Le Covid-19 : du China Bashing dans les médias français à la guerre qui s'annonce
par Sonia Bressler, le 19 avril 2020
Sonia Bressler est docteure en philosophie et épistémologie, enseignante-chercheuse, spécialisée en éthique et influence, créatrice de la data-philosophie. Elle a également céré les éditions "La Route de la Soie".
Nous sommes le dimanche 19 avril 2020. Nous allons débuter notre cinquième semaine de confinement dans cette première grande période pandémique du XXIe siècle. Ce matin, je compose ma “revue de presse” hebdomadaire. Je me demande quels échos vont avoir les tweets de Donald Trump demandant aux Américains de “LIBÉRER LA VIRGINIE, et sauvez votre grand deuxième amendement. Elle est assiégée !”1, puis, quelques secondes après le Michigan et le Minnesota. Bref Donald Trump est en campagne présidentielle. C’est bien ce que confirme son tweet d’il y a quelques heures : “La Chine veut vraiment “Sleepy” Joe.
Elle veut récupérer tous les milliards de dollars qu'elle a versés aux États-Unis, et bien plus encore. Joe est une cible facile, le CANDIDAT de leur RÊVE !”2. Dans une même phrase, Donald Trump tape sur le candidat démocrate et accuse la Chine d’être au cœur de la campagne américaine. Le confinement serait une idée ringarde des démocrates à la solde de la Chine. Ce China bashing dans les médias et réseaux sociaux serait presque quelque chose d’amusant s’il n’était qu’américain, mais ce n’est pas le cas.
Dans le journal Marianne (n°1205 du 17 au 23 avril 2020), on trouve un article d'Alain Léauthier intitulé “des mensonges chinois par milliers”. C’est très intéressant, car il s'agit d’un article d’une page essayant de démontrer les mensonges sur les chiffres des morts en Chine et les différents moments de prise de parole de la Chine. Bref, c’est une page à charge, sans preuve, car comme le note son auteur “démêler le vrai du faux est devenu si difficile qu’aujourd’hui l’origine même du virus fait débat un peu partout dans la communauté scientifique”3.
Cette phrase à elle seule est passionnante, car elle colle deux choses qui n’ont pas grand-chose à voir ensemble, d’une part, l’origine du virus - qui fait débat depuis des mois - et des guerres d’influence en communication… L’origine du virus, nous le verrons, est une question posée depuis le début par les scientifiques en Chine. “Démêler le vrai du faux” est en effet difficile tant que l’on ne se pose pas la question de ses propres biais cognitifs.
Le 4 avril 2020, Emmanuel Lechypre, présentateur de la chronique économique de BFMTV, dit en direct, pendant l’hommage chinois aux victimes du coronavirus, “ils enterrent des pokémons”4. Nous ne sommes plus dans l'anecdote.
Que se passe-t-il sous nos yeux ? Sous l’adjectif « sanitaire » ne se cache pas une simple crise, mais bien une guerre qui ne dit pas son nom. D’une part, un ennemi invisible « le virus lui-même », et un ennemi désigné « la Chine », pays considéré comme véhicule de ce « mal » qui nous touche tous. L’étymologie du mot « sanitaire » nous montre que ce mot apparaît en 1801, au tout début du XIXe siècle, et qualifie ce qui est « relatif à la santé publique et à l'hygiène ».
Mais qui désigne le territoire de la santé et de l’hygiène ? Jusqu’où les mots peuvent-ils nous porter ? « Tout langage est écart de langage » affirmait Samuel Beckett. « La guerre sanitaire » répond-elle à une autre guerre ? Peut-elle être une réponse appropriée à une autre guerre qui ne dit pas son nom ? Pour reprendre les mots de Pierre Conesa, n’assistons-nous pas à la « fabrication d’un ennemi » ?5
Ne serions-nous pas en train de légitimer les envies belliqueuses des puissances du passé ? Sur Twitter, le hashtag #mercilachine a fait son apparition. Mais s’il sonne doucement à nos oreilles, la réalité est double. Au début, pour remercier la Chine de son soutien face à la situation en France et pour la remercier de son envoi de matériel (masques, gants chirurgicaux, etc.), mais les tweets sont devenus très vite un déversoir de haine6. Ne serions-nous pas dans la structuration médiatique de la fabrication de l’ennemi ? Dans cette fabrication, on retrouve une idéologie associée à une menace… Mais cette fabrication est déjà ancienne7.
Sans céder à la panique et pour tenter d’apporter des éclairages, nous devons prendre le temps de l’analyse du récit médiatique qui se déroule sous nos yeux. Quand je dis « récit médiatique », je ne signifie pas qu’il y ait un « seul récit » unique et unitaire. Il y a bien une multitude de récits, de phrases, de mots, d’orientations. Tous ces récits ont une incidence sur notre façon de voir le monde, de le comprendre et de l’aborder. Peu à peu, ils peuplent notre territoire imaginaire et bouleversent nos comportements8.
En d’autres termes, je vous propose ici de remonter le temps de l’apparition de ce virus et de regarder le traitement médiatique qui en a été fait. Cet exercice m’a pris plusieurs jours, j’ai dû faire appel à différentes sources, croiser les données et ne pas m’attarder sur les vidéos « complotistes » venues de toute part.
Je me suis donc attachée à la compréhension du récit médiatique des supports traditionnels (Le Monde, Le Figaro, Le Point…) et quelques supports numériques (France Info, DailyMail, Nouvel Obs, l’AFP, la revue médicale The LANCET). Évidemment j’ai aussi été regardée des sources chinoises (China Daily Post, South China Morning Post, Le Quotidien du Peuple, Xinhua…). Pour comprendre la notion de récit médiatique, à l’époque où nous parlons, nous devons noter que la Chine semble être en sortie de crise, puisqu’il n’y a plus de décès répertoriés en ce 21 mars 2020, tandis que l’Europe est devenue l’épicentre de la pandémie9.
Nous allons donc remonter le temps du récit médiatique en plusieurs parties :
la première est consacrée à l’apparition du virus en Chine (nous confrontons les faits aux rumeurs, puis nous relaterons les réactions immédiates) ;
la deuxième partie confronte le discours médiatique français et ses conséquences ;
la troisième pose la question des conséquences géopolitiques (des hypothèses à cette date, mais nous verrons si dans les médias une autre forme de récit se met en place).
Ce travail nous permet de saisir les différentes orientations données à cette pandémie. Il nous permettra de voir les principaux enjeux géopolitiques, économiques, humains, écologiques de cette situation.
L’APPARITION DU VIRUS EN CHINE
Comment un virus peut-il apparaître ? Je rappelle qu’à ce jour, le patient zéro reste inconnu. Donc, contrairement au tweet du président américain du 19 avril 2020 disant « Je ferai une conférence de presse aujourd’hui pour discuter d’une information très importante de la FDA concernant le virus chinois ! »10, nous devons nous baser sur les faits dont nous disposons.
Apparition du virus et premières rumeurs.
Le rôle du marché de Huanan à Wuhan reste incertain, car l'analyse épidémiologique des premiers cas recensés montre qu'ils ne semblent pas avoir fréquenté ce marché11. Contrairement aux rumeurs qui ont circulé, et comme le souligne un article de Benoît Zagdoun pour France TV Info (le 30 janvier 2020)12, les vidéos devenues virales d’une femme mangeant une chauve-souris, n’ont pas été filmées à Wuhan, mais sur une île des Palaos, un archipel micronésien, dans l'ouest de l'océan Pacifique. Déjà, là, nous voyons le mal fait par ces vidéos dans la diffusion de fausses informations13.
Comme on peut le voir sur le site du Dailymail, en date du 28 janvier 2020, plus de 14 000 partages et presque 200 commentaires. Malgré les dénonciations assez rapides de ces vidéos, la rumeur a été plus rapide et a marqué les esprits. Pourtant, une étude de chercheurs chinois, datée du 22 janvier 2020 et parue dans Journal of Medical Virology14, démontrait que la chauve-souris ne pouvait pas être le réservoir de ce virus. Cette recherche n’a pas endigué la rumeur. De quel animal s’agit-il ? Telle est la question. Parmi les animaux sauvages présents sur le marché, le pangolin semble une source plus probable. C’est ce qu’indique un article du NouvelObs, réalisé avec l’AFP, en date du 7 février 202015.
En dehors de la source probable du virus, nous devons regarder les cas de pesonnes infectées. Les premiers cas datent du 31 décembre 2019, pour des symptômes apparus plus de trois semaines plus tôt, le 8 décembre. Le marché a été fermé le 1er janvier 2020; les sujets symptomatiques sont isolés. Plus de 700 personnes, dont plus de 400 agents de santé, entrés en contact étroit avec des cas suspects, sont aussi surveillés. Un nouveau test dit PCR (polymerase chain reaction ou réaction de polymérisation en chaîne) est réalisé, et confirme la présence de SARS-CoV-2 chez 41 personnes du quartier d'affaires de Wuhan, dont deux auraient été plus tard décrites comme étant un couple, et trois autres de la même famille, travaillant aux étals de fruits de mer du marché.
Le 8 janvier 2020, les autorités chinoises ont confirmé qu'il s'agissait bien d'un nouveau virus de la famille des coronavirus. Dans un premier temps, il a été baptisé temporairement "2019-nCoV" puis définitivement COVID-19 ou SARS-CoV-2. Le 9 janvier à Wuhan, un premier patient (61 ans) meurt, puis un autre (69 ans) le 15 janvier (à 00h15). Le 19 janvier (à 13h37) la Chine déclare le décès d’un homme de 89 ans16. La réaction de la Chine. Le 11 janvier, la Commission de la Santé nationale de Chine commence à actualiser chaque jour les nouvelles informations sur l’épidémie de ce nouveau virus.
