La Chine lance son projet de marché du carbone
par Joël Cossardeaux, le 19 décembre 2017
Le premier pays émetteur de gaz à effet de serre au monde a dévoilé mardi son projet de marché du carbone. Cette Bourse, qui doit être totalement opérationnelle en 2020, se présente déjà comme la plus importante au monde.
Le projet était dans l'air depuis plus de deux ans. La Chine, premier pays producteur de CO2 au monde, avec 11 milliards de tonnes émises en 2015, a dévoilé son marché d'échanges de quotas d'émissions de carbone qui effectuera ses premiers pas l'an prochain avant d'être pleinement opérationnel en 2020.
Cette annonce, faite par la Commission nationale pour la réforme et le développement (NDRC), était attendue le mois dernier à la COP23, à Bonn. Elle ouvre une nouvelle étape du bond en avant engagé par ce pays pour limiter le réchauffement climatique dû aux quantités astronomiques de CO2 présentes dans l'atmosphère.
Préparer le pic de 2030
Pékin en attend beaucoup pour faire atteindre à ses émissions de carbone leur pic en 2030 au plus tard, comme il s'y est engagé en 2015, peu avant la COP21 de Paris. Ce marché couvrira dans un premier temps les rejets des 1.700 entreprises opérant dans l'énergie électrique.
C'est loin d'être négligeable. « Rien qu'avec les échanges de droits d'émissions réalisés dans [ce] secteur […], on dépassera déjà, en volume, celui de l'ensemble des autres pays du monde », souligne Li Gao, un responsable du service changement climatique à la NDRC. Ces 1.700 premières entreprises, à elles seules, sont responsables de près d'un tiers des émissions totales du pays et les trois-quarts des 3,3 milliards de tonnes de CO2 qui lui sont imputables chaque année sont dus aux centrales au charbon qu'elles exploitent.
A ce premier stade de développement, le marché chinois de quotas carbone sera déjà le plus important du monde, supplantant le marché européen – l'ETS - qui couvre 1,9 milliard de tonnes de CO2. Mais pas tellement plus que ce qu'englobent actuellement les sept marchés carbone régionaux (1,3 milliard de tonnes) lancés en 2013 par la Chine à titre expérimental. En fait, les choses sérieuses débuteront en 2020, quand le système, une fois rodé, sera généralisé.
Le modèle européen
En attendant, l'accueil réservé à cette annonce est bon. « Le lancement du marché du carbone chinois montre l'engagement croissant dans le monde pour fixer un prix à la pollution et diriger les investissements vers les technologies propres », a réagi Femke de Jong, directrice des politiques à Carbon Market Watch, un organisme d'observation du marché du carbone basé à Bruxelles.
Ce marché doit inciter les entreprises implantées en Chine à investir dans les énergies renouvelables, un secteur sur lequel ce pays détient déjà le leadership mondial en matière d'investissements. Cette annonce vient le placer encore plus à l'avant-scène de la lutte contre le changement climatique. Elle contraste furieusement avec la position américaine, de plus en plus effacée dans ce domaine, depuis la décision des Etats-Unis de se retirer de l'Accord de Paris sur le climat, signé en 2015.
Les autorités chinoises prétendent s'inspirer de l'ETS européen. Un modèle qui ne semble cependant pas toujours bon à suivre. Ce marché, qui sort d'une énième réforme, tarde à se relever de l'effondrement des cours des quotas de carbone.