Chine : les grands équilibres énergétiques
par la rédaction de "Planète-énergies", le 8 août 2018
La Chine est sans doute le pays qui a connu les mutations les plus spectaculaires depuis les années 1980. Le pays s’est ouvert à la mondialisation, a construit des ports et des métropoles géantes, est devenu le premier marché automobile et est aujourd’hui la deuxième puissance économique mondiale derrière les États-Unis. Il devrait devenir la première entre 2030 et 2035.
Coup de frein sur la consommation
De tels mouvements tectoniques ont bien sûr exigé des quantités massives d’énergie. Sa consommation a triplé entre 1990 et 2015, passant de 650 millions de tonne équivalent pétrole (Mtep) à 1 900 Mtep (à titre de comparaison, la France consomme 162 Mtep). En 2016, la Chine est le plus gros consommateur d’énergie avec une part de 23 % du total mondial1. Bien sûr, rapportée au nombre d’habitants, la consommation énergétique de la Chine reste faible, un peu supérieure à la moyenne mondiale mais pratiquement la moitié de la moyenne des pays les plus développés de l’OCDE2.
En 2016, la croissance de la consommation énergétique chinoise (+1,3 %) est encore supérieure à la moyenne mondiale (+1 %). Cependant, il y a un coup de frein indéniable puisque de 2005 à 2015, le rythme était en moyenne de 5,3 % par an. Ce mouvement s’explique à la fois par le ralentissement de la croissance économique chinoise après des années de taux à deux chiffres et par les efforts du gouvernement de Pékin pour améliorer l’« intensité énergétique » du pays3. C’est en effet une meilleure efficacité dans l’utilisation de l’énergie qui doit permettre à la Chine de contenir ses besoins en énergie tout en poursuivant sa croissance.
Le charbon, dominant pour longtemps
Ce grand bond économique chinois s’est appuyé sur une source d’énergie dont le pays dispose en grandes quantités, à savoir le charbon. La Chine est non seulement le premier producteur mondial, appuyé sur ses réserves (les 2e du monde après celles des États-Unis), mais aussi le premier importateur, devant l’Inde. La part du charbon dans le mix énergétique primaire était de 62 % en 2017 (contre 74 % au milieu des années 2000). Il assure 65 % de la production de l’électricité (contre 1,8 % en France et 30,1 % aux États-Unis en 2017). Voir les graphiques ci-dessous.
Malgré le volontarisme des politiques publiques chinoises pour réduire son utilisation, à cause des problèmes de qualité de l’air et de santé qui en résultent, le charbon restera très présent. Signe de la rigidité des structures énergétiques, sa part devrait encore dépasser 40 % dans le mix énergétique primaire en 20404.
Les énergies renouvelables
La Chine dispose des plus grandes capacités mondiales d’énergie hydraulique, symbolisées par la centrale hydro-électrique géante des « Trois gorges », mise en production entre 2006 et 2009, sur le fleuve Yangzi Jiang. Elle y a ajouté depuis 2000 le solaire et l’éolien qui connaissent une hausse constante : de 2015 à 2017, la capacité installée en solaire photovoltaïque a plus que doublé ; la croissance de l’éolien a ralenti depuis 2015 mais la Chine détient environ 1/3 de la capacité éolienne mondiale.
Ainsi, la Chine est désormais le plus grand producteur d’électricité renouvelable dans le monde. En 2017, leur part a atteint 26,4 % dans la production électrique. Ce mouvement se répercute sur le plan industriel, puisque le pays assure plus du tiers de la production mondiale de panneaux solaires et est un des plus grands constructeurs d'éoliennes au monde.
Le gaz et le pétrole
La Chine n’est pas un grand pays producteur d’hydrocarbures et doit importer l’essentiel de sa consommation. Le taux de dépendance de la Chine en matière de pétrole a atteint un record en 2016 à 68 %. Le pays est devenu le plus grand importateur de pétrole du monde. Le gaz ne représente qu’un peu plus de 5 % de la consommation totale d’énergie primaire du pays, mais ses importations ont fait un bond de 33 % en 2017. Ce mouvement devrait s’accélérer et la Chine deviendra dans les prochaines années un acteur décisif sur le marché mondial du GNL, le gaz naturel liquéfié.
Cette situation de dépendance pour les hydrocarbures a une forte influence sur la géopolitique. La Chine renforce sa flotte militaire et installe de nombreuses bases dans le monde ; elle investit aussi beaucoup dans les ports du monde afin de protéger les routes maritimes de son approvisionnement et en même temps de favoriser les débouchés de ses produits. Elle accroît ses approvisionnements de gaz avec l’Asie centrale et la Russie, afin de diversifier son approvisionnement.
Le nucléaire
La Chine a engagé un plan de développement du nucléaire à long terme. Elle dispose fin 2017 d’un parc nucléaire d’une puissance installée de 34 GW. Elle s’est fixé un objectif de 58 GW en 2020, l’équivalent du parc français. Mais elle vise bien plus haut : une capacité installée de 150 à 200 GW à l’horizon 2030, soit environ la moitié du parc mondial actuel5. Même avec de telles ambitions, le nucléaire ne devrait représenter que 6 ou 7 % de la production électrique totale (contre 4 % aujourd’hui).
Notes :
2 Agence internationale de l’énergie – Key world energy statistics
3 L’intensité énergétique mesure la consommation d’énergie par rapport au produit intérieur brut (PIB).
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