Le 14 janvier, le gouvernement de Wuhan a mis en place le contrôle officiel des personnes sortant de la ville et des points de contrôle et de détection, pour prendre la température des passagers entrant ou sortant des gares des lignes à grande vitesse, des stations de métro, des gares routières et des aéroports.
Le 19 janvier, la Commission de la Santé nationale de Chine (國家衛生健康委員會) a communiqué, dans un premier temps, la séquence génétique du COVID-19 à l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). Le 20 janvier 2020, Zhong Nanshan (钟南山), professeur en pneumologie et chef de la commission d’enquête, confirme la transmission inter-humaine du virus17. Le même jour,
Xi Jinping a donné des instructions importantes : la sécurité de la vie et la santé du peuple chinois doivent être la première priorité18. Le 21 janvier, France Info titre « Transmission entre humains, Nouvel An chinois... Pourquoi le nouveau coronavirus apparu en Chine inquiète le monde entier »19. Le 22 janvier, l’OMS ne déclare pas l’urgence, mais souligne ses inquiétudes autour des fêtes du Nouvel An chinois et des nombreux déplacements de population pouvant entraîner une propagation du virus.
Contrairement à ce que laissent entendre les articles en France, mais également dans le reste de la sphère médiatique mondiale, la Chine a déjà annoncé des mesures de protection de sa population au tout début de l’apparition de ce virus20. Selon China Daily, dès le 20 janvier, la Commission de la Santé nationale de Chine a commencé à publier un sommaire quotidien du nombre des nouveaux cas de chaque province. Le journal Le Monde du 23 janvier 2020 titre : « Coronavirus en Chine : vingt-cinq morts, l’OMS ne déclare pas encore d’urgence internationale »21. Si l’OMS ne déclare pas
l’urgence, le gouvernement chinois, lui, oui, l’article se poursuit en soulignant la mise en place d’un confinement total, mettant à l’arrêt ses industries et les grandes villes de son pays.
Le 22 janvier 2020, Jiao Yahui, directeur de Commission de la Santé nationale de Chine, suggère « de minimiser les déplacements dans des endroits très fréquentés et de maintenir une ventilation intérieure régulière. En cas de fièvre ou de toux, il faut s’assurer de porter un masque, se laver également les mains fréquemment, ne pas se frotter les yeux et ne pas se toucher les muqueuses après avoir éternué »22. Le même jour, le gouvernement chinois place sous quarantaine trois villes de la province de Hubei (湖北省) à savoir Wuhan (武 漢), Huanggang (黃冈) et Ezhou (鄂州). Ce sont donc près de 20 millions de Chinois qui sont ainsi coupés du reste du pays. Les autorités chinoises interdisent tout trafic aérien, ferroviaire, routier et fluvial à destination et en provenance de ces trois agglomérations, à l'intérieur desquelles les transports publics sont suspendus23. Les autorités ordonnent également la fermeture des lieux publics de divertissement (salles de cinéma, bars, restaurants)24. Cependant, comme le souligne le maire de Wuhan, Zhou Xianwang (周先 旺), avant l’annonce de la quarantaine, on peut estimer à près de 5 millions de personnes qui auraient quitté la ville25.
Le 23 janvier 2020, les autorités chinoises lancent la construction de deux hôpitaux : celui de Huoshenshan (火神山医院), d’une superficie de 25 000 m2 qui peut accueillir jusqu'à 1 000 patients26 ; et celui de Leishenshan (雷神山医院), qui compte 1 600 lits. Le 25 janvier, les autorités chinoises élargissent la zone de quarantaine à presque toute la province de Hubei. Ce sont près de 56 millions d’habitants qui sont placés en quarantaine - presque l’équivalent de la population française - et près de 450 médecins et autres personnels soignants des armées y sont envoyés pour aider27. Le même jour, Pékin ferme
la Cité interdite « afin d'éviter des contaminations liées au rassemblement de visiteurs » et annonce l’annulation des festivités du Nouvel An28. Le 28 janvier 2020, Xi Jinping rencontre Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur de
l’OMS, à Pékin. China Daily relate les propos du président chinois : « Le peuple chinois est actuellement confronté à une très grave bataille. Et pour le gouvernement chinois, c'est une chose que nous prenons très au sérieux, car à notre avis, rien ne compte plus pour nous que la sécurité et la santé des gens »29.
Le 31 janvier 2020, la Commission de la Santé nationale de Chine (國家衛生健康委員會) fait paraître un communiqué de presse intitulé « La Chine est confiante et capable de combattre l’épidémie »30. Dans ce communiqué on découvre ceci « Le directeur général de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a souligné que l'OMS désapprouve l'imposition des restrictions de voyage et de commerce à la Chine. Le Directeur général a convoqué une réunion du Comité d'urgence du Règlement sanitaire international (RSI), au cours de laquelle un expert chinois a présenté la situation actuelle de l'épidémie ainsi que les mesures de prévention et de contrôle déjà prises. Il a aussi activement participé aux discussions. ». L’OMS condamne les décisions prises par le gouvernement chinois de restriction des déplacements. Nous voyons bien ici le biais occidental dans l’appréhension de la situation.
À cette même date, la France commence à rapatrier ses ressortissants vivant à Wuhan et dans sa région. Ils sont placés en quarantaine, notamment à Carry-LeRouet. Les médias français estiment, avec la ministre de la Santé Agnès Buzyn, « qu’il n’y a rien à craindre ». Cependant, à la fin de la note de France Info en date du 31 janvier31, nous devrions nous intéresser à ce qui est écrit à propos de la Chine. D’une part, il est indiqué que « le bilan s’alourdit en Chine », et, d’autre part, que « le gouvernement a pris la décision d'intervenir en raison des "difficultés pratiques auxquelles sont confrontés à l'étranger les résidents de la province du Hubei, et en particulier ceux de Wuhan ».
Et c’est ce dernier point qui va nous intéresser. Qu’est-ce que ce langage diplomatique recouvre ? Que signifient « les difficultés pratiques auxquelles sont confrontées » ? En premier lieu, il est un fait : les touristes et les résidents chinois ne peuvent pas rentrer chez eux. Dans un second temps, il y a aussi les violences auxquelles ils sont soumis32. Comment pouvons-nous les expliquer ? À deux pas de chez moi, un bar-tabac-restaurant est tenu par une famille chinoise, dès cette époque, ils ont souffert de moqueries, de racismes, de questions diverses sur leurs origines… Comment expliquer un tel comportement ? Il faut évidemment revenir à la construction culturelle occidentale, mais pas seulement. Ici, nous allons regarder la manière dont les médias français ont traité l’apparition de l’épidémie.
LE TRAITEMENT MÉDIATIQUE FRANÇAIS OU LE CHINA BASHING MÉDIATIQUE
L’expression China bashing est une drôle d’expression. C’est une image mentale forte, nous voyons très bien ce qu’elle signifie, sans pour autant la circonscrire complètement. Jusqu’où va-t-elle ? Et d’où vient-elle ? Il est possible de retrouver une occurrence de cette expression dans Les Échos en 2003, dans une brève qui relate les mots de l’ancien président mexicain Ernesto Zedillo, directeur du Yale Center for the Study of Globalization.
Ce dernier « dénonce, dans une chronique publiée par le magazine Forbes, tous ceux qui utilisent l'empire du Milieu comme nouveau bouc émissaire »33.
Les usages pour dénoncer le China bashing dans les médias sont rares34. La Chine avance avec ses stratégies commerciales, elle devient donc une cible. La Chine apparaît comme l’ennemi commun. Le pays dont l’émergence fait basculer et reculer les anciennes puissances. Nous retrouvons l’expression China bashing, en octobre 2012, dans un éditorial du Washington Post35 qui illustre parfaitement la campagne de dénigrement faite aux États-Unis envers la Chine36. Cette expression rappelle également les propos, en 2008, de Barack Obama « go to the mat » avec la Chine, sur ses pratiques commerciales, avant de se montrer plus pragmatique lors de son mandat.
En 2011, Nouriel Roubini lance l’idée que la Chine va connaître une récession économique aussi terrible que terrifiante : « L'économie chinoise est actuellement en surchauffe, mais à long terme ses surinvestissements auront des conséquences déflationnistes à la fois sur le plan intérieur et extérieur. Quand il ne sera plus possible d'augmenter les investissements fixes, probablement après 2013, la Chine connaîtra sans doute un fort ralentissement. Au lieu de se focaliser sur une légère baisse de la croissance aujourd'hui, les responsables chinois feraient mieux de se préoccuper du coup d'arrêt brutal qui pourrait l'affecter durant la deuxième partie du plan quinquennal »37.
En 2012, Heleen Mees note dans un article disponible sur le site Slate : « L’ascension du pays le plus peuplé de la planète (la Chine) dans l’économie mondialisée a non seulement changé les termes de l’échange, mais a aussi eu un impact considérable sur les marchés des capitaux mondiaux ». Ainsi, la Chine devient la responsable de la crise économique38.
Ce détour pour vous montrer combien nous sommes habitués, depuis des années, à entendre des discours négatifs sur la Chine, de son mode de fonctionnement et de ses méthodes. Nous allons, d’abord, tenter de voir comment les médias français ont évoqué l’épidémie en Chine. Puis, nous regarderons les conséquences que cela eu sur la population chinoise - et plus largement asiatique en France. Enfin, nous essayerons de mettre en évidence un autre temps médiatique : celui où la France entre en crise. Avant que la France ne soit touchée.
