Pour répondre à la crise climatique, nous avons besoin de paix !

par Élisabeth Martens, le 14 avril 2022

L’invasion de l’Ukraine par la Russie pourrait pénaliser encore davantage les actions en faveur du climat. Pour répondre à la crise climatique, nous avons besoin de paix, de solidarité, de coopération entre tous les États, or le conflit russo-ukrainien marque un changement majeur sur l’échiquier mondial de l’après-guerre froide. Une possible perte de la suprématie états-unienne est ressentie comme une menace pour l’avenir, alors qu'à l'est, l'ombre de la Chine fait trembler l'Europe. Mais l'UE doit-elle la craindre ? N'a-t-elle pas tout intérêt à multiplier les coopérations scientifiques avec la Chine afin d'atteindre l'objectif « 1,5° max. » prônés par le GIEC ?

 

Le 8 mars dernier, le président chinois Xi Jinping a tenu un sommet virtuel avec le président français Emmanuel Macron et le chancelier allemand Olaf Scholz afin d’échanger des vues sur la situation actuelle en Ukraine et donner le ton du prochain sommet Chine-UE. « Un premier consensus est de préconiser la paix et d’encourager les négociations », a-t-il déclaré, en soulignant que « la Chine déplore profondément la résurgence de la guerre sur le continent européen », et que « la communauté internationale doit déployer des efforts conjoints pour éviter une nouvelle escalade. »1

Il a appelé la Chine et l’UE à soutenir conjointement les pourparlers de paix russo-ukrainiens et à pousser les deux parties à surmonter les difficultés. Macron et Scholz ont affirmé que l’Europe était confrontée à la crise la plus grave depuis la Seconde Guerre mondiale, et que la France et l’Allemagne préconisaient une solution négociée pour donner une chance à la paix. La Chine et l’UE appellent conjointement la Russie et l’Ukraine à faire preuve d’un maximum de retenue et à prévenir une crise humanitaire et écologique de vaste ampleur, ce qui impacterait la stabilité en Europe et dans le monde.2

Quant aux réactions de Washington, elles sont plutôt ambiguës. Le 13 avril dernier, la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, a appelé la Chine à contribuer à mettre fin au conflit entre la Russie et l'Ukraine, tout en prévenant la Chine qu'elle risquait de perdre son statut de puissance économique si elle ne s’alignait pas aux sanctions imposées par les États-Unis à la Russie. « L'attitude du monde à l'égard de la Chine et sa volonté d'adhérer à une intégration économique plus poussée pourraient bien être affectées par sa réponse à notre appel », a-t-elle déclaré. La menace est claire, mais la Chine ne se laisse pas intimidée ; elle a atteint son statut de puissance internationale grâce à ses propres forces, sans l'aide des États-Unis.

 

US Treasury Secretary Janet Yellen addresses an Atlantic Council Front Page event on April 13, 2022 in Washington, DC. Photo: AFP
US Treasury Secretary Janet Yellen addresses an Atlantic Council Front Page event on April 13, 2022 in Washington, DC. Photo: AFP

En réalité, les remarques de Mme Yellen ne visent qu'à diaboliser la Chine, à la présenter comme une puissance irresponsable, mais « cela n'a que peu d'importance », répond Li Haidong, professeur à l'Université des affaires étrangères de Chine. « Les mesures que les États-Unis peuvent prendre contre la Chine existent déjà depuis des années. Washington s'est engagé dans diverses sanctions depuis qu'il a lancé la guerre commerciale avec la Chine ; elles se sont avérées inefficaces. Les États-Unis essaient simplement d'utiliser la crise ukrainienne pour amplifier le chantage qu'ils exercent sur la Chine », a ajouté Li Haidong au Global Times. La position de la Chine sur la crise ukrainienne est objective, juste et cohérente. La Chine a appelé à plusieurs reprises à la paix et aux pourparlers. Par contre, les approches américaines n'ont fait qu'aggraver la crise. Le 10 mars dernier, le congrès américain a voté un nouveau budget fédéral qui comprend une enveloppe colossale de 14 milliards de dollars d'aide pour l'Ukraine. Le texte voté par des sénateurs des deux camps comprend un volet économique et humanitaire, mais aussi des armes et des munitions pour Kiev.3 Les États-Unis sont le dernier pays à souhaiter un cessez-le-feu en Ukraine. « Il est impossible pour les États-Unis d'éteindre les flammes de la guerre en Ukraine car ils ne permettront pas à l'Ukraine d'accepter les conditions de la Russie », a déclaré Zhu Feng, professeur de relations internationales à l'université de Nanjing, au Global Times.

