La Chine en transition énergétique : un virage vers les énergies renouvelables?
par Olga V. Alexeeva et Yann Roche, le 28 décembre 2014
L'énergie est le moteur de la croissance économique, et des notions comme la sécurité énergétique et l'accès aux ressources sont sans conteste des facteurs-clé du développement d'un pays. Malheureusement, cette utilisation massive et parfois excessive des énergies contribue aussi de manière significative à la pollution de l'air et plus largement aux changements climatiques. Ce dilemme préoccupe beaucoup la communauté internationale qui s’est fixée pour objectif de trouver un équilibre entre la croissance économique, la sécurité énergétique et la protection environnementale, en d’autres mots un équilibre exprimant la notion trop souvent galvaudée de développement durable. L'atteinte éventuelle de cet équilibre est particulièrement difficile pour les pays en développement et surtout pour les économies émergentes, qui doivent choisir entre une croissance rapide mais énergivore et à long terme nuisible pour l'environnement, et un développement lent, rationnel quant à l'utilisation des ressources, mais sans garantie de succès et parfois risqué sur le plan politique.
A cet égard, le développement économique de l'Asie, et plus particulièrement celui de la Chine, peut être considéré aujourd'hui comme l'un des plus grands défis pour le développement durable à l'échelle planétaire. La croissance économique y a été à la fois rapide et continue, et elle a permis d'élever considérablement le niveau de vie des populations concernées, mais au prix d’une importante augmentation de l'utilisation et de la production d'énergie afin de soutenir cette même croissance. Ce problème est aggravé par le fait que les trois-quarts de l’énergie requise proviennent du charbon et d'autres sources d'énergie fossiles dont l'exploitation massive s'accompagne de pollution et d’un gaspillage de ressources à grande échelle.
Cette situation inquiète non seulement la communauté internationale, mais aussi les gouvernements des pays asiatiques dont les citoyens considèrent de plus en plus les problèmes environnementaux comme le résultat de choix politiques irresponsables. La réduction de la pollution fait désormais partie de la liste de promesses électorales, elle fait l'objet de doléances et d'exigences populaires envers les leaders asiatiques nationaux, et c’est notamment le cas pour la République Populaire de Chine (RPC). Parmi les énergies renouvelables qui sont donc de plus en plus au goût du jour, l’éolien et le solaire demeurent encore faibles en proportion et c’est l’hydroélectricité qui apparaît comme la principale voie privilégiée par le gouvernement chinois pour combiner des objectifs qui peuvent apparaître a priori difficilement conciliables. Le développement de cette dernière est toutefois soumis à bon nombre de remises en question, tant du point de vue de ses retombées environnementales qu’à l’échelle géostratégique. Le présent article se propose d’analyser la stratégie de la transition énergétique de Pékin et son application en évoquant les différentes dimensions du récent virage énergétique chinois (hydro-électricité, éolien, solaire, etc.) sous l’angle des enjeux et conséquences géopolitiques de ces choix, tant à l’échelle nationale que mondiale.
Une croissance économique énergivore
4 La modernisation de la Chine depuis la fin des années 1970 a donné lieu à un vaste processus d’industrialisation et d’urbanisation qui a mobilisé des millions de travailleurs chinois et a nécessité l’utilisation massive de ressources énergétiques et minières provenant non seulement de Chine, mais aussi de partout dans le monde. En trente ans, avec un taux de croissance annuelle de 9 % en moyenne1, la Chine a atteint un développement économique sans précédent. Des millions de Chinois sont sortis de la pauvreté extrême et le pays est devenu la deuxième puissance économique mondiale. Sa consommation énergétique s’est accrue proportionnellement. En trente ans, elle a été multipliée par six, passant, entre 1978 et 2013, de 57 144 à plus de 375 000 tonnes TEC (voir figure 1). En juillet 2010, l’Agence Internationale de l’énergie (International Energy Agency ou IEA) a annoncé que la Chine est désormais le plus grand consommateur d’énergie au monde après les États-Unis2. Sa part dans la consommation énergétique mondiale a été estimée à 20,6 %, avec 4,6 tonnes d’émissions de CO2 par habitant, ce qui dépasse la valeur globale moyenne. Entre 2000 et 2007, le volume des émissions de CO2 chinoises liées à la consommation d’énergie a doublé (6,1 Gt en 2007), et l’IEA estime qu’elles continueront à croître de façon exponentielle pour atteindre 9,6 Gt en 2020 et 11,6 Gt en 2030 (IEA, 2009).
Figure 1. Evolution de la consommation énergétique totale en Chine, 1978-2013 (10 000 tonnes de TEC).
5 Cette augmentation de l’intensité énergétique est le résultat non seulement des rythmes impressionnants de la croissance (He et Wang, 2007), mais aussi des caractéristiques particulières du développement socio-économique chinois. Ainsi, les facteurs-clé du récent bond en avant dans l’utilisation des énergies en RPC sont :
- le développement poussé des industries lourdes et manufacturières dans les provinces orientales du pays;
- la frénésie de construction qui a touché le pays tout entier ces dernières années et qui a fait s’emballer la production très énergivore d’aluminium, d’acier et de ciment (Liao et al., 2007).
6 Afin de rattraper le manque d’investissements dans le domaine du transport et de la logistique durant l’époque maoïste (1949-1976), dès le début des réformes, les autorités chinoises ont mis l’accent sur le développement de réseaux routiers, ferroviaires et portuaires modernes, indispensables pour moderniser l’économie et attirer les investisseurs étrangers, augmentant ainsi la compétitivité de la RPC. En parallèle, on a favorisé la construction de logements et de sites d’utilité publique - immeubles, écoles, supermarchés, hôpitaux, installations sanitaires, stations de filtration d’eau, déchetteries, etc. Ainsi, aujourd’hui, chaque ville chinoise de taille moyenne ou grande ressemble à un gigantesque chantier de construction où les lignes de métro, les routes, les ponts et les chemins de fer, les hauts immeubles en béton et les centres d’achat fleurissent comme par magie dans de très courts laps de temps afin de faciliter la vie de 1,3 milliard de citoyens chinois. Ainsi, si en 1987, la Chine comptait 0,98 million de km d’autoroutes, ce chiffre était déjà passé en 2007 à 3,58 millions de kilomètres, soit une croissance de 265 % en vingt ans (Zhang et Lahr, 2014). La taille du logement moyen a aussi augmenté au cours de la même période, passant de 12,7 m2 à 30,1 m2 en ville et de 16 m2 à 31,6 m2 en zone rurale (NBS, 2008). En 1980 le gain net de l’industrie de construction qui employait à l’époque 8,54 millions de personnes, a été de 28,7 milliards de RMB, alors qu’en 2010, ses bénéfices totaux s’élevaient déjà à 9520,6 milliards de RMB, générés par environ 36 millions travailleurs engagés dans les activités de construction (Li et Yao, 2012). Ce boom dans la construction a bien entendu un coût énergétique non négligeable. La production du béton, du ciment, de l’acier et de toutes sortes de matériaux de construction, ainsi que les travaux de reconstruction et de réparation des structures déjà existantes, sont extrêmement énergivores. Elle représente actuellement environ 19 % de la consommation énergétique totale de la Chine et est responsable de 16 % du volume de ses émissions de CO2 (Li et Yao, 2012).
- 3 Le taux d’urbanisation en Chine est actuellement estimé à environ 50%, la population urbaine a pres (...)
- 4 La notion de logement moderne sous-entend l’accès à nombre de services énergétiques - système de ch (...)