À ce jour, avant que la France ne soit entrée officiellement en crise sanitaire, nous pouvons observer trois grands axes de critiques dans la presse française. En cette période de pandémie, le China bashing passe d’abord par une remise en cause de la méthodologie chinoise, puis par l’usage d’analogies, et enfin la critique de la surveillance. Nous allons essayer de détailler ces trois axes, en donnant des références aux articles, aux auteurs, etc. De la critique méthode chinoise à la dramaturgie de la psychose.
Le 20 janvier 2020, Jeanne Ferney, signe un article intitulé « Coronavirus en Chine : ce que l’on sait du « nCoV »39. Malgré une photographie inquiétante, montrant des hommes en combinaison encadrant un malade sur un brancard et un homme masqué. Le chapô de l’article laisse entendre que nous, en France, nous n’avons rien à craindre : « Le nouveau coronavirus qui frappe le pays depuis fin décembre a contaminé plus de 200 personnes, dont trois sont décédées. « À l’heure actuelle, le risque d’introduction en France de cas liés à cet épisode est considéré comme faible », estime l’Agence Santé publique France ».
Cependant, si on est attentif et que l’on va au bout de l’article, les propos de Sylvie Behillil, responsable adjointe du Centre national de référence (CNR) des virus des infections respiratoires à l’Institut Pasteur, sont un peu plus mitigés. Elle appelle à adopter très vite les gestes barrières, et énonce un élément positif envers la Chine. Elle dit : « la Chine a rapidement identifié le virus et mis ses séquences à disposition du monde entier afin que les chercheurs mettent en place des tests de diagnostic précis. C’est ce que nous nous appliquons à faire à l’Institut Pasteur, de sorte que si des personnes rentrent malades de cette région, nous pourrons juguler ». En d’autres termes, la Chine a, tout de suite, lancé une recherche scientifique internationale au sujet de ce mystérieux virus.
Le 23 janvier 2020, Le Figaro organise un live posant la question « Coronavirus : les Chinois ont-ils la bonne méthode ? »40 sans se demander si cela pouvait être le cas en France. Déjà là on note une tendance à plaisanter sur la diction ou l’accent pour prononcer le nom des villes. Au bout de quatre minutes, une question fait irruption : la souveraineté pharmaceutique. Enjeu géopolitique majeur : l’autonomie des pays en matière de protection de ces concitoyens. Puis quelques minutes plus loin, une critique sur le Gouvernement chinois à propos de l’autorité exercée sur la population. En d’autres termes, on se sert du Coronavirus pour tout de suite aller dans le sens de la critique des décisions prises par le Gouvernement chinois.
Le 24 janvier, Le Point publie avec l’AFP un article intitulé « Chine : à Wuhan, seuls avec le virus »41. Dès le premier paragraphe, nous pouvons lire « Pris au piège d'une ville coupée du monde, un homme de 35 ans attend de savoir s'il a contracté la pneumonie virale dans un hôpital de Wuhan, la métropole chinoise au cœur de l’épidémie ». Cette mise en scène de la dramaturgie ne peut que tourner à la critique des pratiques mises en œuvre par les autorités. Et il y a cette phrase « on n’est pas loin de la psychose ». Cela peut sembler anodin, mais cette phrase pèse lourdement sur la lecture. On associe cette idée de psychose au fait qu’il s’agit d’un régime totalitaire qui, donc, ne va pas savoir gérer cette crise autre que par le confinement et la privation de droits. Il y est souligné la saturation des hôpitaux et l’appel à l’aide pour obtenir des médicaments et du soutien des médecins militaires.
L’usage des analogies, « Le Péril Jaune »
Le 26 janvier 2020, Le Courrier Picard titre sa Une « Alerte jaune » et intitule son édito « le péril jaune ? ». Face aux nombreuses réactions sur les réseaux sociaux, la rédaction s’excuse dans un communiqué42 en indiquant «Assimilant ces propos à une volonté de nous associer aux pires clichés racistes sur les Asiatiques. Ce n’était bien entendu nullement notre intention. Nous présentons nos excuses à tous ceux qui ont pu être sincèrement choqués. Nous redoublerons d’attention à l’avenir ». Mais le mal est fait. Comme le souligne Aude Lorriaux, dans son interview de Vincent Geisser, chercheur rattaché au CNRS et directeur de publication de la revue Migrations Société43, ces titres jouent sur les peurs et les fantasmes. Après cette analogie autour de l’image du « péril jaune », vient celle du rejet de l’autorité.
Le 29 janvier 2020, Marie Holzman dans Le Monde écrit un article intitulé “Coronavirus : En Chine, plus personne ne croit en la parole officielle”44. Dès le deuxième paragraphe, elle écrit : « Quelles que soient les causes de l’épidémie, ce qui frappe le plus les observateurs, c’est la façon dont les autorités chinoises ne parviennent pas à se défaire d’un vieux réflexe bureaucratique issu de la tradition communiste : cacher les problèmes aussi longtemps que possible, afin d’éviter de porter la responsabilité du drame ». Ceci est très étrange et ne correspond pas à ce que nous avons cité plus haut, à savoir les recherches rendues possibles par le partage d’information avec les centres de recherches en virologie.
Dans un communiqué de presse du 31 janvier 202045, on retrouve cette même idée du partage des informations, il est écrit « alors que le séquençage complet du génome viral du coronavirus 2019-nCoV vient d’être réalisé à l’Institut Pasteur (Communiqué de pressedu 30.01.2020 – L’Institut Pasteur séquence le génome complet du coronavirus de Wuhan, 2019-nCoV), sur des échantillons prélevés sur les premiers cas français confirmés, l’isolement des souches du coronavirus 2019-nCoV détecté en France vient d’être finalisé avec succès et dans un délai très court ». Cela signifie bien que des échanges entre les autorités chinoises et les autorités concernées des pays ont eu lieu.
Une autre façon apparaît pour remettre en cause les décisions du Gouvernement chinois : se servir du cas du médecin qui a lancé l’alerte sur la possible épidémie. Le 6 février 2020, le Nouvel Obs titre « Le médecin chinois qui avait tenté d’alerter son pays est mort du coronavirus »46. Évidemment l’État est très critiqué dans ce début de crise. Mais qui est prêt à faire face à un virus ? Mais comment marquer les esprits pour critiquer la position du président chinois ?
L’analogie « Tchernobyl »
Le 7 février 2020, Thierry Wolton signe un article dans Le Figaro, «Coronavirus : la Chine est-elle en train de vivre son Tchernobyl ? »47. D’où vient cette analogie ? Pourquoi s’en servir pour qualifier une épidémie qui n’a rien à voir avec une centrale nucléaire ? Notons que la première occurrence, dans le monde occidental, de cette expression revient à Alexandre Sirois, journaliste canadien, qui publie le 31 janvier 2020 un article intitulé “Coronavirus : le syndrome Tchernobyl”. Il y écrit que « Bradley A. Thayer et Lianchao Han, deux experts établis aux États-Unis, ont également fait la comparaison cette semaine entre le coronavirus et Tchernobyl »48. Ceci est très intéressant. Deux experts, vivant aux États-Unis, prennent la parole pour dire ou plus exactement chercher à dénoncer. Rappelons que dans une posture « de stratégie de communication », l’analogie sert à marquer les esprits avec des comparaisons fortes qui remplacent le raisonnement. Il s’agit donc de juxtaposer deux évènements : Coronavirus et Tchernobyl. Et en effet, il devient difficile de raisonner, on va rechercher de façon automatique ce qui s’est produit à Tchernobyl et évoquer les mensonges d’État, etc. Dans l’article d’Alexandre Sirois, il est très vite question de « vérité ».
Le gouvernement ment-il à ses concitoyens ? Telles sont les questions soulevées. Ainsi se répand l’analogie entre Coronavirus et Tchernobyl. Cette analogie se propage vite, le 7 février, par exemple, Jean-Marcel Bouguereau titre « Le coronavirus sera-t-il le Tchernobyl de la Chine ? »49 et la première phrase écrite en gras dans une police bien plus grande pose comme un état de fait « mis au courant de l’existence du virus dès mi-décembre, Pékin n’a donné l’alerte qu’un mois plus tard ». Étonnamment aucune preuve n’est fournie. C’est aussi cette analogie qui est utilisée, le 10 février 202050, sur France Culture, dans l’émission de Brice Couturier qui pose la question « l’épidémie de coronavirus peut-elle être le Tchernobyl de Xi Jinping ? »51. Là encore, le virus semble le parfait alibi pour dénoncer et annoncer la chute d’un président dont le gouvernement semble mis à mal par une crise sans précédent. Le 13 février 2020, Jean-Marcel Bouguereau titre son article, dans Marianne, « Le coronavirus sera-t-il le Tchernobyl de la Chine ? »52. Là encore, nous avons le droit à un China Bashing dans les règles de l’art. Le Gouvernement chinois n’aurait parlé de l’épidémie qu’un mois plus tard. Mais un mois à partir de quoi ? De quand ? Puisque nous ne savons rien du patient zéro.
À nouveau, cette image de Tchernobyl sera reprise par Kocila Makdeche, dans un article du 16 février 2020, intitulé « Covid-19 : pour éviter un ‘Tchernobyl chinois’, Pékin mène une ‘guerre de l'information’ sur les réseaux sociaux »53. Qu’est-ce qui est dénoncé par cette analogie ? Serait-ce la fin annoncée de la surveillance ? La fin d’un gouvernement ?
