Les agriculteurs chinois capturent un puissant gaz à effet de serre depuis des décennies
par Karen Mancl pour Chinadialogue, le 4 juin 2020
Des millions d'agriculteurs utilisent des digesteurs anaérobies pour capturer le méthane du fumier, ce qui a également amélioré l'air intérieur en réduisant la combustion du bois.
L'épandage de fumier sur les cultures recycle les nutriments, mais en se décomposant, il libère du méthane. Et beaucoup. L'agriculture est la plus grande source d'émissions de méthane dans le monde. Chaque année, le méthane provenant du fumier de bétail équivaut à 240 millions de tonnes de dioxyde de carbone, soit l'équivalent d'une année d'émissions de 52 millions de voitures. L'un des moyens les plus efficaces d'atténuer ce puissant gaz à effet de serre est de le capturer et de le brûler sous forme de gaz naturel. Le gouvernement chinois incite les agriculteurs à le faire depuis des décennies.
Les États-Unis aussi, mais avec moins de succès. Aux États-Unis, près de la moitié du méthane rejeté par le fumier provient de fermes porcines. Par rapport à la Chine, les États-Unis ne considèrent pas la capture du méthane comme une priorité et sont très en retard sur son adoption dans l'agriculture. Seulement 3% des fermes laitières et porcines américaines utilisent des digesteurs anaérobies pour capturer le méthane.
Répondre aux crises énergétiques
La crise pétrolière de 1979 a été un signal d'alarme pour les politiciens américains. Le prix du pétrole a triplé, créant des pénuries de gaz et de longues files d'attente dans les stations-service. Les subventions pour la recherche sur les énergies renouvelables a culminé au début des années 80, mais elles ont rapidement disparu lorsque les prix du pétrole sont revenus à leurs niveaux d'avant la crise.Des ingénieurs agronomoes américains avaient commencé à mener des recherches et avaient construit environ 140 digesteurs agricoles.
Malheureusement, 85% des premiers digesteurs américains ont été abandonnés lorsque le prix du carburant a chuté. Les agriculteurs ont recommencé à stocker et à épandre du fumier non traité qui a continué à libérer du méthane dans l'atmosphère. Vers la même période, la Chine était confrontée à un autre type de crise énergétique, celle du le bois de chauffage. À la campagne, les paysans ramassaient le bois pour alimenter leurs poêles. Ils ont dévasté les forêts du pays et ont créé une crise sanitaire. Des recherches financées par le gouvernement central ont été engagées pour trouver un carburant alternatif qui permettrait de préparer trois repas par jour et de limiter la fumée nocive. Le méthane capté lors de la décomposition du fumier semblait prometteur. En 1979, le ministère de l'Agriculture a créé l'Institut de biogaz à Chengdu, capitale du Sichuan, une province très agricole.
Les chercheurs ont aidé les paysans à construire des digesteurs en ciment et en brique, à dôme fixe ,pour un faible coût. Les projets de recherche ont décollé et, en 1983, la Chine comptait sept millions de foyers ruraux (environ 3,5%) exploitant des digesteurs anaérobies. L'Institut chinois du biogaz a continué de développer son programme et, en 1981, il a créé le "Centre de formation Asie-Pacifique" pour enseigner aux artisans comment construire et entretenir de petits digesteurs en brique. Au fil des années, ce centre de formation a touché 55 pays, faisant de la Chine un leader dans la technologie du biogaz rural en région indochinoise.
Un regain d'intérêt pour le captage du méthane
À la fin des années 1990, l'intérêt des États-Unis et de la Chine pour le méthane a augmenté, non seulement pour le carburant, mais aussi pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. En Chine, la construction de digesteurs domestiques s'est accélérée. Dans le cadre du plan national du ministère de l'Agriculture de 2003 et du plan national de 2006 sur les énergies renouvelables, l'objectif fixé à 2010 était la fabrication d'un total de 40 millions de digesteurs. Plus de 70 000 personnes ont été impliquée dans la promotion et la construction des digesteurs de biogaz.
Ces digesteurs domestiques étaient désormais les plus grands producteurs de biogaz de méthane. En 2013, un total de 43 millions digesteurs étaient placés. La construction de digesteurs domestiques a toutefois commencé à ralentir en 2011, donnant la place à des digesteurs agricoles de moyenne et grande capacité.
la nouvelle croissance de la capture de méthane étant passée aux digesteurs agricoles à moyenne et grande échelle avec une alimentation animale plus concentrée. opérations.
Pour aider à atteindre l'objectif de la Chine,
Des subventions couvrant la moitié du coût du digesteur ont été mises à disposition par l'Etat. La subvention variait selon les régions, les zones pauvres de l'ouest obtenant le montant le plus élevé, et devait répondre à des conditions précises. Elle devait impératuvement être utilisée pour construire le digesteur et moderniser l'enclos à bétail, les toilettes et la cuisine. En 2014, le gouvernement central et les gouvernements locaux ont investi 2,5 milliards de yuans (35 millions de dollars) dans l'ingénierie et la construction des digesteurs. Les États-Unis ont adopté une approche plus modeste pour capturer le méthane de l'agriculture. Le programme "AgStar", démarré en 2000, faisait preuve de l'effort conjoint du ministère de l'Agriculture (USDA), de l'Agence de protection de l'environnement (EPA) et du ministère de l'Énergie. L'USDA a accordé 107 subventions dans le cadre du programme "Rural Energy for America" de 2014, et l'EPA a fait la promotion du programme. En 2019, les États-Unis ne comptaient que 254 digesteurs de biogaz agricole.
Avantages multiples
Le succès de la Chine dans la capture du méthane vient de l'accent mis sur les nombreux avantages de la digestion anaérobie. La valeur énergétique du biogaz est rarement suffisante pour couvrir les coûts de construction et de gestion du digesteur. Cependant, l'utilisation de poêles à biogaz a supprimé la pression sur les forêts chinoises en réduisant la dépendance au bois de chauffage.
Brûler moins de bois, de paille et de charbon a amélioré la qualité de l'air dans les maisons et a eu un impact particulièrement positif sur la santé des femmes. La digestion du fumier est une manière de réduire les odeurs, les agents pathogènes et le volume des déchets, tout en conservant le contenu nutritif du fumier pour fertiliser les cultures. Étant donné que près de 10 tonnes de CO2 sont libérées pour produire 1 tonne d'engrais chimique, le remplacer par de l'engrais organique réduit les gaz à effet de serre. La Chine est leader mondial dans l'utilisation de digesteurs pour capturer le méthane du fumier, elle représente un tiers du total des digesteurs au niveau mondial. La Chine a également modélisé les éléments d'un programme de capture de méthane agricole pour les pays en développement et pour les pays industrialisés. L'Institut du biogaz propose un programme complet de recherche, d'assistance technique, de formation et de démonstration, combiné à des subventions gouvernementales.
Plus important encore, la Chine a reconnu très tôt les multiples avantages de l'adoption de la technologie du biogaz. Le prix du carburant peut varier avec les marchés mondiaux de l'énergie, tandis que la transformation du méthane garantit la réduction des gaz à effet de serre, la protection des forêts, l'amélioration de la qualité de l'air intérieur et la lutte contre les maladies, un ensemble d'avantages environnementaux et de santé publique.
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