7 Historiquement, c’est l’industrie qui était le principal consommateur d’énergie en Chine. Mais, dernièrement, la part de la consommation énergétique des particuliers s’est elle aussi mise à croître rapidement : la demande en énergie et en autres ressources et produits est donc aussi tirée vers le haut par la grande taille de la population et du marché intérieur chinois (Sagers et Pannell, 2008). Ce changement est lié à la croissance économique générale, à l’augmentation du niveau de vie moyen des Chinois, à l’urbanisation rapide3 et à l’adoption par de larges pans de société chinoise des modèles de consommation et des standards de vie occidentaux. Dans l’imaginaire populaire, « un ménage idéal » possède désormais un logement moderne4 équipé de tous les appareils électro-ménagers proposés sur le marché, d’ensembles de meubles Ikea et de gadgets électroniques Apple, ainsi que d’une voiture de marque japonaise ou allemande. Même si la réalisation de ce « rêve » reste à l’heure actuelle hors de la portée de la plupart de gens en Chine, cette vision influence de manière significative leur mode de consommation quotidienne ainsi que le caractère des dépenses de leur épargne à long terme. Les ménages chinois consomment aujourd’hui de manière indirecte beaucoup plus d’énergie qu’en 1978 : ils utilisent plus d’électricité dans leur vie quotidienne et achètent davantage de produits et de services, dont la fabrication a nécessité l’utilisation extensive des ressources naturelles (voir figure 2).
Figure 2. Evolution de la consommation énergétique annuelle des ménages chinois, 1983-2009 (kg de TEC).
8 Ce changement de comportement socioéconomique pris en considération dans le contexte de la grande taille de la population chinoise et de l’élévation générale de son niveau de vie aura, dans les années à venir, un impact considérable sur la hausse de l’intensité énergétique de la Chine. L’exemple des rythmes d’augmentation du parc automobile à Pékin est assez significatif de l’impact de cette augmentation du niveau de vie et il laisse entrevoir par un de ses aspects particuliers l’ampleur possible de cet impact : en dix ans, le nombre de voitures appartenant à des particuliers a plus que quintuplé5, bien que le gouvernement contrôle de manière très stricte le nombre de voitures autorisé sur les routes de la capitale. Ainsi, afin de circuler à Pékin, les particuliers doivent d’abord obtenir un permis de conduire et acheter une voiture avant de s’inscrire à une loterie d’État pour obtenir une plaque d’immatriculation. Tous les jours, les autorités attribuent un nombre donné de plaques en tirant au hasard les numéros de participants. De ce fait, nombreux sont ceux qui attendent plusieurs mois voire plusieurs années avant pouvoir circuler dans la capitale. À cela s’ajoute le système de circulation alternée, selon lequel les véhicules des particuliers ne peuvent circuler en ville que certains jours par semaine, en fonction de leur numéro de plaque. L’administration de la ville de Shanghai a adopté une solution encore plus radicale – les plaques d’immatriculation y sont vendues lors d’enchères publiques.
- 6 Le sous-sol chinois recèle environ 14 % des réserves mondiales en charbon, plaçant la Chine au 3e r (...)
- 7 Dans les années 1950, le charbon représentait 95 % de la production et 92 % de la consommation éner (...)
9 L’énergie nécessaire pour satisfaire ces besoins provient de sources variées, mais dans des proportions inégales. Le charbon occupe une place prépondérante dans le bilan énergétique de la Chine, et sa part a très peu évolué depuis les trente dernières années (voir figure 3). Cette situation est le résultat de plusieurs facteurs. La Chine en possède des ressources très abondantes et de bonne qualité, dont l'exploration ne demande pas de lourdes installations techniques ou des technologies sophistiquées6. Dès le premier plan quinquennal, lancé par le gouvernement communiste en 1953, le charbon était la source principale d’énergie primaire pour les industries lourdes nouvellement crées – les complexes sidérurgiques, métallurgiques et chimiques, ainsi que pour le secteur résidentiel7. Cette situation a peu changé depuis : le charbon et l’électricité d’origine thermale restent toujours une source majeure d’énergie en Chine. Le charbon est aussi massivement utilisé dans le secteur résidentiel pour le chauffage des logements et la cuisson des aliments etc.
Figure 3. Evolution de la composition de la consommation énergétique de la Chine, 1978-2012 (en %).
Figure 4. Cuisinière à charbon, Xian, juin 2013.
10 L’investissement dans les autres sources potentielles d’énergie– gaz, pétrole et hydro-électricité -, a été marginal jusqu’à la fin des années 19708. La technologie utilisée pour extraire, transporter et préparer le charbon pour la combustion n’a pas beaucoup changé depuis son implantation dans les années 1930. Le processus de combustion est donc depuis l’époque maoïste une source majeure de pollution, émettant particules en suspension (suie et cendres) et gaz toxiques qui sont la cause principale des pluies acides (Sagers et Pannell, 2008). La réalisation des réformes et de la modernisation industrielle lancées par Deng Xiaoping a été considérablement facilitée par la disponibilité de cette source d’énergie « inépuisable » et abordable sur le territoire national: le décollage économique spectaculaire de la RPC serait difficilement imaginable si le pays devait importer la majorité de ressources énergétiques nécessaires pour son développement (Yan, 2010).
11 Les hydrocarbures (pétrole et gaz naturel) sont moins utilisés en Chine que le charbon, bien qu’en volumes absolus, la RPC soit devenue en 2009 le deuxième plus grand consommateur de pétrole au monde après les États-Unis (Thomson et Horii, 2009). Malgré l’existence de réserves relativement importantes, une grande partie du pétrole et du gaz que le pays consomme aujourd’hui est importée. Connaissant les dangers de la dépendance énergétique, Pékin a su diversifier ses sources d’hydrocarbures en multipliant le nombre de ses fournisseurs – les principaux pays-producteurs du Moyen-Orient (Arabie Saoudite, Iran et Oman principalement), de l’Asie de Sud-Ouest et de l’Afrique (Angola et Soudan), ainsi que la Russie.
12 La consommation et la production des énergies renouvelables paraissent encore très modestes en comparaison de celles des énergies fossiles. Toutefois, on peut observer une réelle croissance de leur part au sein du bilan énergétique chinois. En effet, si en 1978, cette dernière ne représentait que 3,4 % de la consommation énergétique annuelle, elle a atteint 9,8 % en 2013 (NBS, 2014). Ce progrès s’explique par l’adoption par le gouvernement d’une série de mesures politiques et socioéconomiques visant à développer les industries de production d’énergies hydro-électrique, solaire et éolienne, ainsi que différentes sources de biomasse.
13 L’évolution du bilan énergétique chinois depuis les trente dernières années reflète l’ampleur de sa transformation économique et sociale. La prédominance du charbon résulte en effet de plusieurs facteurs de nature économique, politique, administrative, sociale et géostratégique. L’utilisation des énergies fossiles a permis de satisfaire les besoins énergétiques de la RPC pendant les années cruciales de la réforme économique. Toutefois, elle s’est accompagnée d’un cortège d’inconvénients : épuisement des ressources naturelles, pertes d’énergie colossales, pollution des sols, de l’air et de l’eau. Ces problèmes écologiques, déjà assez sérieux dans les années 1980-1990, ont débouché sur une crise aigüe menaçant de détruire l’équilibre environnemental et énergétique non seulement en Chine mais aussi à l’échelle globale.
Les grandes lignes de la politique énergétique chinoise
14 Les premières mesures adoptées par Pékin dans le but de réduire la consommation énergétique nationale remontent aux années 1980. Le VIe plan quinquennal (1981-1985) résumait les objectifs de cette nouvelle politique en soulignant l’importance de l’ajustement structurel et industriel de la consommation énergétique chinoise, ainsi que le rôle primordial de la conservation d’énergie et du développement des nouvelles sources énergétiques (gaz naturel, pétrole, hydro-électricité et nucléaire) qui devaient à terme réduire la part du charbon dans le bilan énergétique total. Ainsi, le VIe plan quinquennal a fourni un premier cadre administratif de la transition énergétique de la RPC, bien que, à l’époque, ces mesures aient eu un caractère de recommandation plutôt que de dispositif pratique et obligatoire. Néanmoins, cela a permis la création des différentes agences gouvernementales chargées du contrôle et de la gestion des problèmes liés à la transition énergétique du pays. Les représentants et les bureaux de ces agences ont été introduits au sein de différentes organisations administratives à tous les niveaux du gouvernement central, ainsi qu’au sein de grandes et moyennes entreprises d’État, ces dernières étant les principales consommatrices d’énergie. Parallèlement, le gouvernement chinois a alors commencé à travailler sur la formulation de la première loi sur la conservation d’énergie qui, après de longues discussions, fut finalement adoptée par l’Assemblée nationale populaire en 19979.