La société de surveillance dénoncée
Le 3 février 2020, Sébastien Falletti, dans Le Figaro titre son article « Coronavirus: Pékin resserre son contrôle de la population »54. Il dénonce clairement la décision de positionner une présence militaire à Wuhan. Le 7 février 2020, Laetitia Asgarali Dumont écrit dans un article pour Le Figaro que « les autorités chinoises veulent enrayer le coronavirus par tous les moyens. Y compris technologiques. Alors que l’épidémie continue de progresser, avec au moins 60 millions de personnes placées en quarantaine dans de nombreuses villes chinoises, le gouvernement a mis en place une surveillance de grande ampleur des populations, pour endiguer la contagion et limiter les rassemblements publics »55.
Le 14 février, Laura Andrieu, toujours pour Le Figaro, titre sa chronique « Coronavirus: la Chine accroît la surveillance de la population »56. Elle écrit très clairement : « La Chine resserre le contrôle de sa population. L’agence de presse chinoise Xinhua a annoncé samedi 8 février qu’une nouvelle application, nommée «close contact detector», était désormais disponible dans le pays. Développée par China Technology Group Corporation (CETC) - une entreprise d’électronique propriété de l’État chinois - elle permettrait à ses utilisateurs de vérifier s’ils ont croisé la route d’une personne atteinte du coronavirus ou soupçonnée de l’être, assure l’agence Xinhua, également contrôlée par Pékin ». Un seul instant, les journalistes, les éditorialistes se posent-ils la question de la réception de leurs mots ? À force d’être exposés à un tel traitement médiatique, pouvons-nous encore rester neutres ? La France est-elle encore capable de faire preuve d’humanisme ?
Les conséquences sur la communauté chinoise en France
Nous oublions trop souvent que toutes les communications ont des conséquences. C’est précisément le concept de feedback, défini par Norbert Wiener (1950) et par Paul Watzlavick (1979), qui nous intéresse ici. Le China bashing, jusqu’à présent, n’avait pas eu de réponse de la part de la communauté asiatique. Cependant, en France, plusieurs évènements importants sont à noter : la libération de la parole par le biais de la nouvelle génération en France - notamment autour de la journaliste et blogueuse Grace Ly57 ou encore du jeune comique Le Rire jaune58 -, la polémique du sketch de Gad Elmaleh et Kev Adams59 (en 2016 et sa rediffusion en 2018) et la première manifestation des Chinois à Paris (en 2016) suite à l’assassinat de Zhang Chaolin60.
La superposition de ces évènements entraîne une libération inédite de la parole des communautés asiatiques en France. La nouvelle génération va être ici le vecteur d’une réaction au racisme médiatique. Et c’est par un hashtag que tout va commencer.
Lancement d’un hashtag
Dans cette période de pandémie, après le traitement médiatique énoncé plus haut, quelles conséquences cela a sur nos comportements ? Cela augmente les comportements des rejets envers « les Chinois ». Comme le souligne l’article de Mathilde Roche sur LCI, le 27 janvier 2020, l’épidémie fait souffler un vent de panique et de racisme en France61. En réponse à ce racisme qui a des conséquences très concrètes dans les transports, dans les boutiques, une jeune femme fait naître un hashtag #JeNeSuisPasUnVirus.
La parole se libère62 sur les réseaux sociaux, des milliers de messages apparaissent pour dénoncer les violences et les humiliations subies au quotidien63. Fait rare, la presse chinoise reprend cette dénonciation du racisme français envers les Chinois. Sur le site French China, on peut lire un témoignage : « j'ai été victime d'un acte raciste de la part d'un groupe de jeunes filles. Je pouvais les entendre rire et se moquer de moi. L'une d’entre elles a dit : Comment faut-il appeler les gens atteints de coronavirus ? Des Chinois, c’est ça ? »64. Ce hashtag entraîne un sillage de réactions nécessaires.
D’un hashtag à la dénonciation du racisme ordinaire historique français
Le 4 février 2020, Grace Ly signe un article sur le site Slate pour expliquer les origines du racisme anti-asiatique. On peut y lire sa colère légitime, mais aussi sa volonté de trouver une solution. Dès le chapô de son article, elle pose cette terrifiante affirmation : « Il nous aura fallu le coronavirus pour saisir que la maladie du racisme anti-asiatique se niche dans notre chair »65.
Le 6 février 2020, l’INA poste sur Facebook une vidéo à propos du “racisme antiChinois”66. En description de la vidéo, nous pouvons lire le résumé suivant : « "Ils sont partout, discrets, petits, effacés". Voici le commentaire d'un journaliste de France 3 en 1979 pour parler de la communauté chinoise de Rennes. Alors que les actes et propos racistes anti-Chinois se multiplient depuis le début de l'épidémie de Coronavirus, plongée dans nos archives pour se rendre compte que le discours médiatique à l'égard de cette communauté a véhiculé beaucoup de clichés ».
Enfin le racisme ordinaire anti-asiatique français est dénoncé. Il revient à la radio Mouv de faire une émission qui pose clairement la question du « et après le hashtag ? »67. En effet, comment faire pour changer les mentalités françaises, habituées à plus de soixante années de dénigrement envers la Chine et l’Asie ?
Le 12 février 2020, Benoît Hasse pour Le Parisien, relate l’action de militants de SOS Racisme. Il écrit : « « Vous êtes choqués ? Sur Internet comme dans la rue, réagissez ! » Voilà le message qu'une quinzaine de militants de SOS racisme ont tenté de faire passer ce mercredi soir sur le parvis de la gare du Nord pour lutter contre les préjugés qui frappent la communauté asiatique depuis le début de la crise sanitaire du coronavirus. À l'heure de pointe du soir, les bénévoles de l'association se sont postés à la sortie de la gare, masque sur le visage et panneaux reproduisant des tweets ouvertement racistes à la main. »68.
Le 13 février, Marc Tertre, sur le site de Mediapart, écrit un article récapitulant les origines du racisme anti-asiatique et montre la nécessaire solidarité que nous devons avoir envers la communauté asiatique69. Dans les faits, le rejet des personnes asiatiques continue en France. Nous pouvons observer des insultes, des refus de se faire servir par du personnel asiatique, des violences dans les transports…
Le 25 février, BFM titre « Coronavirus : SOS Racisme lance une campagne contre le racisme anti-asiatique »70. SOS Racisme encourage les personnes, victimes de racisme, à porter plainte. En quelques dates, en quelques articles, nous pouvons mesurer une forme d’impact sur les attitudes et les comportements des « Français » à l’égard de la communauté asiatique. Rappelons ici que la psychologie sociale distingue l’attitude et le comportement. Par attitude, il faut entendre « évaluation générale (positive ou négative) d’une personne à l’égard d’un objet » (Fontiat et Boyer, 2015).
En d’autres termes, l’exposition des Français, au fil des années, à un racisme anti-asiatique quasi-banalisé ne peut que se transformer en un comportement raciste. De l’autre, nous assistons ici, à une moindre échelle, à un réveil des consciences et à une dénonciation de ce racisme. Nous devons nous demander si nous pouvons observer un changement de regard des médias français sur la situation, une fois la France entrée dans la pandémie ?
Quand la France commence à se soucier de la situation L’ensemble de l’humanité traverse une crise sans précédent. Mais si, au départ, quand la Chine semblait seule être touchée par l’épidémie, tout ceci paraissait être une lointaine hypothèse, donnant libre cours aux critiques. Qu’en est-il aujourd’hui ? Au moment où la France et l’Europe ont commencé à être touchées par la pandémie ? Assistons-nous à un renversement des points de vue ou, au contraire, assistons-nous à des renforcements des positions et à la création de « nouvelles barrières mentales » anti-chinoises ?
L’appel à la solidarité et référence à la méthode chinoise ?
Le 16 février, Le Monde avec l’AFP titre un article « Coronavirus : le bilan monte à 1 770 morts en Chine et l’évolution reste « impossible à prévoir »71. On peut y lire : « Des experts internationaux dépêchés à Pékin par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) ont commencé à discuter avec leurs homologues chinois de l’épidémie du nouveau coronavirus, dont la propagation est « impossible à prévoir », a annoncé dimanche 16 février, dans la soirée l’agence de l’ONU. « Nous avons hâte que cette collaboration importante et vitale contribue aux connaissances mondiales sur l’épidémie de #COVID19 », a estimé le chef de l’OMS Tedros Adhanom Ghebreyesus sur Twitter. » Le monde auraitil donc besoin de la Chine pour se sortir de cette pandémie ?
Le 6 mars 2020, Priscille Lafitte pour France 24 remarque que la méthode chinoise n’arrive pas à s’appliquer en France. Malgré l’augmentation des nombres de cas, les décisions politiques hésitent encore à prononcer le confinement. Elle note également la difficulté pour les populations européennes à comprendre les sacrifices que les Chinois ont immédiatement faits par solidarité envers leur pays72. Elle interroge l’historien de la philosophie et anthropologue Frédérick Keck, qui souligne que, selon le rapport de l’OMS, il faudrait appliquer un confinement strict, mais qu’il semble difficile d’envisager cette méthode hors de Chine.
Le 18 mars 2020, la Chine adresse à la France « un premier avion chargé de masques, de gants et d'autres équipements de protection à la France pour combattre la pandémie de Covid-19 et en enverra un deuxième jeudi » explique Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires étrangères)73. Le 21 mars 2020, Dominique Moïsi s’interroge sur le civisme en Asie. Pourquoi, alors que nous sommes à un moment critique, où le confinement a été prononcé, les citoyens français n’obéissent toujours pas ? Il écrit : « Le régime chinois a réussi à faire reculer l’épidémie de coronavirus sur son territoire. Non pas parce qu’il s’agit d’un régime autoritaire – la Corée et Taïwan ont réussi aussi alors qu’elles sont des démocraties – mais parce que la culture asiatique place l’intérêt de la communauté au-dessus de l’intérêt individuel.
