , qu’il rapproche du problème de la corruption. Au niveau sociétal, le « vieillissement de la population et la chute libre des valeurs » concernent beaucoup l’auteur qui semble exprimer une crainte largement partagée.
Politique étrangère chinoise
Le rappel du décès du diplomate Wu Jianmin est l’occasion de revenir sur les fractures au sein de la société chinoise quant aux attitudes à adopter face au monde extérieur. Xu BO oppose les « Colombes » en faveur de relations pacifiées avec le reste du monde, aux « Faucons« , belliqueux et revanchards. Par ailleurs, il parle du « piège de Thucydide« , selon lequel un affrontement serait inéluctable entre un hégémon en place (USA) et un hégémon montant (Chine), ce que le pouvoir chinois veut éviter, tout en sachant que les deux pays ne sauraient être alliés tant leurs intérêts sont contradictoires, bien que convergents, intégrés et inséparables : c’est toute la complexité de leurs relations. La Chine veut dès lors créer « une communauté d’intérêts et de destins » (cf. le projet OBOR) pour associer le plus grand nombre à sa renaissance.
À propos de l'auteur
Francophone et francophile, Xu Bo a été diplomate en poste à Paris. Ancien commissaire de l’Expo 2010 à Shangai et haut fonctionnaire de l’UNESCO, il continue à oeuvrer au dialogue interculturel entre la Chine et la France à travers le groupe "Les Amis de Wu Jianmin" (l’ancien ambassadeur de Chine en France décédé dans un accident de voiture en 2016). Dans son livre "De Shangai à Paris. Mon regard sur la nouvelle Chine" (éditions Odile Jacob), Xu Bo livre souvenirs familiaux et réflexions sur un pays au carrefour de son destin.
lisez son interview ici: https://cn.ambafrance.org/Interview-du-mois-fevrier-2007-Bo-Xu
écoutez-le à propos de son livre ici: https://www.youtube.com/watch?v=iOS2BoJ0RWk
Format : Format Kindle
Taille du fichier : 2442 KB
Nombre de pages de l'édition imprimée : 166 pages
Pagination - ISBN de l'édition imprimée de référence : 2738144187
Editeur : Odile Jacob
Langue : Français
ASIN : B07D3S28HK