Penser l'écologie, c'est aussi penser le social et le long terme
par Elisabeth Martens, le 12 mai 2020
Parmi d'autres, le programme de la "Grande Muraille verte" est un exemple d'une planification nationale à long terme, il s'étend de 1978 à 2074. Ce gigantesque plan de reforestation du nord de la Chine vise à arrêter le désert de Gobi en replantant des arbres et des arbustes. En Chine, ce projet est réalisable grâce à une politique gouvernementale qui réfléchit son économie, son écologie et la santé de sa population globalement et à long terme. Dans un système capitaliste comme le nôtre qui réfléchit en termes de rendements immédiats, ce serait « mission impossible ».
La Grande muraille verte a été imaginée par le gouvernement chinois dans les années 70 pour freiner l’avancée du désert au nord du pays. Par an, le désert de Gobi grignote quelques 2 à 3000 km² de pâturages et de terres arables. En plus de réduire la surface des terres cultivables, la désertification de cette immense zone contribue à la formation de tempêtes de sable géantes que les Chinois ont nommé le « Dragon jaune ». Ces tempêtes rejettent de grandes quantités de sable, de poussière et de pollution dans l'atmosphère, étouffant les mégapoles du nord de la Chine, Beijing et Tianjin en particulier. Le phénomène est ressenti jusqu'en Corée et au Japon.
Le plan de reboisement prévoit de porter la couverture forestière du Nord de la Chine de 5 à 15 % et d'ainsi réduire les zones désertiques grâce à une forêt artificielle de 4 500 km de long. C'est, de loin, la plus grande opération de reforestation au monde.
Dans un rapport publié en 1980 par la FAO, deux experts chinois notait déjà que « Depuis de nombreuses années, les spécialistes chinois de la lutte contre la désertification travaillent en étroite coopération avec les populations des régions désertiques. Ils ont adopté une politique de planification d'ensemble et de lutte intégrée, ainsi que des mesures de prévention et de traitement adaptées aux différentes localités et aux différents types de déserts. Ainsi, on plante à la fois des arbres et des arbustes et on installe des boisements de pins pour fixer les dunes éparses dans les zones de pâturage(...) En 1978, la Chine a entrepris la plantation d'un réseau de rideaux-abris qui devrait s'étendre sur plus de 5,3 millions d'ha et traverser le nord-est, le nord et le nord-ouest du pays. Ce projet gigantesque, désigné sous le nom de Grande Muraille verte de Chine (GMV), nécessite la participation de dizaines de millions de personnes. »1
Quand la Chine pense « écologie », elle pense en même temps « économie », « société » et « santé ». Le développement ultra rapide de l'économie chinoise est confronté aux contraintes liées à la détérioration de l'environnement et aux problèmes de pauvreté rurale. Le projet de la GMV est devenu une option politique pour maintenir la croissance élevée, l’efficacité et le développement sain de l’économie chinoise afin de réhabiliter les ressources forestières, améliorer les conditions écologiques, augmenter les revenus des agriculteurs dans un développement coordonné de la population, des ressources et de l’environnement.
Le programme « Grain for Green » (ou « des grains contre du vert ») prévoit de rémunérer financièrement ou par des vivres les paysans qui s'impliquent dans le projet. Il a été lancé à l'essai en 1999 et mis en œuvre en 2002 à travers tout le pays. Nombre de communautés locales ont bénéficié d'emplois et de sources de revenus supplémentaires associés aux efforts de lutte contre la désertification. Le plan national « Grain for green » a une incidence significative sur la protection de l'environnement et la réduction de la pauvreté des agriculteurs dans les régions sujettes à l'érosion des sols et à l'érosion hydrique. Il est le plus grand programme de transition d'utilisation des terres, de gestion des bassins versants et de lutte contre la pauvreté, impliquant la plus grande population de l'histoire chinoise et même à travers le globe. Il couvre 25 provinces / régions / villes dans plus de 1600 comtés, et implique 15 millions de ménages et 60 millions d'agriculteurs.2
Un examen et une évaluation des antécédents, des éléments essentiels, des effets, des problèmes et des tendances du programme sont d'une grande importance pour la Chine. D'autres pays en développement dans le monde, surtout dans le nord de l'Afrique où un projet similaire a été lancé en 2007, profitent de l'expérience chinoise dans leurs efforts pour lutter contre la détérioration de l'environnement et réduire la pauvreté.
Le plan GMV combiné à celui de « Grain for green » semble fonctionner. Quelques 60 milliards d’arbres ont été plantés, essentiellement par des paysans, selon les statistiques officielles du gouvernement. La Banque Mondiale affirme que la Chine serait aujourd’hui l'un des seuls pays au monde à augmenter la taille de ses forêts. Elles seraient passées de 16 % à 20 % du territoire depuis le lancement du programme. « La Chine plante 2,5 fois plus d’arbres chaque année que l’ensemble du reste du monde », a affirmé le prix Nobel de la paix Al Gore, connu pour son engagement contre le changement climatique.3
Force est de reconnaître que ce programme à long terme parvient à ralentir la désertification. Les résultats obtenus seraient impressionnants, a déclaré Luc Gnacadja, secrétaire exécutif des Nations-Unies contre la désertification (UNCCD) : « La Chine a réussi à lutter contre la désertification de manière durable après des années d'efforts inlassables axés sur la combinaison des ressources des secteurs public et privé », a-t-il déclaré au micro de Xinhua. Luc Gnacadja a, de son côté, fait savoir que son secrétariat souhaitait, à travers la coopération avec l'agence Xinhua, sensibiliser le public à la lutte contre la désertification.4
Notes :
1 http://www.fao.org/3/p4150f/p4150f01.htm
2 http://www.fao.org/3/ae537e/ae537e0j.htm
3 https://www.wedemain.fr/Chine-une-grande-muraille-verte-pour-sauver-l-Asie_a429.html
4 http://french.china.org.cn/foreign/txt/2012-09/17/content_26549794.htm