Un sens du collectif que l’Occident, a perdu et qu’il faut de toute urgence restaurer »74. Il note que la Chine offre aujourd’hui sa protection au monde. Il n’hésite pasà reprendre l’analogie “Tchernobyl” afin de montrer combien c’est sans aucun doute une erreur de l’avoir utilisée dans le sens du déclin de la Chine. Il soulève une question primordiale : les formes de nos gouvernements peuvent-elles tenir face à des crises de cette ampleur ? Crises sanitaires qui ne sont pas prêtes de s’arrêter si on se réfère aux travaux de Frédéric Keck et à son interview donnée à Télérama. Juliette Cerf reprend ainsi le début de son ouvrage Les Sentinelles des pandémies : « Le caractère cyclique des pandémies […] a conduit les experts à penser qu’une nouvelle pandémie était imminente et qu’elle tuerait des millions de personnes. La question, selon les autorités globales, n’est pas de savoir quand et où la pandémie commencera, mais si nous sommes prêts à affronter ses conséquences catastrophiques. La pandémie bouleverse la vie sociale non seulement parce qu’elle tue des individus en série, mais aussi parce que la contagion entraîne la panique et la méfiance. »75. Frédéric Keck défend l’idée que la nature se venge de notre « gourmandise », nous devons davantage repenser notre système de fonctionnement afin de prendre conscience. La question centrale est donc bien celle des formes de nos gouvernements. Faut-il rétablir les gouvernements régaliens ? Faut-il créer de nouveaux Léviathan ? Toutes les questions sont ouvertes. En parallèle de cette interrogation légitime sur les nouvelles formes de gouvernance à trouver, réapparaît la critique de la surveillance de masse.
Dénonciation de la surveillance
Cette dénonciation de la surveillance par les médias français devient paradoxale à partir du moment même où nous sommes dans la mise en place des mêmes usages. Mais reprenons le fil du temps. Le 20 février 2020, le Premier ministre Édouard Philippe et le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, font adopter un décret76 qui autorise l’usage d’une « application mobile de prise de notes » par les militaires de la gendarmerie nationale. Appelée GendNotes, elle est intégrée aux smartphones et tablettes Neogend qu’utilisent déjà les gendarmes. Ceci permet l’enregistrement d’informations « relatives à la prétendue origine raciale ou ethnique, aux opinions politiques, philosophiques ou religieuses, à l’appartenance syndicale, à la santé ou à la vie sexuelle ou l’orientation sexuelle ». Pourquoi un tel décret ? Pourquoi précisément à cette date ? Il nous faudra revenir sur cette question dans le cadre d’autres recherches, notamment dans le cadre d’une DataPhilosophie.
Le 6 mars 2020, Frédéric Lemaitre signe un article dans Le Monde posant les limites de la solidarité dans un monde sous surveillance. Plusieurs exemples d’initiatives citoyennes seraient sous surveillance77. Le 12 mars 2020, Simone Pieranni78, dans son article pour Le Grand Continent, met en évidence le lien entre une structure étatique puissante et la résolution du risque de contamination. La capacité de mobilisation de l’État a permis d’enrayer la propagation en utilisant tous les outils disponibles, y compris les nouvelles technologies. Elle écrit : « Dans la Chine de la révolution numérique, l’accès à ce savoir est devenu très facile : les compagnies de téléphone chinoises et certaines applications (par exemple celles des chemins de fer d’État) ont mis en place des systèmes grâce auxquels les gens peuvent vérifier si, lors de leurs déplacements en train ou en avion, ils ont été proches ou en contact avec une personne infectée ou, pire encore, malade et hospitalisée. ».
Elle y relate également un article signé Yingzhi Yang et Julie Zhu pour Reuters (7 février 2020)79. Dans cet article on peut lire et découvrir la puissance de la surveillance en Chine. Simone Pieranni s’appuie dessus pour montrer ce que la Chine nous apprend avec son outil de surveillance de masse. Reconnaître des personnes atteintes de fièvre dans la rue, connaître leurs déplacements, voir qui elles ont pu croiser… Il est évident que pour les sociétés spécialisées en Intelligence artificielle, elles ont pu développer et mettre en place de nouveaux outils qui, à nos yeux, semblent terrifiants. Elle conclut par les usages des robots, des nouveaux logiciels et estime que c’est un “progrès qui risque de nous affecter - tôt ou tard- nous aussi”. Ce progrès serait-il comme un virus ?
C’est un peu le sens de l’article du 16 mars 2020, paru sur le site FrenchWeb80. Détaillant les outils mis en place par le Gouvernement chinois, l’article conclut par la menace de surveillance totale : « Avec ce dispositif, Pékin peut surveiller l’utilisation de l’application, qui est obligatoire pour tous les cadres du Parti communiste chinois. Ces derniers sont donc contraints d’utiliser l’application tous les jours et d’accumuler des points pour montrer leur loyauté et leur dévouement à Xi Jinping.
Téléchargée par plus de 100 millions de Chinois, l’application a en réalité été conçue pour espionner le téléphone des utilisateurs et le piloter à distance, selon le spécialiste de cybersécurité allemand Cure53. Une preuve de plus de la volonté du Parti communiste chinois (PCC) de surveiller les moindres faits et gestes de ses serviteurs au quotidien, qu’il y ait une épidémie ou non. »
C’est aussi ce que l’on retrouve dans de nombreux articles dans les médias notamment celui signé par Catalin Cimpanu pour ZDNET, le 20 mars 202081. Il montre que la surveillance à la chinoise est un outil qui peut se répandre de façon mondiale.
Étonnamment, l’article évoque ce qui se passe en Corée, en Israël, mais pas en France. Pourtant, en France est bien mise en place la surveillance par les drones82. Bénédicte Lutaud, pour Le Figaro, reprend les annonces du préfet de police de Paris, Didier Lallement, sur les premiers essais effectués ce samedi 21 mars : « Ce nouveau dispositif de surveillance par drone visant à vérifier le respect des mesures de confinement, rapporte l'AFP dans un reportage vidéo. La police en compte une vingtaine, pouvant voler à 150 m de haut. »83.
Nous sommes en plein paradoxe : d’un côté, les médias critiquent l’usage de la technologie comme outil de surveillance en Chine, mais de l’autre souligne son efficacité pour lutter contre la pandémie en France. Serions-nous à un tournant de nos pratiques ? Pourquoi avoir sous-estimé la Chine ? Dans toutes les crises, il y a des rumeurs. La rumeur s’appuie sur les fantasmes inconscients et les peurs collectives qui trouvent un objet autour duquel se cristallisent fictions et angoisses.
Ici, le Covid-19 a permis de lancer les pires insinuations envers la Chine, allant jusqu’à imaginer la création dans un laboratoire du virus84. Faire une analyse
médiatique en excluant les rumeurs serait une erreur, mais il faut plus de temps pour croiser et faire des recoupements concernant ces rumeurs. De façon générale, ces rumeurs au fil des jours ont fait de la Chine le bouc émissaire des différents groupes, ce qui a, sans doute, facilité la catharsis de l’anxiété sociale.
Une des grandes questions à laquelle nous ne pouvons pas encore répondre, c’est pourquoi s’être servi de cette crise - dont nous ne sommes pas encore sortis - pour sous-estimer la Chine ? C’est en substance ce que se demande Marc Rameau, dans un article publié le 18 mars 2020 dans La Tribune85. Il note « « Irresponsabilité », « dissimulation et mensonge », « pratiques détestables de développement et de consommation animale au mépris de l'environnement », les commentaires mêlaient allègrement la condamnation - justifiée - du gouvernement chinois et un blâme s'étendant à tout un peuple. Il y avait presque une jubilation accompagnant cette condamnation ». Marc Rameau souligne le racisme présent dans les articles, et le fait que, derrière, nous n’avons pas vu la force de la stratégie chinoise d’un gouvernement central. Il finit par se demander si les formes de nos États peuvent résister à une telle crise sans se métamorphoser en États totalitaires ?
L’Europe se retrouverait alors confrontée à ses propres zones d’ombre, c’est-à-dire à un passé pas si lointain.
Sous-estimer la Chine et ses méthodologies de gestion de crise aura sans doute un prix, mais lequel ? Cette question est d’importance, surtout quand on s’attache à comprendre les rumeurs qui vont jusqu’à impliquer la France86.
En stratégie de communication, la rumeur est un outil puissant pour faire basculer les faveurs de l’opinion, en jouant sur les émotions éprouvées. Utiliser la rumeur comme outil de manipulation est alors facile puisqu’il s’agit d’exploiter délibérément nos réactions archaïques et répétitives. En effet, notre cerveau limbique est le plus rapide à répondre à une stimulation, et sachant qu’il est susceptible de reproduire des schémas anciens, le stimuler assure à tous les coups la réussite de la propagation de la rumeur87.
Ces remarques sur la rumeur sont évidemment la transition idéale pour entamer ce qui sera notre dernière partie ici, à savoir la question des conséquences géopolitiques. Autant de communication, autant de contradictions sont-elles le signe d’un avenir serein ?