15 Cette nouvelle loi a permis aux administrations provinciales de promulguer une série de règlements sur la conservation (la prévention du gaspillage) et la consommation d’énergie, plus particulièrement de définir officiellement les normes et les limites d’utilisation de l’énergie par unité de production pour toutes les industries énergivores. L’introduction de ces mesures a eu un impact structurel assez important, car elle a aidé à classer officiellement et à évaluer les entreprises en fonction de leur intensité et de leur efficacité énergétiques. L’un des résultats de cette politique a été la mise en place de programmes de fermeture progressive des petites entreprises ne respectant pas ces nouvelles normes provinciales parce qu’elles utilisent des équipements anciens et désuets, et sont alimentées en charbon. Quant aux grandes et moyennes entreprises, on a identifié d’abord celles qui consomment annuellement plus de 10 000 tonnes de TEC. Ces structures se sont ensuite vues demander d’adopter différentes mesures de conservation d’énergie et d’engager un gestionnaire qui devrait superviser leur réalisation ainsi que de produire les rapports officiels périodiques sur leur consommation et l’efficacité énergétique (Crossley, 2013). Pour contrôler l’application de cette politique localement, plusieurs centres de supervision de la conservation de l’énergie ont été créés, qui réalisaient des inspections régulières des sites industriels et imposaient des amendes aux entreprises qui ne respectent pas les normes énergétiques provinciales.
16 Depuis le début des années 2000, le gouvernement chinois a multiplié des actions en faveur de l’environnement et du développement durable et a adopté plusieurs nouvelles directives et règles en matière de conservation et d’efficacité énergétiques, manifestant ainsi une prise de conscience croissante face à la crise écologique et énergétique actuelle. Par exemple, au nord du pays, on consomme deux à trois fois plus d’énergie pour chauffer un mètre carré de logement que dans les autres pays du monde ayant un climat similaire. Pour remédier à cette situation, le gouvernement a d’abord encouragé, à travers différentes initiatives financières et administratives, les constructeurs à utiliser des matériaux d’isolation plus modernes afin de conserver la chaleur à l’intérieur des bâtiments. Ensuite, on a mis en place de nouveaux standards de construction, avec des régulations énergétiques assez strictes et obligeant les constructeurs à mieux isoler les nouveaux immeubles dans les régions froides (Li et Yao, 2012).
17 Les objectifs à caractère environnemental sont désormais inclus dans chaque plan quinquennal depuis le Xe plan (2000-2005), dans lequel on promet de « remarquables efforts pour sauver et protéger les ressources naturelles ». Concrètement, dans ce plan, Pékin prévoyait sur cinq ans d’augmenter la part des forêts de 18,2 %, de réduire la décharge des polluants urbains et ruraux de 10% et d’accroître la part des espaces verts en ville pour atteindre 35 % (Zhongguo wang, 2004). Toutefois, ces objectifs « verts » ne demeuraient pas moins des compléments à ceux de la croissance et du développement, considérés comme prioritaires. Ainsi, bien que Pékin ait prévu à réduire la part du charbon profit de celle du gaz au cours de cinq années du Xe plan, ces objectifs n’ont pas été atteints et ont été placés à la tête des priorités du plan quinquennal suivant (Meidan, 2007). Les objectifs énergétiques du XIe plan (2005-2010) - réduire la consommation d'énergie de la RPC de 20 % pour 2010 et augmenter de 15 % sa production d'énergies renouvelables avant 2020 – reflètent les inquiétudes du gouvernement chinois par rapport à la nécessité de garantir la sécurité énergétique du pays afin de maintenir les rythmes de croissance stable et suffisamment élevés (Romano, 2011). Ce plan visait donc déjà à instaurer des lignes directrices de la politique chinois en matière de la conservation énergétique, en posant ainsi le fondement nécessaire à l’avancement de projets de grande envergure visant à accélérer le réajustement du développement urbain, l’optimisation de la structure industrielle et de sa distribution, ainsi que la restructuration de la consommation d’énergie de la RPC.
18 Pékin a élaboré plusieurs politiques et chantiers législatifs environnementaux et énergétiques volontaristes intégrant progressivement la question de la durabilité dans ses exigences de croissance. Cependant, définir et fixer les objectifs est une chose, les atteindre en est une autre. La Chine s’est donc dotée d’un éventail de règlements et de lois, mais leur application reste toujours un maillot faible du système. De par la grande disparité géographique du développement chinois, la mise en place de ces mesures environnementales et énergétiques contraignantes est particulièrement difficile. Les zones les plus développées, situées à l’est du pays, tentent d’appliquer ces nouvelles directives et d’inclure la notion de la durabilité dans leur stratégie du développement économique, bien que, parfois, les gouvernements locaux cèdent à la pression où à la « persuasion financière» des puissantes grandes entreprises, peu enclines d’augmenter leurs dépenses par l’application des nouveaux standards et règlements. À l’ouest du pays, dans les régions beaucoup plus vastes mais aussi beaucoup plus pauvres, les autorités locales ne sont pas capables, ni sur le plan financier ni administratif, de mettre en application ces politiques initiées par Pékin. Ces zones restent toujours très peu touchées par les réformes économiques, et sont encore en train d’assimiler les anciens modèles de développement industriel afin de créer des emplois et pouvoir élever le niveau de vie de leurs habitants. Cette situation qui existe non seulement à l’échelle nationale mais aussi à l’échelle intra-provinciale – même les provinces les plus riches ont des districts très pauvres et sous-développés - ne permet pas l’application égale de politiques globales, élaborées à partir des moyennes nationales et imposées par Pékin sur tout le territoire La disparité existante des conditions économiques entre les provinces doit être prise en considération.
19 De son côté, la population chinoise elle-même prend de plus en plus conscience des effets néfastes du développement déséquilibré de son pays : la pollution croissante de l’air, du sol et de l’eau a fini par toucher le quotidien d’un grand nombre de citoyens chinois. Les multiples catastrophes écologiques qui ont ponctué le développement du pays depuis les quinze dernières années ont fait des milliers de victimes directes ou indirectes, obligeant parfois les gens à quitter leur lieu d’habitation, contaminant leurs champs et les rendant gravement malades. Les taux élevés de pollution de l’air dans la plupart des grandes villes chinoises sont devenus une source importante de mécontentement social. Le récent scandale sur l’utilisation des purificateurs d’air dans les résidences des grands dirigeants du Parti communiste chinois à Pékin10 qui, du coup, ne respirent pas du tout le même air que les habitants ordinaires de la capitale, a permis à évaluer l’ampleur de ce mécontentement. Les exigences «vertes» font désormais partie des attentes et des demandes de la population chinoise au gouvernement, ce dernier est donc obligé de les inclure dans ses programmes politiques.