 

Le président américain Joe Biden avait exhorté le Congrès à adopter ce budget sans attendre. | YURI GRIPAS / EPA-EFE
Le président américain Joe Biden avait exhorté le Congrès à adopter ce budget sans attendre. | YURI GRIPAS / EPA-EFE


« Les déclarations de Yellen montrent que les hauts responsables de l'administration américaine ont réalisé qu'une guerre prolongée en Ukraine pourrait avoir un impact énorme sur les chaînes industrielles mondiales. Ils s'inquiètent du 'rhinocéros gris' qui peut déclencher un nouveau déclin de l'économie mondiale », a déclaré Zhu. Selon les données du ministère américain du travail, le « panier de la ménagère » est à son niveau le plus élevé depuis 40 ans, l'inflation a atteint 8,5 %, le prix de l'essence est monté en flèche. En prolongeant la guerre en Ukraine, le gouvernement américain tente de déplacer ses problèmes intérieurs vers d'autres pays. « Il y a même de bonnes chances que l'économie américaine entre en récession au second semestre de l'année. Cependant, la politique intérieure et le besoin de sécurité ont conduit les États-Unis à poursuivre leurs discours sur la 'démocratie', la 'liberté' et les 'droits de l'homme' en Ukraine », poursuit Zhu.Cependant, Washington n'a pas de position morale sur le conflit Russie-Ukraine, il fonctionne dans une logique économique et mondiale4. Les États-Unis profitent de l'insécurité que le conflit fait naître en Europe et de la concurrence sans concession avec la Russie pour atteindre leurs propres objectifs. La crise ukrainienne pourrait endiguer les problèmes intérieurs du pays, tout en étouffant la Russie et en menaçant la Chine, ... et c'est l'UE qui en ferait les frais avec l'extrême droite qui en sortirait triomphante.

 

La politique injustifiée des États-Unis à l'égard du conflit russo-ukrainien a de plus en plus de conséquences. En pointant la Chine du doigt, ils ne font que nuire davantage à l'économie mondiale. Cependant, d'après Zhu, la pression américaine ne fera pas céder la Chine.

 

La Chine et les États-Unis devraient se coordonner sur la manière de stabiliser l'économie mondiale et d'apaiser la situation en Ukraine, mais en substituant les menaces à la coordination, les États-Unis montrent l'arrogance de leur élite politique et la tragédie de la diplomatie américaine. Pour qu'elle ne devienne pas la tragédie du monde entier, il est indispensable que l'UE sorte ses cartes de coopération avec la Chine, principalement en ce qui concerne la transition climatique. Le Centre de politique européenne voit là de possibles « nouvelles synergies sino-européennes », alors que Pékin confirme son objectif de neutralité carbone pour 2060.5

 

 

 Notes :

1 http://www.dialoguechinefrance.com/cf/202203/t20220316_800279742.html?utm_source=sendinblue&utm_campaign=Newsletter%20Dialogue%20Chine%20France%20mars%202022&utm_medium=email

2 http://www.dialoguechinefrance.com/cf/202203/t20220316_800279742.html?utm_source=sendinblue&utm_campaign=Newsletter%20Dialogue%20Chine%20France%20mars%202022&utm_medium=email

3 https://www.ouest-france.fr/monde/guerre-en-ukraine/guerre-en-ukraine-le-congres-americain-vote-une-aide-de-14-milliards-de-dollars-pour-l-ukraine-8c9a8b68-a8b8-4454-9346-43863166186b

4 https://www.investisseur-sans-costume.com/seleve-la-grande-muraille-de-fer/?fbclid=IwAR3DIzKH6cW78b0pFIs_sHg-pjPTnzGTPCAn9RswCcMQnbwfFcAwLN6Am0U

5 https://www.lesechos.fr/monde/europe/les-europeens-demandent-a-la-chine-de-se-positionner-face-a-la-russie-1397698