Climat : à une semaine de la COP26, la position de la Chine et des États-Unis reste illisible
par Jérôme Cristiani, pour La Tribune, le 25 octobre 2021
À une semaine de la COP26, la coopération entre la Chine et les États-Unis reste en panne, tant pour des questions de politique intérieure que de relations internationales. Chine Nouvelle, l'agence officielle du gouvernement chinois, a publié un plan qui reformule et précise la volonté présidentielle de Xi Jinping d'atteindre la neutralité carbone en 2060, soit dix ans après l'Union européenne.
À une semaine de la COP26 qui débute à Glasgow (Écosse) dimanche prochain, et, après la dernière sommation lancée par l'ONU il y a à peine cinq jours(*) face à un "monde encore englué dans les fossiles", la Chine, qui avec les États-Unis est responsable de plus de 40% de la pollution mondiale (28% pour la seule Chine), réaffirme sa volonté de réduire sa consommation d'énergies fossiles jusqu'à atteindre la "neutralité carbone" d'ici... une quarantaine d'années.
En effet, Chine Nouvelle, l'agence officielle du gouvernement chinois, a publié un plan énonçant une série d'objectifs pour parvenir à la neutralité carbone, dont une des étapes serait la limitation à moins de 20% l'usage des énergies fossiles d'ici à 2060.
L'annonce reformule et précise la volonté présidentielle de Xi Jinping d'un plan en plusieurs étapes: avec une première phase de réduction des émissions polluantes d'ici à 2030, puis l'atteinte de la neutralité carbone en 2060.
Chine Nouvelle a précisé ces objectifs: d'ici à 2030,
- l'usage des énergies non fossiles devra se situer aux alentours de +25% de la consommation totale d'énergie;
- les émissions de CO2 produites par unité de PIB devront avoir chuté de plus de 65% par rapport aux niveaux de 2005,
- la capacité des installations d'énergies renouvelables (éoliennes et solaires) devra être supérieure à 1,2 milliard de kilowatts.
La Chine et le dilemme de ses besoins en électricité
En avril, alors que pour faire face à la demande d'énergie croissante, la Chine a entamé la construction de pas moins de 368 centrales à charbon, le président Xi Jinping avait affirmé que le pays maîtriserait strictement ses projets de centrales électriques à charbon et réduirait progressivement sa consommation de charbon. Pour rappel, le charbon, source d'énergie très polluante, assure 60% de la production électrique actuelle de la Chine.
En septembre, le président chinois s'était également engagé devant l'Assemblée générale de l'ONU à cesser de construire des centrales à charbon à l'étranger.
Mais parallèlement, confronté à des pénuries massives d'électricité qui pénalisent la reprise, à cause d'une flambée des prix du charbon dont le pays est très dépendant pour alimenter ses centrales, la Chine est en passe d'augmenter de 6% sa production de charbon.
En début de semaine, la Commission nationale du développement et des réformes (NDRC) a ainsi indiqué que 153 mines avaient été autorisées depuis le mois dernier à accroître leur capacité de production de 220 millions de tonnes par an.
L'Europe, elle, vise la "neutralité carbone" dix ans plus tôt, en 2050
Quant à l'Union européenne, en vertu de la loi européenne sur le climat, elle s'est engagé à adopter la neutralité carbone d'ici 2050. Quid de cette "neutralité carbone" ?
Pour mémoire, le concept de "neutralité carbone" désigne non pas la fin des émissions carbonées mais l'équilibre entre les émissions de carbone et l'absorption du carbone de l'atmosphère par les puits de carbone. La neutralité carbone est le résultat d'une opération aboutissant à une somme: pour atteindre des émissions nettes nulles, toutes les émissions de gaz à effet de serre dans le monde devront être compensées par la séquestration du carbone. Pour être climatiquement neutre, selon les objectifs que s'est fixés l'UE signifie, qu'après 2050, un pays doit avoir retiré plus de CO2 de l'atmosphère qu'il n'en a rejeté dans celle-ci.
Cet objectif de neutralité carbone qui vise à limiter le réchauffement de la planète à +1,5°C (seuil défini comme sûr par le GIEC) a été notamment défini dans l'accord de Paris signé par 195 pays, dont l'Union européenne, qui se sont engagés à l'atteindre dès le milieu de ce 21e siècle, en 2050.
La coopération sur le climat entre États-Unis et Chine à nouveau en panne
Sur la question de la défense de l'environnement et de la transition énergétique, les États-Unis sont de plus en plus dans une position ambigüe. En effet, Biden s'était engagé à réparer les dommages de l'administration Trump qui était sorti de l'accord de Paris pourtant signé en 2015. Et il avait lancé sur ce thème des initiatives ambitieuses aux plan national et international, notamment avec la Chine.
En avril, Biden avait envoyé John Kerry en Chine pour discuter d'une collaboration sur la question climatique et les deux pays avaient même publié une déclaration conjointe sur leur coopération future.
Las, le 3 septembre dernier, lors de la deuxième visite de Kerry en Chine, l'ambiance se réfrigérait à nouveau, RFI titrant sur "une visite au goût de charbon" pour l'envoyé spécial américain sur le climat: le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi déclarait en effet que la coopération sur le changement climatique ne pouvait pas être dissociée de la situation globale des relations sino-américaines.
Pire sans doute, sur le front intérieur, Joe Biden a mené durant toute cette semaine des négociations intensives avec des sénateurs réticents, au cours desquelles il a dû consentir à diminuer drastiquement les dépenses consacrées non seulement aux mesures sociales mais aussi... au climat.
À une semaine de la COP26, la direction que prendra la coopération si cruciale entre les deux superpuissances, premières responsables du réchauffement climatique, reste imprévisible.