20 C’est dans ce contexte qu’en 2011, la RPC a adopté dans son XIIe plan quinquennal (2011-2015) les grandes lignes du futur développement du pays. Pour la première fois depuis le début des réformes et de la politique d’ouverture, ce plan n’est pas axé uniquement sur les mesures économiques en faveur d’un rythme de croissance soutenu. De fait, ce XIIe plan, qualifié de « vert » par les médias et les experts internationaux et chinois, met fortement l’accent sur les questions de développement durable et de l’énergie. En continuité avec les objectifs en matière de la conservation de l’énergie visés par le plan précèdent, le gouvernement a officiellement annoncé la nécessité de bâtir une société durable respectueuse de l’environnement, y consacrant 1,4 % du PIB et réduisant radicalement l’intensité énergétique de son développement. Parmi les sept domaines-clé d’investissement prioritaire, trois sont directement liés à la transition énergétique du pays : l’amélioration de l’efficacité énergétique, le développement de nouvelles sources d’énergie et les sources d’énergie propre (Zhao et al., 2011). Le XIIe plan permet aussi à mieux cibler les objectifs concrets de la stratégie gouvernementale en réduisant la confusion entre les impératifs énergétiques et les mesures environnementales, ce qui devrait permettre augmenter l’efficacité de leur mis en place sur le terrain.
21 Pékin souhaite transformer l’économie de la RPC d’un modèle fondé sur la surconsommation d’énergie et sur une force de travail abondante et peu chère (ce qui n’est plus le cas en Chine) vers un modèle axé autour du capital, de la technologie et de l’innovation. Pour atteindre ce but, les Chinois ont décidé de favoriser les activités économiques capables de préserver davantage l’environnement et d’inciter aux économies d’énergie et à la réduction de la pollution afin de promouvoir une économie « écologique » et un nouveau modèle industriel (China daily, 2010; Li, 2011). Toutefois, il est impossible de transformer le modèle économique chinois en seulement cinq ans, le XIIe plan n’est donc que la première étape d’un processus graduel. Ce plan dresse un bilan assez inquiétant de l’évolution énergétique chinoise et identifie clairement les principaux problèmes à résoudre :
- la dépendance excessive de l’économie chinoise par rapport aux énergies fossiles, au charbon en particulier;
- la faible efficacité de l’industrie, dont l’intensité énergétique dépasse largement les standards mondiaux;
- le sous-développement des infrastructures énergétiques (réseau électrique insuffisant, manque d’équipement moderne, problèmes de transport de charbon et d’hydrocarbures depuis les sites de production vers les consommateurs etc.);
- les faibles capacités d’innovation technologique dans le domaine énergétique (Cornot-Gandolphe, 2013).
- 11 À moyen terme, en 2020, cette part devrait atteindre 15 % du mix énergétique chinois (Zhang et Baue (...)
22 L’ambition du XIIe plan est d’améliorer ce bilan. La Chine s’est ainsi engagée à réduire en 2015 son intensité énergétique de 16 % et ses émissions de dioxyde de carbone de 17 % par unité de PIB par rapport à 2010 (Bie et al, 2013). De plus, le gouvernement compte allouer des financements importants au développement des énergies renouvelables en vue de diminuer sa dépendance vis-à-vis des ressources fossiles, et notamment de baisser sa consommation de charbon. À l’horizon 2015, la part des énergies renouvelables devrait constituer 11,4% de l'énergie primaire et 30 % de la production totale d'électricité (Jie et Zhang, 2010)11. Parmi ces énergies renouvelables, l’hydro-électricité occupe une place privilégiée, car c’est principalement grâce au développement massif de la houille blanche que le gouvernement chinois entend atteindre les objectifs « verts » du XIIe plan. Néanmoins, en termes relatifs, l’utilisation d’autres sources d’énergie renouvelable - (éolien, solaire, nucléaire, etc.), est celle qui devrait s’accroître de manière la plus significative.
23 Pour mieux superviser la mise en place et le respect des objectifs « verts » du plan, Pékin a introduit de nouveaux moyens de contrôle au niveau local. Cela inclut par exemple d’inclure dans l’évaluation de la performance des fonctionnaires provinciaux le critère du respect de l’environnement et de la réduction de l’intensité énergétique. Habituellement, la promotion des fonctionnaires dépendait seulement de la vitesse avec laquelle ils réussissent à stimuler la croissance économique de leur région. Par conséquent, les administrations locales ont développé des mentalités particulières - obsédées par le PIB et son augmentation rapide, souvent au détriment de l'environnement et via l’utilisation excessive et non-responsable de ressources. Désormais, comme l’avait souligné l’ancien premier-ministre chinois, Wen Jiabao, « le plus important critère pour évaluer la performance des fonctionnaires est de voir si une région a réalisé un développement économique et social coordonné, plutôt qu'une croissance économique simplement quantitative » (Agence Xinhua, 2011).
24 Le principal objectif de ces nouvelles politiques est de transformer le système énergétique du modèle économique chinois en développant des énergies non fossiles ou peu carbonées et en réduisant la dépendance de la Chine aux énergies fossiles, tout en maintenant un taux de croissance économique élevé. Cet objectif a été récemment confirmé par la nouvelle équipe dirigeante de Xi Jinping qui a promis de lancer nombre de mesures en vue de faire évoluer les modes de production et de consommation chinoises vers un modèle moins intensif en énergie et plus respectueux de l’environnement. Ces dispositifs semblent aller dans le sens de l’instauration d’un contrôle plus strict à la fois des gouvernements locaux et de leurs efforts en matière d’application des lois existantes, et des entreprises qui ne respectent pas les règlements officiels. Par exemple, à Hebei, province où le taux de pollution de l’air est le plus élevé en Chine, certaines petites entreprises polluantes et énergivores qui ont été officiellement fermées, ont transporté leurs équipements désuets ailleurs dans la province et continuent leurs activités dans des endroits isolées pour éviter la surveillance des autorités (Besson, 2014). Pour éviter ce genre de choses, le gouvernement chinois promet donc de renforcer son contrôle dans les provinces.
25 L’un des volets de la politique énergétique et environnementale de la nouvelle équipe de Pékin est consacré à l’éducation de la population vis-à-vis de l’environnement, afin de promouvoir les différentes mesures de conservation d’énergie dans les maisons particulières et sur les lieux de travail. En 2013, pour commémorer la journée nationale de la réduction de CO2 [全国低碳日], les autorités de la capitale ont organisé une exposition dans le musée sur la consommation énergétique et les méthodes de sa réduction que chaque Chinois pourrait adopter dans sa vie quotidienne. L’exposition contenait toutes sortes de panneaux qui expliquaient de manière simple et colorée pourquoi il faut trier les poubelles et utiliser le moins possible les emballages en plastique, comment économiser l’eau potable et électricité (Figure 5).
Figure 5. Exposition sur l’éducation environnementale, Pékin, juin 2013.
26 Même si la population chinoise prend de plus en plus conscience des dangers et des risques liés à la pollution et au gaspillage énergétique, le niveau d’éducation écologique demeure assez bas. Les Chinois ont dû mal à adapter leur comportement en fonction de la nouvelle réalité écologique de leur pays. Ainsi, en se promenant au centre de Shanghai, on peut voir les habitants à accrocher la viande et le poisson dehors, sur leurs balcons et dans leurs fenêtres, à proximité de routes poussiéreuses et achalandées. Cette vieille habitude gastronomique locale consistant à faire fumer la viande et le poisson dehors, rend les produits cancérigènes et nocifs pour la santé (Figure 6).
Figure 6. Viande exposée dans la rue aux vapeurs d’échappement. Shanghai, janvier 2013.
Enjeux géostratégiques
27 La stratégie industrielle chinoise est coordonnée et dotée de moyens financiers importants visant à accroître la capacité d’innovation des compagnies énergétiques du pays et son niveau d’autonomie dans les équipements énergétiques de pointe. L’application de cette stratégie n’est pas toujours facile, face au refus des principaux détenteurs de la technologie occidentaux de partager leurs brevets ou de vendre leurs équipements de pointe par crainte d’espionnage industriel. Tout en tentant de calmer leurs inquiétudes, la Chine se fait de plus en plus ferme dans la défense de ses intérêts sur la scène internationale, n’hésitant pas à faire pression dans le domaine commercial et financier lors de ces négociations.