LES CONSÉQUENCES GÉOPOLITIQUES
Nous l’avons déjà évoqué, selon Frédéric Keck, ces virus sont les conséquences de notre mondialisation. Mais entre les faits et les enjeux de communication, il y a des liaisons dangereuses. Nous allons brièvement aborder trois points : le retour en force du China bashing, la « guerre des masques », et les « annonces de Troisième Guerre mondiale ».
Henri Tracou, pour La Croix, pose une question assez juste «Coronavirus. Comment vont évoluer les nouvelles ‘routes de la soie’ ? »88. En effet, la Chine qui a mis en place une stratégie d’ouverture, d’échanges (par la route, la mer, les chemins de fer et les airs), comment peut-elle faire face à ses frontières qui se referment ? Et quels sont les enjeux qui apparaissent aujourd’hui (le 22 mars 2020) ?
La Faute à la Chine, le retour en force du China bashing
Le 26 février 2020, Samir Ayoub et Luc Meunier pour La Tribune, écrivent un article qui démontre la grande faiblesse la Chine : sa politique sanitaire. En d’autres termes, si tous les chantiers mondiaux pour les Routes de la Soie sont à l’arrêt, la Chine n’a qu’à s’en prendre qu’à elle-même. Ils apportent la conclusion suivante : « Dans une intervention au Forum pour la coopération sanitaire en Chine en 2017, le Dr Tedros, directeur général de l'OMS, a salué l'initiative du président Xi Jinping pour la création d'une « route de la soie sanitaire », qui « renforce et renouvelle les liens anciens entre les cultures et les peuples en accordant une place centrale à la santé ». Facile à dire, visiblement difficile à mettre en place, remarqueront les plus cyniques. Rattrapée par le coronavirus, la Chine n'a désormais plus le choix : agir sur le plan sanitaire ou prendre le risque que les nouvelles routes de la soie soient longues et semées d’embûches »89. N’assisterions-nous pas ici à
un nouveau modèle de China bashing ?
L’humanité fait face à quelque chose qu’elle ne peut appréhender, comprendre, saisir… Il lui faut donc un coupable qui aurait déclenché ce « virus mortel ». Et ce coupable doit en payer les conséquences. Le 17 mars 2020, France Info relaye les propos de Donald Trump, en mentionnant son tweet du 16 mars : « Les États-Unis soutiendront vigoureusement les secteurs d'activités, comme les compagnies aériennes et autres, qui sont particulièrement touchées par le virus chinois »90.
L’article met en scène la guerre de communication entre les deux puissances : « La rivalité Washington-Pékin n'a pas été mise en sourdine par la lutte contre le Covid-19. La tension entre les deux pays a même grimpé mardi 17 mars, la Chine se disant "indignée" par un tweet de Donald Trump parlant d'un "virus chinois". De son côté, un porte-parole de la diplomatie chinoise a évoqué, sans preuve, l'hypothèse que l'armée américaine ait pu introduire l'agent pathogène en Chine »91. Mais la version chinoise de l’agent pathogène ne semble pas prendre en Europe.
Le 19 mars 2020, l’article d’Alexandre Devecchio dans Le Figaro souligne : « La responsabilité de la Chine est évidente concernant le retard pris dans la communication du risque aux autres pays. Les autorités chinoises ont, par exemple, attendu de révéler la transmission du virus d’homme à homme et n’ont - malgré la connaissance de cette information - pas immédiatement pris les mesures nécessaires pour éviter la propagation.
Cette responsabilité sera examinée lorsque la situation sera revenue sous contrôle dans les pays occidentaux. Cela ne sera pas oublié. Donald Trump ne parle pas de Covid-19, mais de « virus chinois » »92. Pour le Courrier international, Nicolas Coisplet montre que ce retour du China bashing
plaît à une partie de la presse américaine. Il écrit : « Le président américain s’en prend explicitement à la Chine quand il évoque la pandémie actuelle. Pour la presse progressiste, c’est une nouvelle illustration de ses penchants xénophobes. Mais les médias conservateurs lui donnent raison et soulignent la responsabilité de Pékin dans la crise actuelle »93.
Nous voyons que nous sommes dans une époque « extremus necessitatis casus », les présidents ont pour mission de redéfinir, en premier lieu, le territoire de leur souveraineté. En prononçant des « situations de guerre ».
Dans son allocution du 16 mars, Emmanuel Macron le confirme : « Dès mardi, en Conseil des ministres, sera présenté un projet de loi permettant au gouvernement de répondre à l’urgence et, lorsque nécessaire, de légiférer par ordonnances dans les domaines relevant strictement de la gestion de crise. Ce projet sera soumis au Parlement dès jeudi ».
C’est très étrange, pour moi, mais je n’ai pas trouvé meilleur auteur pour comprendre cette notion de « situation exceptionnelle » que Carl Schmidt et sa doctrine du droit. Au cœur de celle-ci, il note « est souverain celui qui décide de la situation exceptionnelle »94. Ces situations exceptionnelles permettent aux États de suspendre temporairement l’ordre juridique ordinaire, afin de prendre toutes les mesures requises pour les résoudre, même si ces dernières sont totalement à l’encontre du droit commun.
Ici, nous sommes en plein dans cette question de la souveraineté telle que Carl Schmidt la définit : « celui qui décide en cas de conflit, en quoi consistent l’intérêt public et celui de l’État, la sûreté et l’ordre public, le salut public »95. Une fois la souveraineté reprise, reste la question des limitations, ou non, des pouvoirs. En France, nous disposons de l’article 16 de la Constitution. Ce dernier stipule « Lorsque les institutions de la République,
l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacées d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances, après consultation officielle du Premier ministre, des Présidents des Assemblées ainsi que du Conseil constitutionnel »96.
Comme le rappelle, le Conseil constitutionnel, « La présence de cet article dans la Constitution s'explique par la mémoire constitutionnelle et, en particulier, par le souvenir de la « crise épouvantable » de 1940 : « il n'y avait plus moyen d'obtenir, dans les circonstances où l'on était, un fonctionnement régulier des pouvoirs de la République »97. Dès le vendredi 13 mars, des articles évoquent le possible recours à cet article98. Mais nul besoin d’en arriver là. Là encore, nous devons revenir à la théorie de Carl Schmidt : « Il est impossible d’établir avec une clarté intégrale les moments où l’on se trouve dans un cas de nécessité ni de prédire, dans son contenu, ce à quoi il faut s’attendre dans ce cas, si véritablement il s’agit du cas de nécessité extrême et de son élimination. La présupposition comme le contenu de la compétence sont ici nécessairement illimités ».
En d’autres termes, ces situations inédites ne peuvent être circonscrites de façon juridique. Les mots du droit, des droits, des lois, des jurisprudences sont dépassés. Tout, dans la situation exceptionnelle, déborde le droit, en dépassant les limites de notre propre langage. « Dans cette situation, une chose est claire : l’État subsiste tandis que le droit recule. La situation exceptionnelle est toujours autre chose encore qu’une anarchie et un chaos, et c’est pourquoi, au sens juridique, il subsiste toujours un ordre, fût-ce un ordre qui n’est pas de droit. L’existence de l’État garde ici une incontestable supériorité sur la validité de la norme juridique »99.
Nous sommes à ce moment exact pour les États occidentaux. « Nous sommes en guerre » répète Emmanuel Macron dans son discours du 16 mars. Cela signifie que si, dans cette situation d’exception, le président s’accorde des droits exceptionnels, il revient aux citoyens de veiller à ce qu’ils ne soient pas prolongés indéfiniment. C’est tout l’enjeu, en France, à propos de la législation par ordonnance100. Le 20 mars 2020, Étienne Girard pour Marianne écrit : « Devant le Sénat, le gouvernement a réaffirmé sa volonté de revenir dans sa loi « urgence coronavirus » sur certains acquis sociaux, comme les congés payés ou les 35 heures. Des mesures qu’il annonce « provisoires »…, tout en refusant d'inscrire une date limite dans le texte »101.
Tant que le bruit médiatique est orienté vers un China bashing, il est plus facile de détourner l’attention de l’opinion publique. Cette dernière, concentrée à la fois sur sa survie, mais également sur l’ennemi, aura plus de mal à lire les déplacements juridiques. En creux de ce China bashing, nous assistons aussi à de drôles de guerres géopolitiques européennes dont l’enjeu tourne autour des matériels de soins.
La guerre des masques
Si, en France la population ne porte pas de masques, c’est qu’elle n’en a pas à disposition102. Déjà, le 3 mars 2020, Loan Tranthimy, pour le Quotidien du médecin, lançait un cri d’alerte « Les médecins libéraux face au Covid-19 : pas de masques FFP2 »103. Cette pénurie faisait l’objet d’articles en février104. C’est un sujet national, mais aussi un enjeu européen et international.
Le 14 mars 2020, Thomas Wieder, Jérôme Gautheret et Virginie Malingre pour Le Monde publient un article montrant que la Commission européenne demande à la France et à l’Allemagne de partager leurs stocks de matériel. Ils écrivent : « Montrer l’exemple. Empêcher que d’autres États soient tentés, eux aussi, de garder pour eux leurs masques, gants et autres combinaisons médicales. Neuf jours après que la France et l’Allemagne, selon des modalités différentes, ont décidé de conserver les matériels médicaux de protection dont elles disposaient sur leur territoire, alors que la situation italienne commençait à devenir préoccupante, la Commission européenne a fini par réussir, vendredi 13 mars, à les faire revenir à des considérations plus altruistes »105. Là encore la souveraineté des États est mise à mal, il y a une contradiction dans l’urgence.
