Le Covid-19, rechercher la vérité à partir des faits…

par Lionel Vairon, le 7 avril 2020

Depuis l’expansion mondiale du Covid-19, les analyses et commentaires de la pandémie, de son origine, de son mode de transmission, des responsabilités de chacun dans sa progression se sont multipliés dans les médias et les déclarations officielles. Avec un fort tropisme idéologique et une indifférence pour les faits, les accusations contre la Chine, foyer initial de la pandémie, se sont multipliées, bien peu soucieuses de la réalité des faits, alors que d’autres louaient la Chine pour ses réactions et l’efficacité de sa politique de lutte contre ce nouveau fléau.

N’ayant pas pris les mesures nécessaires à temps, nombre de responsables politiques européens et américains ont choisi de couvrir leurs propres déficiences en accusant les dirigeants chinois de dissimulation. Il est intéressant de remarquer que depuis que le nombre de décès en Europe a largement dépassé celui, officiel, de la Chine, les médias et autres analystes accusent désormais la Chine d’avoir volontairement dissimulé le nombre réel de victimes. Comment pourraient-ils en effet justifier vis-à-vis des opinions publiques que des pays comme l’Italie ou l’Espagne, et même la France, aient désormais un nombre de décès deux à trois fois supérieur à celui d’un pays de plus d’un milliard d’habitants ?

L’examen des faits et des causes est devenu secondaire dans cette campagne de matraquage médiatique contre la Chine. La crise sanitaire a largement été politisée pour imputer au système politique chinois des failles, que les responsables chinois ne contestent pas, alors que nul ne fait le lien entre le système politique américain et la politique criminelle mensongère adoptée par Donald Trump et son administration, politique qui a fait des États-Unis désormais le premier foyer de la pandémie.

Le contexte de la naissance et du développement de ce nouveau virus est écarté au profit d’une analyse partisane. Il est pourtant légitime de se poser une question centrale, au vu de la situation en Europe et aux États-Unis : un autre système aurait-il été capable de faire mieux que la Chine ? Malgré les quelques ratés au niveau des autorités locales de Wuhan et de la province du Hubei, la réactivité et la prise de décision ont été exemplaires dès lors que le problème a été identifié. Des erreurs ont été commises par les autorités locales et elles sont reconnues par les responsables chinois, elles ont d’ailleurs déjà fait l’objet d’enquêtes et de sanctions. Mais ces erreurs sont-elles propres au système chinois ?

La France n’a-t-elle pas connu son lot d’erreurs avec la crise du sang contaminé ? Le régime politique français n’a pas pour autant été mise en cause… Entre l’apparition des premiers cas début décembre, qui n’indiquaient encore qu’une pathologie nouvelle résistante aux traitements traditionnels, et la confirmation de l’existence d’un nouveau virus, un mois s’est écoulé. Le séquençage a été réalisé en trois semaines, un record dans ce domaine. Pendant cette période initiale, les autorités ont maintenu la discrétion sur la situation, une pratique courante dans n’importe quel pays lorsqu’une épidémie inconnue se déclare. Éviter la panique, les mouvements de foules, les réactions irrationnelles, dans tout autre pays cette prudence est considérée comme le fait d’une bonne gouvernance.

En Chine, elle est assimilée à une volonté criminelle de dissimulation. Pourtant, dès le 31 décembre, moins d’un mois après l’apparition des premiers indices, les autorités chinoises informaient l’OMS de cette situation. Le 7 janvier l’institut de virologie de Wuhan donnait sa première identité au virus, 2019-nCoV et quatre jours plus tard partageait avec la communauté scientifique internationale ses caractéristiques génétiques, ce qui permit à de multiples équipes de se lancer dans les recherches. Le 18 janvier, le célèbre épidémiologiste Zhong Nanshan arrivait à Wuhan, envoyé du gouvernement central, et prenait le contre-pied des autorités locales en demandant au personnel médical de considérer cette nouvelle pathologie comme la priorité. Le 20 janvier, le Dr. Zhong affirmait publiquement que ce nouveau virus se transmettait bien par contacts humains. Le 23 janvier, Wuhan était placé en confinement complet avec des moyens logistiques inédits.