28 La transition énergétique se situe donc non seulement au cœur de la stratégie chinoise de développement national, mais aussi au centre d’enjeux géopolitiques internationaux majeurs. La capacité d’innovation technologique de l’industrie énergétique reste faible en Chine, surtout en ce qui concerne les énergies vertes. Afin d’améliorer l’accès du pays aux technologies de pointe dans le domaine, Pékin a élaboré une stratégie de coopération internationale fondée sur deux concepts : « go global » [走出去] et « bringing in » [引进来]. Le premier encourage les compagnies énergétiques chinoises à participer à l’exploration et l’exploitation des ressources naturelles en dehors de la RPC. Cette stratégie permet au gouvernement chinois de diversifier les sources extérieures d’hydrocarbures et de réduire les risques liés à l’instabilité géopolitique dans les principales régions productrices du pétrole et du gaz. Le deuxième, au contraire, encourage la participation des compagnies étrangères dans certains domaines énergétiques locaux (énergies renouvelables, gaz de schiste, offshore profond, petit et micro hydraulique, etc.) dans lesquels la RPC ne possède pas les capacités technologiques nécessaires et a besoin d’acheter des technologies et des brevets étrangers (Cornot-Gandolphe, 2013). Cette politique aide les compagnies énergétiques chinoises à augmenter leur capacité d’innovation et par conséquent, à accroître le niveau d’autonomie de la Chine dans le domaine des équipements énergétiques de pointe.
29 La transition énergétique de la Chine a commencé au début des années 1980, dans le cadre du VIe plan quinquennal. Les principaux piliers de ce long et complexe processus – ajustement structurel et industriel, conservation d’énergie, développement de nouvelles sources d’énergie - ont été progressivement mis en place par le gouvernement et récemment confirmés et amplifiés par les objectifs du dernier plan quinquennal de la RPC.
Hydroéléctricité
30 Une importante des plus importantes dimensions de la stratégie énergétique chinoise est sans conteste l’hydroélectricité. La Chine possède en effet le plus vaste potentiel exploitable pour le développement de la houille blanche, potentiel qui en 1998 n’était développé qu’à 12% et offrait de ce fait une immense marge de progression (Li, 2002). Le début du XXIe siècle a vu le développement d’efforts considérables de la part du gouvernement dans ce secteur, et en 2004, en franchissant la barre du 100 millions de kW, la RPC est devenue la première productrice mondiale d’hydroélectricité (Chang et al. 2010). Eu égard au potentiel, aux besoins et à la demande, ces progrès demeuraient insuffisants et l’effort s’est poursuivi et on compte maintenant en Chine plus de 5000 barrages, ce qui la place au second rang mondial derrière les États-Unis12.
31 La construction de barrages n’est certes pas une idée nouvelle en Chine, où on y a eu recours au fil des siècles pour réguler le débit de certains fleuves et assurer un approvisionnement d’eau pour l’irrigation. Le développement de barrages à des fins de production énergétique, qui remonte à la fin du XIXe siècle, aux États-Unis, a vu le jour en Chine au milieu du XXe siècle. C’était la première de quatre étapes entamées en 1950 (Wang et al., 2014) : après un lent décollage de 1950 à 1957, durant lequel la RPC n’avait pas la capacité technique et financière de tirer parti de son potentiel, la période 1958-1966 fut l’occasion, dans le cadre d’un vaste programme de construction d’infrastructures, de lancer plusieurs projets de grands barrages hydro-électriques. Après un ralentissement entre 1967 et 1986pour des raisons politiques (notamment la Révolution Culturelle), la croissance économique chinoise depuis 1987 a fourni les moyens de financer de grands projets de barrages tout en les rendant absolument nécessaires du fait de l’accroissement de la demande en matière d’électricité (Wang et al., 2014). Bien que cette forme de production énergétique soit considérée comme « propre », ce n’était pas à l’origine la motivation principale de Pékin. Ce facteur se trouve maintenant porté à l’avant-plan par la prise de conscience concrétisée par le XIIe Plan.
32 L’hydro-électricité relève à la fois de la production d’énergie et de la gestion de l’eau. Or, malgré les importantes réserves du pays, qui est drainé par de grands fleuves aux forts débits, la question de l’eau est fondamentale en Chine, notamment du fait des besoins de l’agriculture. Cette dernière, sujette à d’importants gaspillages et à une consommation intensive, a déjà été à l’origine de travaux de transfert des eaux de certains fleuves vers les zones de consommation les plus en demande, le Nord-est notamment (Lasserre, 2005). Ces transferts ont bien entendu un impact sur le potentiel de développement hydroélectrique de la RPC.
33 Depuis les années 1990, priorité a donc été donnée en Chine au développement intensif de l’hydroélectricité via la construction de grands barrages. Le point d’orgue de cette démarche fut le début en 1994 de la construction du célèbre barrage des Trois-Gorges sur le Yangtze, après des décennies d’études et de débats parfois houleux (Stone, 2011). Le retard enregistré à l’origine comparativement aux pays développés, notamment les États-Unis, a entraîné un décalage qui fait qu’alors que ces derniers ont plutôt tendance, pour des raisons environnementales et du fait du coût d’entretien de structures vieillissantes, à mettre fin aux activités de leurs grands barrages (McNally, 2009), la Chine est au contraire en plein effort de développement des siens puisqu’en 2000, le pays comptait plus de la moitié des grands barrages du monde (Magee et McDonald, 2006) et venait avec 280, au second rang pour le nombre de nouveaux grands barrages en construction, loin derrière l’Inde13 toutefois (Wang et al. 2014).
34 Le cas des Trois-Gorges mérite d’être précisé, car il illustre à la fois les ambitions du gouvernement en matière de développement économique et énergétique, les difficultés de mise en application, les critiques et réserves que soulèvent ces grands projets, ainsi que les résultats mitigés qu’ils obtiennent (Stone, 2011). Il a pour objet la production d’électricité (une capacité installée de 18,200 MW, desservant 10 régions, mais aussi la régulation des crues du Yangtze (Wang et al., 2014). Titanesque dans ses dimensions, il a eu des répercussions sur le plan social (plus de 1,3 million de personnes déplacées) et environnemental (nombreux glissements de terrain, disparition de certaines espèces), dont plusieurs était prévisibles, d’autres moins (comme la prolifération de la « fièvre des escargots », liée à un parasite qui les contaminait et qui a profité de l’extension de son habitat grâce au barrage pour toucher 1 million de personnes (Stone, 2011).
35 Cet exemple a fait école dans les milieux environnementalistes et sert à alimenter depuis le début de sa construction l’opposition à des méga- projets de ce genre, mais il n’a pas freiné l’ardeur des autorités chinoises. Il serait toutefois erroné de penser que le gouvernement de Pékin peut décider unilatéralement et sans opposition interne de lancer des projets de grands barrages (McNally, 2009). Le cas de la cascade de 13 barrages sur la rivière Nu (Salween) est un exemple des résistances auxquels le pouvoir central dit parfois faire face. En effet, ce projet de 21 Gigawatts prévu dans le Yunnan occidental a été arrêté en 2004. Salué par les écologistes, ce coup d’arrêt semble en fait illustrer les tensions pouvant exister entre les autorités locales et Pékin, dans un contexte politique rendu flou par la conjonction de nouvelles réformes, de vieilles habitudes et une certaine ouverture (Magee et McDonald, 2006). Cela traduit la complexité des processus de prise de décision concernant les grands barrages en Chine, battant en brèche les idées reçues selon lesquelles un état monolithique prend toutes les décisions en matière de grands projets de développement. Selon les échelles, plusieurs acteurs interviennent (compagnies nationales, provinciales, réseaux régionaux, commissions régionales et sous-ministérielles, intervenants gouvernementaux de différents niveaux et de plus en plus, des groupes de citoyens), et viennent complexifier la donne (McNally, 2009).