De fait, les hôpitaux français manquent de masques, de bras, de matériels, mais aussi tous les corps médicaux (médecins généralistes, infirmières, etc.). Le 15 mars 2020, l’Union européenne a annoncé qu'elle limitait les exportations de masques et d'autres équipements médicaux de protection. Selon la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, il est urgent de garantir l’approvisionnement européen face à la pandémie106. Comme le note Emmanuel Berretta, « La fermeture désordonnée et sans concertation des frontières entre les États membres (Allemagne, Autriche, Pologne, Portugal…) inquiète la Commission »107.
Ces annonces ont pour conséquence l’adaptation des usines en France, comme en Italie, pour produire le matériel manquant. C’est ce que note, notamment, Jean-Marc Petit dans La Voix du Nord : « toute la production des quatre usines françaises de fabrication de masques, dont Macopharma à Tourcoing, a été réquisitionnée pour alimenter les 145 millions de masques du stock d’État. Trente millions ont déjà été distribués, mais la demande est énorme. Le seul besoin de la médecine de ville étant de près d’un million de masques par jour. Face à ces enjeux, c’est donc le secret défense qui règne chez Macopharma, où le site, au départ spécialisé dans la fabrication de poches à sang, a remis en route d’anciennes lignes de production qui tournent 24h/24 »108.
De son côté, la Chine, à peine sortie de la crise, approvisionne tous les pays européens109. Ce qui n’évite pas le China bashing comme on peut le retrouver dans l’article de Sébastien Falletti pour Le Figaro : « La République populaire exporte en Europe et à travers le monde ses matériels de protection et son savoir-faire, nouveaux outils de rayonnement et pour effacer ses ratés dans la gestion de la crise du Covid-19 »110. Il y note également que l’empire technologique Alibaba peut étendre son influence en faisant des dons de matériels en France.
En creux, nous voyons bien le champ de bataille médiatique qui s’annonce. Mais ne serait-ce pas nous mettre tous en danger que de continuer à parler de « guerre » ? Que celle-ci soit d’image, financière ou de territoires ? Ne faudrait-il pas davantage appeler au pacifisme et montrer que nous sommes tous capables de collaborer ensemble pour nous sortir des crises ?
Du China bashing, en passant par la fin de la démocratie, la Troisième Guerre mondiale, à la démocratie quantique.
En creux, « la guerre des masques », que recouvre cette expérience ? Faut-il reprendre ici les mots de Jacques Attali : « Celui qui ne se prépare pas au pire est presque sûr de le vivre. Nous avons tous trop vécu dans l'insouciance, ce que j'appelle l'économie positive, qui consiste à prévoir le pire »111 ? Selon lui, préparer les nouvelles générations au pire est essentiel. Contrairement à ce que laisse entendre cette déclaration, dans l’émission « le vrai de l’info » dont la thématique était « Troisième Guerre mondiale », des choses ont déjà été faites, dans ce sens, notamment La Réserve mondiale de semences du Svalbard (depuis 2008).
En revanche, il faudrait se questionner sur les accès aux réserves ? Donc à nouveau, nous sommes confrontés à une question de gouvernance. Le 17 mars 2020, dans une interview donnée au Figaro, Alice Ekman postule qu’« en Chine, la crise du Covid-19 a renforcé l’emprise du Parti sur la société ». Elle dit : « Si la crise ne change pas fondamentalement la donne politique en Chine, elle rappelle l’omniprésence du Parti communiste, renforcée depuis le début de la présidence de Xi Jinping en 2013. C’est une présence à tous les échelons de la société, y compris dans les hôpitaux, les universités, les écoles, les complexes résidentiels… Le PCC compte 90 millions de membres, et continue à recruter - y compris auprès du personnel médical pendant la crise du Covid-19. Le système de contrôle social et politique reste d’influence maoïste »112.
Allons-nous vers la fin de ce que nous appelons « démocratie » ?
C’est davantage cela qui se cache derrière l’émission le « Vrai de l’Info » dans laquelle Jacques Attali répond sur la question de la « Troisième Guerre mondiale »113. Déjà, le 1er février 2020, Jacques Attali annonçait la fin de nos démocraties. Mais que signifie « annoncer la fin de nos démocraties »114 ? Bien que ce ne soit pas l’objet de cet article, nous allons essayer de dresser quelques pistes. À force de dénigrement des mots, nous finissons par engendrer un désenchantement des populations. Et c’est face à ce dernier que les Étatsont perdu leur souveraineté, les différents mouvements sociaux l’ont démontré au fil des années passées. La démocratie politique n’est pas suffisante tant qu’elle ne fonde pas une démocratie économique et sociale, soit une société parfaitement égalitaire : droit au travail, au logement, à la santé… En d’autres termes, nous assistons ici à la fin des démocraties politiques, c’est-dire des démocraties illusoires, car elles ont trop joué sur les inégalités.
Pour reprendre l’impératif de Jacques Attali « nous devons préparer les nouvelles générations ». Cependant, préparer ces nouvelles générations, ce n’est pas simplement les préparer à faire des réserves de nourriture ou de matériels. Ce serait inutile. C’est les préparer à faire mieux que nous, c’est, pour reprendre les termes martiaux à la mode, leur donner des « armes » mentales, en leur donnant les clefs de leur imaginaire, en leur offrant la possibilité de créer une démocratie nouvelle beaucoup plus exigeante que celle dans laquelle nous vivons. Elle aurait comme opérateur central l’égalité.
Pour mémoire, en 2017, était chiffré ce que pourrait rapporter l’égalité de salaire entre les femmes et les hommes115. Inutile de vous rappeler qu’il n’y a pas de démocratie sans aspiration à l’égalité et pas de démocratie sans le respect des formes ou des règles de droit. Au départ, j’avais travaillé sur le modèle d’une démocratie liquide. En relisant et en reliant les différents travaux de Zygmunt Bauman, entre eux, nous voyons bien qu’une « société liquide » pour devenir une « démocratie liquide » se base sur une dimension égalitaire totale. Elle éloigne nécessairement toute disposition mafieuse, elle (re)place chacun au cœur du système.
Chacun peut ainsi décider de son implication dans la société (très, moyennement, ou pas actif). Une démocratie liquide, c’est une organisation à l’écoute de chacun et de tous, elle permet une circulation des créations, des idées, plus facilement. Et n’oublions pas, elle n’a pas un objectif de compétitivité, elle a pour objectif une sorte de plénitude. En d’autres termes, elle se fonde sur une éthique sans concession, une éthique appliquée qui est capable de remettre en cause ses propres fondements en les dépassant, en les élargissant, en donnant de la place à la collaboration. Cependant, en regardant les différents comportements actuels et particulièrement ceux des nouvelles générations, nous devons comprendre que cette « démocratie liquide » est présente, en un sens, sous leurs doigts. Ils passent d’un univers en constante mutation à la rigidité des schémas étatiques qui ne leur correspondent pas.
En d’autres termes, le modèle de « démocratie liquide" doit être poussé encor e plus loin et contenir toutes les potentialités du réel. Nous devons donc pousser les nouvelles générations vers la création d’une démocratie quantique, dans laquelle l’égalité est absolue. Et c’est uniquement dans une collaboration ouverte dans les nations que nous pourrons déverrouiller les imaginaires et construire ces nouveaux modèles économiques, sociaux et environnementaux. Qui dit égalité absolue repose celle fondamentale du lien entre les humains et la nature. Il est donc urgent de dépasser ce China bashing ouvrons la voie à une démocratie quantique.
Notes :
1 Tweet du 17 avril 2020, https://twitter.com/realDonaldTrump/status/1251169987110330372
2 Tweet du 18 avril 2020 au soir, https://twitter.com/realDonaldTrump/status/1251589681428520960
3 Alain Léauthier “des mensonges chinois par milliers”, in Marianne (n°1205 du 17 au 23 avril 2020), p. 18.
4 Voir notamment l’article de Wael Mejrissi sur le blog Médiapart
5 Pierre Conesa (2011), la fabrication de l’ennemi, éd. Robert Laffont - pour ceux qui ne préfèrent écouter la conférence « La fabrication de l'ennemi dans les démocraties » publiée par Institut français de recherche sur le Japon :
https://www.youtube.com/watch?v=cFMHFHP_dwM
6 Nous pouvons prendre comme exemples :le Tweet de Hayki : « #mercilachine un état criminel Un génocidaire des
minorités comme les musulmans chinois et qui part ses négligences en termes de santé publique à provoquer le chaos
et des dégâts énormes chez les plus démunies et les classes moyennes dans le monde par son virus. Plutôt #fuckchina », 18 mars 2020: https://twitter.com/Hayki_/status/1240388450387251205ou encore le Tweet de Virginiee_14 : « encore heureux qu’ils viennent en aide aux autres pays, qu’ils fournissent a ces mêmes pays masques/gants car c’est bien à cause d’eux que le monde entier est dans cette merde #mercilachine », 18 mars 2020: https://twitter.com/virginiee_14/status/1240380471042813954
7 Sonia Bressler « et si on changeait de regard sur la Chine », 20 novembre 2017,https://www.academia.edu/42048015/Et_si_on_changeait_de_regard_sur_la_Chine_.