Peut-on sérieusement croire que la Chine a ignoré la menace et qu’elle a été capable de mettre en place en trois jours des mesures de confinement et de contrôle d’une telle ampleur ? Les autorités étaient en outre conscientes que cette épidémie coïncidait avec l’arrivée du Nouvel An chinois qui allait voir les déplacements à travers le pays de centaines de millions de Chinois. Les critiques n’ont alors cessé de pleuvoir : le système hospitalier chinois était en piètre état, l’envoi à Wuhan de l’Armée Populaire de Libération – les médias oubliant de préciser qu’il s’agissait du corps médical de l’armée… – était la preuve de la mise en place d’une féroce dictature, l’utilisation des drones pour contrôler le port du masque et inciter la population à le porter était une insupportable atteinte aux libertés individuelles etc. Les résultats furent pourtant probants.

Certes, les données chiffrées officielles ne reflètent probablement pas la réalité du nombre de décès. Mais le calcul en nombre d’urnes funéraires retirées avant la fête des morts est-il lui-même sérieux ? Pendant toute cette période, les décès autres que liés au Covid-19 auraient été soudain suspendus ? Par les autorités ?

En parallèle, l’Europe s’est mise en mouvement très tardivement. Ce que les chiffres fournis actuellement par différents pays européens soulignent, en particulier ceux de l’Italie, de l’Espagne et de la France, c’est la faiblesse de leur système de santé, le résultat d’une diminution constante des budgets hospitaliers publics et la réduction des personnels dans le cadre d’une politique à peine dissimulée de privatisation des systèmes de santé. Le 3 février, le quotidien Le Monde publiait un article intitulé « Face à l’épidémie de coronavirus, les failles du système de santé chinois » qui dénonçait l’insuffisance du nombre de lits dans les hôpitaux et le renvoi chez eux de patients malades.

La France, si prompte à dispenser des leçons, n’a-t-elle pas été contrainte de transférer ses malades vers l’Allemagne, le Luxembourg, et même la Tchéquie ? Certaines villes françaises ont utilisé à leur tour les drones de surveillance. L’armée a également été mobilisée pour cette lutte sans qu’elle ne soit accusée de dérive dictatoriale… En matière de transparence, les dirigeants français n’ont cessé de couvrir leur impréparation et les failles de leur gouvernance en affirmant, contre toute évidence au regard des expériences asiatiques, que le port des masques était inutile – voire dangereux.

Le seul objectif était de dissimuler le plus longtemps possible le fait que les stocks n’avaient pas été renouvelés. Mais à partir du moment où les premiers cas sont apparus en Italie en janvier, n’était-il pas temps pour ces autorités de vérifier les stocks et de commander à l’étranger les centaines de millions de masques qui allaient être nécessaires? Pourquoi n’ont-elles pas mis en place un système de tests de dépistage et de suivi des malades alors que l’Allemagne de son côté, qui communique beaucoup moins mais agit davantage, avait lancé des centaines de milliers de tests hebdomadaires ?

Les patients testés positifs sont eux aussi, comme en Chine dans certaines régions, renvoyés chez eux faute de place et ne sont hospitalisés qu’en dernier recours, lorsqu’il est le plus souvent trop tard. Pourquoi des scanners thermiques, ou au minimum la prise de la température des passagers arrivant dans les aéroports, n’ont-ils pas été mis en place ? Ces négligences ont affecté plusieurs pays européens et leurs populations en paient aujourd’hui le prix. Se retourner vers la Chine pour se disculper ne suffira pas à tromper les opinions publiques. Le jour arrivera d’un inévitable bilan honnête des responsabilités et des failles.

 

note: Lionel Vairon, ancien diplomate et universitaire, Président de CEC Consulting et chercheur senior de l’Institut Charhar.

URL de l'article:  http://www.chine-info.com/french/Rs/In/20200407/345973.html