36 En se lançant dans ces grands barrages, que McNally qualifie de « complexe ensemble de processus sociaux, économiques et écologiques », la Chine ne diffère guère dans sa démarche d’autres pays en émergence. Toutefois, les réformes entamées depuis 1996 semblent plus viser la recherche d’une stabilité au niveau national que la recherche de solutions viables au plan local voire international (McNally, 2009). Et c’est dans ce cadre qu’il est intéressant de considérer l’application des réformes dans le cas de fleuves internationaux, tels la Nu (Salween) et le Lancang (Mékong). Certes, les projets envisagés se situent dans la portion des fleuves située en Chine, mais avec d’évidentes répercussions sur les pays situés en aval. On se trouve donc en situation de tensions hydropolitiques (McNally, 2009), même si les situations sont en fait très différentes. Dans le cas de la Nu, les développeurs chinois se sont attachés à renforcer les liens avec le régime militaire au pouvoir en Birmanie (allié de Pékin) et à l’impliquer dans des projets situés dans la partie birmane du fleuve. En l’absence d’organisation internationale formelle de régulation, ces arrangements, associés au déséquilibre de la relation d’alliance entre les deux pays, ont de bonnes chances d’aplanir toute difficulté (McNally, 2009). Dans le cas du Mékong, appelé Lancang dans sa partie chinoise, le projet vise une cascade de 8 barrages sur la portion sud du Lancang, avant la frontière laotienne. Cette succession d’ouvrages a pour objet la production hydro-électrique, l’irrigation, la navigabilité du fleuve et même le tourisme. Conçus pour tirer successivement le meilleur parti du potentiel hydro-électrique du fleuve, ils ont d’ores et déjà entraîné des déplacements de population et en modifié le débit (Wang et al., 2014). Les protestations des pays ripariens et des ONG internationales écologistes, encadrées par la présence de la Commission du Mékong, organisation internationale vouée à la gestion des eaux du fleuve, n’ont guère d’effet sur Pékin, qui y voit une simple question de souveraineté et qui balaie du revers de la main les accusations selon lesquelles les barrages déjà en place modifient le débit du Mékong. Les relations avec certains des pays concernés, notamment le Vietnam, sont déjà tendues et ce dossier ne fait rien pour les améliorer. Mais pas plus les pays concernés que la Commission du Mékong ne sont en mesure d’influer sur les décisions de la Chine, qui considère la question non seulement comme intérieure mais même régionale, relevant des autorités de la région du Yunnan.
Figure 7. Production hydroélectrique des régions chinoises en 2011.
37 Le développement hydroélectrique des fleuves internationaux a peu de chances de déboucher sur une guerre de l’eau, tout au plus d’alimenter des tensions (McNally 2009). Toutefois, il traduit une caractéristique de la houille blanche chinoise, à savoir que sa principale zone où se développe la production (le sud-ouest, voir figure 7), est située loin des zones de consommation du littoral oriental. La structure du réseau est donc consacrée à ce transport et peu de l’énergie ainsi produite est consacrée au développement du sud-ouest. Cette tendance a été constatée par les dirigeants chinois, qui ont mis sur pied des mesures d’atténuation, mais le déséquilibre demeure flagrant et préoccupant.
38 Le XIIe plan s’appuie sur l’énergie hydro-électrique comme pilier de la politique énergétique chinoise et les retombées environnementales négatives des grands ouvrages ne compteront guère tant que les autres énergies vertes ne fourniront pas d’alternative viable.
L’éolien et le solaire
39 La fragilité de la situation énergétique chinoise a poussé le gouvernement à envisager les sources d’énergie complémentaires – propres et renouvelables. Pékin a investi beaucoup d’argent dans le développement de ces sources énergétiques sur son territoire et a financé de nombreux programmes de recherches liés à leur exploitation. Cette politique a été lancée au milieu des années 2000, depuis lors la Chine est devenue l’un des leaders mondiaux en matière de production d’énergie éolienne et solaire (Thomson et Norii, 2009).
40 La RPC possède les plus grandes ressources éoliennes au monde : sa capacité de production d’énergie totale techniquement exploitable est estimée par Pékin à 2548 GW14, et, en 2012, la capacité totale installée d'énergie éolienne du pays a atteint les 60,83 GW (Bie et al., 2013). La Chine a commencé à investir dans l'installation de «micro-systèmes» éoliens non-raccordés au réseau national depuis les années 1975-1985 afin de fournir en électricité les habitations dans les zones reculées. Avec l'apparition de turbines ayant des capacités de 100 à 300 kW, cette étape a été suivie par l'installation de petits parcs d'éoliennes, dans le but d'illustrer leur capacité énergétique et de promouvoir leur utilisation sur le territoire national (Xu et al., 2010). Ces installations – les turbines et leurs composantes - étaient conçues et produites à l'étranger et ont été installées en Chine dans le cadre d’une coopération économique avec les pays européens, notamment le Danemark et l'Allemagne.
41 Dans les années 1990 et 2000 le gouvernement chinois a investi massivement dans le développement de cette industrie à l’échelle nationale, ce qui a accéléré la création de grands parcs éoliens. Toutefois, malgré ces efforts, le marché de l'énergie éolienne chinois est demeuré dominé par les entreprises étrangères, les leaders mondiaux de technologie éolienne. Pour remédier à cette situation, Pékin a élaboré en 2004 un règlement selon lequel les turbines éoliennes et leurs composantes devaient impérativement contenir 50 % d'éléments produits en Chine (pourcentage porté à 70 % en 2005). Cette mesure signifiait que les entreprises étrangères ne pouvaient conserver leur accès au marché chinois qu’en transférant leur production sur le territoire de la RPC et en y associant les firmes locales. Grâce à cette politique, l'industrie nationale chinoise s'est rapidement développée et les entreprises étrangères ont commencé à perdre du terrain sur le marché intérieur. La part des turbines produites en Chine a augmenté de 25 % à 60 % en cinq ans et en 2009, les quatre principales entreprises chinoises -Sinovel, Goldwind, Dongfang Electric et Guodian United Power – sont devenues des leaders mondiaux dans la production de turbines pour éoliennes (Urban et al., 2013), alors qu’elles n’avaient été fondées qu’au début des années 2000 en tant que sous-traitants de compagnies européennes.
42 À partir de 2010, les objectifs de Pékin ont changé, l'accent étant plutôt mis sur l'augmentation des capacités de production d'énergie éolienne, sur l'innovation technologique et sur l'exportation des technologies chinoises à l'étranger. Le plus grand effort en matière d'investissement a été consacré à la production et l'augmentation de la taille et de l'efficacité des turbines, alors que l'innovation technologique et industrielle dépendent encore très largement des transferts technologiques venant des entreprises occidentales (Sun et Du, 2010). Mais, en matière de turbines et de composantes peu sophistiquées, les modèles chinois sont d’ores et déjà beaucoup plus accessibles que les modèles européens, ce qui devrait permettre à la Chine de conquérir rapidement les marchés occidentaux dans ce secteur technologique particulier.
43 Ce succès apparent des éoliennes en Chine demeure toutefois relatif, puisqu’elles ne produisent que 1,2 % de l’électricité consommée annuellement dans le pays. De nombreuses barrières demeurent, qui freinent de manière significative le développement de l’industrie éolienne en Chine. Le principal problème est celui, usuel, du raccordement des installations éoliennes au réseau. La plupart de ressources sont concentrées au nord et nord-ouest du pays (voir figure 8), dans les régions assez reculées et peu peuplées où le réseau électrique reste encore peu développé, alors que les principaux centres de consommation d’énergie se situent à l’est de la Chine, dans les zones côtières urbaines. En 2009, un tiers des éoliennes chinoises n’étaient pas connectées au réseau électrique national et en 2012 seulement 13 GW y étaient raccordés, contre 16 GW en 2011 (Cornot-Gandolphe, 2013). Dans certains endroits, les réseaux existants ne sont pas capables d’absorber la totalité de l’énergie générée par les éoliennes – faute de lignes de transmission adéquates. Il en résulte qu’une partie de cette énergie est systématiquement perdue.
