Comment le plateau tibétain peut-il atteindre l’objectif « double carbone » ?
par China news, le 14 juin 2022
En tant que défenseur de la construction d'une civilisation écologique, la Chine s’est fixé un double objectif : atteindre à la fois le pic de ses émissions de CO2 avant 2030, et la neutralité carbone avant 2060. Que signifie, pour le monde, ce double objectif ? Quel rôle particulier le plateau Qinghai-Tibet, considéré comme le 3e pôle de la Terre, peut-il jouer dans la maîtrise du réchauffement climatique ? Dans un entretien accordé à China News, Sun Pingfa, directeur adjoint de l'Académie des sciences sociales du Qinghai, a tenté d’apporter des réponses à ces questions.
China News Service : Atteindre le pic des émissions de CO2 et la neutralité carbone est, dit-on, un changement systémique aussi vaste que profond au niveau économique et social. Pourquoi ?
Sun Pingfa : À l’échelle mondiale, la réalisation du pic carbone et de la neutralité carbone n'est pas moins importante que les trois révolutions industrielles. En effet, avec l'ajustement majeur de la structure économique que celle-ci va provoquer, les modes de vie, les habitudes de consommation et les valeurs des gens vont changer de fond en comble. Et les objectifs poursuivis par l'innovation technologique vont passer de l’amélioration de l’efficacité à la durabilité de l’économie circulaire, avec un impact large et durable sur tous les aspects de la vie sociale.
Certes, la réalisation de ce double objectif pose d’importants défis, mais elle est davantage conforme aux lois du développement économique et social de la Chine, aujourd’hui deuxième économie du monde. En effet, aspirer à la civilisation écologique, développer les technologies vertes pour favoriser un mode de vie à faible émission de carbone, et éliminer progressivement les industries à forte consommation d'énergie et à forte pollution sont autant de nécessités qui correspondent aux exigences inhérentes à une phase de développement de haute qualité.
CNS : Quel est le rôle particulier du plateau Qinghai-Tibet dans la limitation du réchauffement climatique ? Quels enseignements utiles cette région peut-elle fournir pour la réalisation du pic carbone et de la neutralité carbone ?
Sun Pingfa : Des études ont montré que l'écosystème des prairies du plateau Qinghai-Tibet représente 14 % du puits de carbone de la Chine ; que le glacier couvre une superficie d'environ 47 000 kilomètres carrés, avec la plus grande concentration du monde de glaciers des latitudes moyennes et basses ; et que différents types de zones humides et de zones de pergélisol, avec un stockage de carbone organique du sol de 160 milliards de tonnes, constituent d'importants réservoirs de carbone organique. Par conséquent, la protection de l'écosystème du plateau Qinghai-Tibet est d'une grande importance pour la conservation de la fonction de puits de carbone, l'amélioration de la capacité d'absorption naturelle du carbone et le contrôle de l'augmentation des gaz à effet de serre.
Fin 2021, la province du Qinghai, qui représentait plus de 90 % de la capacité installée d'énergie propre, a construit le premier canal de distribution UHV de Chine pour une énergie 100 % propre.
En outre, le gouvernement local de la province du Qinghai a réalisé le plus grand projet de production d'énergie hybride hydro-solaire du monde, en créant un modèle « multi-énergies » basé sur la complémentarité entre les énergies éolienne, solaire et hydraulique. Tout cela a permis au Qinghai d’améliorer efficacement ses capacités d'écrêtage des pics et de rendre la transmission de puissance plus stable.
Dans le même temps, en tant que région riche en puits de carbone dans l'ouest de la Chine, le Qinghai a profité des prix compétitifs de son électricité pour attirer des entreprises à forte capacité et à faibles émissions de gaz à effet de serre situées dans l’est de la Chine, ce qui lui a permis de faire d’une pierre deux coups : augmenter le niveau d'industrialisation locale et consommer sur place les nouvelles énergies produites.
CNS : Comment les pays et les régions devraient-ils résoudre le « triangle de contradiction » entre bas carbone, économie et sécurité ?
Sun Pingfa : À en juger par l'expérience internationale, le découplage complet du développement économique et des émissions de carbone nécessite l'achèvement complet de l'industrialisation, le développement de la science et de la technologie, et la maturité du mécanisme d'ajustement du marché. Dans les zones encore sous-développées telles que le plateau Qinghai-Tibet, le niveau d'industrialisation et d'urbanisation continue d'augmenter et il est difficile de réduire la demande de consommation d'énergie et d'émissions de carbone. Le modèle de développement à faible émission de carbone limitera inévitablement le niveau de croissance économique à court terme.
Pour revenir au cas du plateau Qinghai-Tibet, il faut éviter de développer d'abord l’économie avant de réduire l’émission de carbone, ou d’aller vers des secteurs d’activité énergivores avant l’avènement de nouvelles technologies ou de nouvelles industries. Il faut, en revanche, faire venir rapidement de nouvelles énergies, de nouveaux matériaux, ou encore l’économie numérique, afin de remplacer progressivement les secteurs énergivores en créant des emplois. En parallèle, il faut effectuer des économies d’énergie dans des domaines clés tels que l’industrie, le commerce, les transports et la construction, continuer à améliorer la stabilité de l'écosystème, et promouvoir une vie verte et à faible émission de carbone pour tous. L'objectif final est d'atteindre un équilibre entre faible émission de carbone, économie et sécurité.