Figure 8. Comparaison de la capacité éolienne en Chine en 2011, par région, par rapport à la densité de population.
44 L'augmentation rapide de la part de l'énergie éolienne dans le mix énergétique chinois a aussi créé de nouveaux problèmes. Cette nouvelle industrie énergétique a besoin d'un système unifié de standards techniques et d'un contrôle gouvernemental en ce qui concerne ses performances et son développement. L’absence de ces dispositifs rend chaotique et inefficace la réalisation des objectifs du XIIe plan en matière du développement des capacités éoliennes. Il est donc impératif de créer une base de données nationales qui va recenser les ressources en matière d'énergie éolienne et leur utilisation au niveau local, créer un système d'évaluation de la vitesse des vents et de prévision de leur force, et enfin résoudre les problèmes de transmission et d'intégration des énergies générées (Bie et al., 2013).
45 La RPC possède également d’importantes ressources solaires, concentrée en majorité dans les vastes zones arides et semi-arides de l'ouest du pays, dans les provinces de Gansu, Ningxia, Qinghai, Shaanxi ainsi que dans les régions du Xinjiang, du Tibet et de la Mongolie Intérieure (Wang et Ren, 2010). Tout comme dans le cas de l'industrie éolienne, celle du soleil était embryonnaire jusqu'au début des années 2000. Les premiers sites industriels solaires ne produisaient que quelques éléments des panneaux solaires dont le design et le contenu technologique étaient entièrement conçus et développés à l'étranger. Progressivement, grâce au financement de la part de l'État chinois qui a investi massivement dans l'achat de brevets et de technologies occidentales, dans la création d’entreprises conjointes (joint-ventures) et le développement de la coopération internationale en matière d'énergie solaire, les compagnies chinoises ont réussi à constituer la base technologique primaire nécessaire. En dix ans, l'industrie chinoise a évolué de la sous-traitance de certaines composantes à la production de panneaux solaires entiers (Wang et Ren, 2010).
46 Les initiatives du gouvernement chinois ont rapidement apporté fruit. Si, en 2003, l’industrie photovoltaïque chinoise ne comptait que pour 1 % du total mondial, la RPC est devenue en 2008, le plus grand producteur d’énergie solaire au monde (Lema et Lema, 2012). Il faut noter cependant que la majorité des produits solaires photovoltaïques chinois est exportée à l’étranger et non utilisée ou installée en Chine (voir tableau n 1). Pékin a mis en place différents dispositifs afin de remédier à cette situation et développer non seulement l’industrie de production, mais aussi le marché national pour ce type d’énergie. Dans ce but, le gouvernement a lancé, en 2009, le projet Golden Sun qui finance, entre autres, l’installation de panneaux solaires sur les toits des bâtiments dans le pays. L’objectif du projet est d’installer, d’ici 2020, environ 20 000 panneaux de tailles diverses dont le capacité totale générée devrait atteindre 1 GW (Bie et al., 2013). Les effets de cette politique commencent à être se faire sentir : les panneaux solaires sont de plus en plus utilisés pour l’éclairage des rues dans les zones urbaines (Figure 9) et comme source d’énergie principale pour les chauffe-eau dans les zones rurales.
Figure 9. Éclairage urbain alimenté par panneau solaire, Xian, juin 2013.
47 Selon les prévisions officielles, en 2020, un tiers des chauffe-eau chinois seront alimentés par l’énergie solaire (Fu et Zhang, 2011).
48 En 2009-2010, la Chine a investi 20 milliards de RMB dans le développement de grandes centrales solaires photovoltaiques et dans l'établissement d’une coopération internationale active dans ce secteur, en poursuivant deux principaux objectifs. Tout d'abord, cette mesure vise à aider à augmenter de manière plus significative la part de l'énergie solaire dans le mix énergétique chinois. Ensuite, a pour objet de faire progresser l'industrie chinoise sur le plan technologique et en termes des capacités de production. Dans le cadre de cette politique, la Chine a, par exemple, lancé un partenariat avec la compagnie énergétique américaine, First Solar Inc., afin de construire et mettre en service une centrale électrique alimentée en énergie solaire en Mongolie Intérieure (Fu et Zhang, 2011). Ce partenariat offre aux Chinois l'accès aux technologies américaines liées à ce type d'installations ainsi qu’une expérience inestimable dans le domaine de la gestion d'une centrale électrique photovoltaïque de grande taille.
49 En parallèle, le gouvernement de Pékin, mais aussi les compagnies énergétiques chinoises assurent un important soutien financier à la création de laboratoires de recherches et de centres d'innovation technologique nationaux ainsi qu'à la réalisation d'études liées à l'énergie solaire (sa production et son utilisation). Ainsi, en 2009, près de 500 différentes firmes et laboratoires chinois et sino-étrangers travaillaient sur l'innovation technologique dans le secteur photovoltaïque en Chine (Fu et Zhang, 2011). La combinaison de ces diverses mesures et politiques a permis aux compagnies chinoises d'atteindre les trois premières places mondiales dans le domaine de l'industrie solaire (tableau 1). La compagnie Suntech, par exemple, possède les plus grandes usines électriques solaires au monde. Elle développe, produit et exporte des modules solaires qui contiennent à la fois les technologies occidentales et chinoises, dans plus de 80 pays étrangers (Fu et Zhang, 2011). L’entrée des entreprises solaires chinoises sur le marché européen est d’ailleurs devenue une source de conflit commercial entre la RPC et l’UE en 2013. Les panneaux solaires chinois sont en effet 45 % moins onéreux que ceux produits en Europe, ce qui a poussé l’UE à accuser la RPC de concurrence déloyale et à imposer une taxe anti-dumping sur les importations chinoises (Shaub, 2013). A ceci, la Chine a vertement répondu, accusant l’UE d’imposer des mesures protectionnistes injustes et en déclenchant à son tour une enquête anti-dumping à l’encontre des vins européens importés. En fin de compte, l’UE a cédé en concluant avec Pékin un accord abolissant les taxes européennes, tandis que les compagnies chinoises s’engageaient à respecter des prix-plancher sur les panneaux solaires tels qu’établis aux termes de cet accord. Ce dernier a toutefois été très mal accueilli par les entreprises solaires européennes, car selon elles il assure à la Chine une part garantie du marché solaire européen (Libération, 2013).
50 Les objectifs énoncés dans le plan quinquennal en cours reflètent les résultats escomptés de toutes les stratégies énergétiques progressivement mises en place depuis une décennie par le gouvernement chinois. Selon ce XIIe plan, les capacités photovoltaïques devraient croître de 89,5 % par an pour atteindre 21 GW en 2015 (Cornot-Gandolphe, 2013). Le solaire part d'une capacité installée générale très faible (1 GW en 2010), ce qui explique, en partie, cet ambitieux objectif de croissance des capacités photovoltaïques fixé par Pékin.
51 Toutefois, le secteur de l'énergie solaire, bien qu'en pleine croissance, connaît lui aussi sa part de problèmes, similaires à ceux rencontrés par les autres industries énergétiques renouvelables en Chine. Par exemple, le problème de raccordement des installations solaires au réseau national est tout aussi épineux que dans le cas des éoliennes : les régions produisant de l'énergie solaire sont trop éloignées des zones développées et densément peuplées, celles qui ont le plus besoin de cette énergie. L'encadrement administratif des industries photovoltaïques (contrôle de performance, standards nationaux uniques de production, etc.) demeure également peu efficace, et il varie considérablement d’une province à l’autre. De plus, certains sites de production de panneaux solaires chinois polluent énormément les sols et l'eau, tout en étant eux-mêmes très énergivores. De fait, il n'existe que très peu de lois qui réglementent leurs activités (Fu et Zhang, 2011).
52 Malgré le soutien important accordé à la recherche, l'innovation technologique d'origine chinoise demeure encore loin derrière ses concurrents occidentaux et japonais. Les projets de recherche chinois sont majoritairement réalisés au sein des universités, sans lien direct avec l'industrie. Par conséquent, leur résultat ne correspond que rarement aux besoins concrets des milieux industriels ou alors ils ne sont pas appliqués ni commercialisés et demeurent dans le milieu académique. Tous ces facteurs influencent négativement le développement de l'industrie photovoltaïque et de l'utilisation de l'énergie solaire dans la RPC.
53 Les énergies éoliennes et solaires sont pourtant souvent citées par Pékin comme une alternative possible à l'utilisation du charbon et comme un argument massue dans les discours sur le changement climatique et le développement durable. La Chine a réalisé d’énormes progrès dans le développement de ces énergies et dans la mise en place de structures industrielles et administratives visant à mieux encadrer son évolution. Ce développement a un double objectif, à la fois politique et économique. D'une part, il permet au gouvernement chinois de démontrer aux citoyens de la RPC, mais aussi à la communauté internationale les efforts importants qu’il peut consentir pour accélérer la transition énergétique du pays et réduire sa dépendance vis-à-vis des énergies fossiles. D'autre part, le développement des énergies éoliennes et solaires est aussi poussé par des logiques purement économiques : il soutient et augmente la croissance aux niveaux régional et national, il crée de nouveaux emplois, et permet à la Chine de promouvoir les produits et les technologies chinoises sur le marché international.
Conclusion
54 La transition énergétique chinoise n’est pas née du XIIe plan quinquennal et sa mise en application, bien que mieux encadrée et stimulée par ce dernier, demeure ardue et fait face à de nombreux défis d’ordre politique interne et externe, social, environnemental, économique, technologique. La prise de conscience environnementale de la Chine, rendue inévitable notamment par le niveau de pollution de l’air, mais aussi par diverses catastrophes qui ont éveillé la population dans ce domaine, n’est certes pas la seule motivation derrière cette transition. Le gouvernement chinois n’est pas pour autant devenu un leader de la lutte aux changements climatiques, mais ce que d’aucuns appellent la Révolution Verte chinoise (Geal et al, 2011) n’en est pas moins réelle. Des efforts importants ont indéniablement été consentis pour atténuer la dépendance de l’économie chinoise vis-à-vis du charbon, développer les énergies plus « propres », et faire du pays l’un des chefs de file dans certains volets de la production d’énergies renouvelables, en dépit des tensions géopolitiques et commerciales que cela occasionne parfois. Les obstacles demeurent nombreux, à l’image de certaines habitudes des dirigeants locaux, des faiblesses structurelles du réseau ou encore de la discordance entre les principales zones de production et de consommation énergétique. Mais de réels progrès ont pu être constatés et la volonté politique semble être présente. L’achèvement du XIIe plan et le plan suivant ainsi que leur mise en application donneront des indications fondamentales sur l’avenir de la transition énergétique chinoise et de son impact sur l’environnement du pays et du monde. En effet, les problèmes environnementaux auxquels est confrontée la RPC dépassent depuis longtemps les frontières du pays et ont des conséquences à l’échelle globale.
Source : https://doi.org/10.4000/vertigo.15540
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Notes
1 La croissance chinoise paraît en effet exemplaire, mais selon certains économistes, les chiffres officiels seraient exagérés. En réalité elle oscillerait en moyenne entre 6 et 8 % par an (Smil, 2004). Ce résultat, même corrigé, demeure extraordinaire.
2 Information contestée par la China’s National Energy Administration, selon laquelle l’IEA n’a pas pris en compte dans ses calculs les derniers efforts de la RPC dans le domaine de la conservation des énergies fossiles et du développement des sources d’énergie renouvelables (Kuby et al., 2011).
3 Le taux d’urbanisation en Chine est actuellement estimé à environ 50%, la population urbaine a presque doublé depuis le début des réformes - en 1987 seuls 25,3% de Chinois vivaient dans les zones urbaines (Zhang et Lahr, 2014).
4 La notion de logement moderne sous-entend l’accès à nombre de services énergétiques - système de chauffage électrique (et non une chaudière au charbon), eau chaude, circuit et débit électrique suffisants pour permettre le fonctionnement simultané de plusieurs appareils, air conditionné, cuisinière électrique, ainsi qu’avec un système de filtration d’air.
5 Si en 2003, il y avait 12, 2 millions de véhicules civils privés, leur nombre est passé à 64, 1 millions en 2013 (NBS, 2009; NBS, 2014).
6 Le sous-sol chinois recèle environ 14 % des réserves mondiales en charbon, plaçant la Chine au 3e rang, après les États-Unis et la Russie. La Chine est à la fois le plus grand producteur et consommateur du charbon au monde, représentant environ 43% des totaux mondiaux (Thomson et Horii, 2009).
7 Dans les années 1950, le charbon représentait 95 % de la production et 92 % de la consommation énergétique de la RPC (Kuby et al., 2011).
8 À l’exception de la mise en exploitation, à l’aide des technologies et de l’équipement soviétiques, dans les années 1950, des champs pétroliers dans le nord-est de la Chine : Daqing (province de Heilongjiang), Shengli (Shandong) et Liaohe (Liaoning).
9 L’élaboration d’une nouvelle loi n’est pas un processus rapide en Chine, mais le temps consacré à l’adoption de la loi énergétique, 1982-1997, est particulièrement long même pour les standards chinois habituels. Selon certains experts, cette longueur exceptionnelle s’explique par l’intensité des luttes entre différents organismes gouvernementaux qui désiraient obtenir les moyens de contrôle dans ce nouveau cadre législatif ou bien une part dans ce nouveau domaine fonctionnel (Crossley, 2013).
10 D’après la presse de Hong Kong, au moins 200 purificateurs d’air auraient été installés dans l’enceinte de Zhongnanhai, le siège du gouvernement central chinois qui est situé dans le centre de Pékin, près de la Cité interdite. Le président et le Premier ministre, ainsi que tous les hauts dirigeants du pays vivent dans Zhongnanhai avec leurs familles (Shi, 2011).
11 À moyen terme, en 2020, cette part devrait atteindre 15 % du mix énergétique chinois (Zhang et Bauer, 2013).
12 Selon la Commission Internationale des grands barrages http://www.icold-cigb.org/GB/World_register/general_synthesis.asp?IDA=206 (consulté le 1er juillet 2014)
13 Selon la Commission Mondiale des Barrages, l’Inde comptait en 2000 entre 700 et 900 nouveaux barrages en construction (Wang et al, 2014)
14 Les données fournies par les organisations internationales et occidentales sont légèrement différentes des estimations chinoises. Selon le World Energy Council (WEC), le potentiel total de la Chine en énergie éolienne exploitable s’élève à 3000 GW, dont 750 GW sont situés offshore (Urban et al., 2012).
Référence électronique
Olga V. Alexeeva et Yann Roche, « La Chine en transition énergétique : Un virage vers les énergies renouvelables? », VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [En ligne], Volume 14 Numéro 3 | Décembre 2014, mis en ligne le 28 décembre 2014, consulté le 23 juin 2020. URL : http://journals.openedition.org/vertigo/15540 ; DOI : https://doi.org/10.4000/vertigo.15540
Cet article est cité par
- Gaulard, Mylène. (2017) La lutte contre le réchauffement climatique en Chine, une nouvelle remise en question du « Consensus de Pékin ». Développement durable et territoires. DOI: 10.4000/developpementdurable.11708