8 Conesa, la notion de « péril jaune » est une invention de Guillaume II qui soucieux de rattraper le retard sur la colonisation a désigné la Chine comme le pays à coloniser. 8 Pour mesurer l’impact de la mauvaise information sur la Chine, voir ma note sur le décès de Shaoyo Liu (8 avril 2017), http://rebelle.blogspirit.com/archive/2017/04/08/et-si-on-parlait-de-shaoyo-
liu-3090568.html
9 C’est ce que remarque Garry Dargon dans son article du 18 mars 2020 « Coronavirus : comment l’Europe est devenue
l’« épicentre » de la pandémie », Le Monde, https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2020/03/18/engraphiques-comment-l-europe-est-devenue-l-epicentre-de-la-pandemie-de-covid-19_6033558_4355770.html
10https://twitter.com/realDonaldTrump/status/1240234698053431305?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etwe
etembed%7Ctwterm%5E1240234698053431305&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.lapresse.ca%2Finternational%2
Fetats-unis%2F202003%2F18%2F01-5265219-trump-annoncera-une-nouvelle-tres-importante-sur-lecoronavirus.php
11 Voir The Lancet, https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(20)30183-5/fulltext; et Qun Li, M.Med., Xuhua Guan, Ph.D., Peng Wu, « Early Transmission Dynamics in Wuhan, China, of Novel Coronavirus–Infected
Pneumonia », The New England Journal of Medicine, https://www.nejm.org/doi/10.1056/NEJMoa2001316
12 Voir « Vrai ou Fake : Coronavirus : la consommation de chauve-souris à Wuhan est-elle à l'origine de l'épidémie en Chine ? », https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/coronavirus-la-consommation-de-chauve-sourisa-wuhan-est-elle-a-l-origine-de-l-epidemie-comme-l-affirment-plusieurs-videos_3803119.html
13 Comme on peut le voir sur le site du Dailymail, 28 janvier 2020 : https://www.dailymail.co.uk/news/article-
7938207/Chinese-travel-presenter-ate-bat-begs-public-forgiveness-amid-coronavirus-outbreak.html
14 Wei Ji, Wei Wang, Xiaofang Zhao, Junjie Zai, Junjie Zai, « Cross-species transmission of the newly identified coronavirus 2019-nCoV », https://onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.1002/jmv.25682
15 « Le pangolin pourrait être à l’origine de la transmission du coronavirus à l’homme »,
16 Selon le rapport de la Commission de la Santé nationale de Chine, National Health Commission of RPC)
17 Voir notamment l’article intitulé “China confirms human-to-human transmission of new coronavirus” sur le site CBC du
20 janvier 2020 : https://www.cbc.ca/news/health/coronavirus-human-to-human-1.5433187
18 Lei lei et Cao Desheng « Xi urges resolute efforts to contain epidemic », 20 janvier 2020,
https://www.chinadaily.com.cn/a/202001/20/WS5e259030a310128217272521.html
19 Article accessible à l’adresse suivante : https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/transmissionentre-humains-nouvel-an-chinois-pourquoi-le-nouveau-coronavirus-apparu-en-chine-inquiete-le-mondeentier_3793789.html
20 Comme en atteste l’article de Cesar Chelala « Coronavirus a serious health threat » du 22 janvier 2020 dans China
Daily, https://global.chinadaily.com.cn/a/202001/22/WS5e27e1c0a310128217272c78.html
21 Article accessible à l’adresse suivante : https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/01/23/nouveau-virus-enchine-la-ville-de-wuhan-mise-en-quarantaine_6026915_3244.html
22 Voir le communiqué du 22 janvier 2020 disponible, en français, à l’adresse suivante
http://french.china.org.cn/china/txt/2020-01/22/content_75640346.htm
23 Voir notamment l’article de Sébastien Falletti, « Coronavirus: la Chine impose une quarantaine massive pour enrayer
l’épidémie », Le Figaro, 23 janvier 2020, https://www.lefigaro.fr/sciences/coronavirus-la-chine-place-wuhan-enquarantaine-20200123
24 Voir l’article du 23 janvier 2020 de Radio Canada sur les mesures prises pour lutter contre l’épidémie :
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1486752/coronavirus-chine-villes-quarantaine-transports
25 Voir sur ce point l’article de Josephine Ma et de Zhuang Pinghui, du 26 janvier, « 5 million left Wuhan before lockdown,
1,000 new coronavirus cases expected in city », South China Morning Post,
https://www.scmp.com/news/china/society/article/3047720/chinese-premier-li-keqiang-head-coronavirus-crisisteam-outbreak
26 Voir l’article et reportage de LCI du 24 janvier 2020 - https://www.lci.fr/international/coronavirus-a-wuhanepicentre-de-l-epidemie-un-hopital-doit-etre-construit-en-10-jours-2143616.html
27 Voir le lien suivant : https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/01/25/41-morts-en-chine-premiers-cas-enaustralie-et-en-france-l-epidemie-de-coronavirus-s-etend_6027183_3244.html
28 C’est ce que relève le Huffington Post dans un article (daté du 23 janvier) rédigé avec l’AFP -
29 Cf. An Baijie, « China’s confidence, capability will win battle against coronavirus epidemic », 28 janvier 2020 https://global.chinadaily.com.cn/a/202001/28/WS5e3016aaa3101282172737c2.html
30 Le communiqué est accessible en version française à l’adresse suivante : http://french.china.org.cn/china/txt/2020-01/31/content_75661224.htm
32 Voir notamment la chronique de Guillaume Meurice sur France Inter du 10 février 2020 - accessible notamment sur
Youtube à l’adresse suivante : https://youtu.be/KKqvO4VA1sQ
33 Les Échos, 15 décembre 2003, https://www.lesechos.fr/2003/12/halte-au-china-bashing-680303
34 C’est ce que souligne Ken Iwasaki, dans Outre-Terre 2011/4 (n°30), pages 171-172, https://www.cairn.info/revueoutre-terre1-2011-4-page-171.htm?contenu=resume
35 « It's China-bashing time again », 17 octobre 2012, The Washington Post - accessible en ligne à l’adresse suivante :
12e2ee90dcf2_story.html
36 C’est aussi ce que note Le journal La Tribune, en février 2012, que « Le "China-Bashing", une valeur sûre » et ce
particulièrement en période électorale aux États-Unis : https://www.latribune.fr/blogs/election-usa-
2012/20120215trib000683242/le-china-bashing-une-valeur-sure.html
37 Nouriel Roubini « Le pari que la Chine va perdre », Project Syndicate, 14 avril 2011, https://www.projectsyndicate.org/commentary/china-s-bad-growth-bet/french?barrier=accesspaylog#IG6R2zLAkZDFF33F.99
38 Heleen Mees « La Chine à l'origine de la crise », Slate, 29 février 2012, http://www.slate.fr/story/49619/ECONOMIEchine-responsable-crise
39 Article accessible à l’adresse suivante : https://www.la-croix.com/Monde/Asie-et-Oceanie/Virus-Chinetransmission-dhomme-homme-possible-2020-01-20-1201072936
40 Voir le lien suivant http://video.lefigaro.fr/figaro/video/coronavirus-les-chinois-ont-ils-la-bonnemethode/6125952254001/
41 Article accessible selon le lien : https://www.lepoint.fr/monde/chine-a-wuhan-seuls-avec-le-virus-24-01-2020-
2359473_24.php
42 Accessible en ligne à l’adresse suivante : https://www.courrier-picard.fr/id64729/article/2020-01-26/propos-denotre-une-du-26-janvier
43 Interview du 27 janvier 2020, dans le journal 20 Minutes, accessible : https://www.20minutes.fr/artsstars/medias/2704775-20200127-coronavirus-reference-peril-jaune-joue-fantasmes-peurs-selon-chercheurvincent-geisser
44 Article accessible à l’adresse suivante : https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/01/29/marie-holzman-enchine-plus-personne-ne-croit-en-la-parole-officielle_6027694_3232.html
45 Le communiqué de presse de l’Institut Pasteur est disponible sur le site biotech.info :
https://biotechinfo.fr/article/linstitut-pasteur-isole-les-souches-du-coronavirus-2019-ncov-detecte-en-france/ - mais également de façon plus complète sur le site de l’Institut Pasteur :
46 Article accessible à l’adresse suivante : https://www.nouvelobs.com/coronavirus-dewuhan/20200206.OBS24504/le-medecin-chinois-qui-avait-tente-d-alerter-son-pays-sur-le-coronavirus-est-il-mortde-l-epidemie.html
47 Article accessible à l’adresse suivante : https://www.lefigaro.fr/vox/societe/coronavirus-la-chine-est-elle-en-trainde-vivre-son-tchernobyl-20200207
48 Article accessible à l’adresse suivante : https://www.lapresse.ca/debats/editoriaux/202001/30/01-5258966-
coronavirus-le-syndrome-tchernobyl.php /
49 Éditorial dans la République des Pyrénées - https://www.larepubliquedespyrenees.fr/2020/02/07/le-coronavirussera-t-il-le-tchernobyl-de-la-chine,2659795.php
50 À la même date, la RTBF- Classic 21 lance un article intitulé « Et si la crise du coronavirus en Chine était comparable
à l'explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl ? » - https://www.rtbf.be/classic21/article/detail_et-si-la-crise-ducoronavirus-en-chine-etait-comparable-a-l-explosion-de-la-centrale-nucleaire-de-tchernobyl?id=10429476
51 Article & émission accessibles à l’adresse suivante : https://www.franceculture.fr/emissions/le-tour-du-monde-desidees/lepidemie-de-coronavirus-peut-elle-etre-le-tchernobyl-de-xi-jinping
52 Article accessible à l’adresse suivante : https://www.marianne.net/debattons/blogs/jean-marcel-bouguereau/lecoronavirus-sera-t-il-le-tchernobyl-de-la-chine
53 Article accessible à l’adresse suivante : https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/coronavirus-covid-
19-pour-eviter-un-tchernobyl-chinois-pekin-mene-une-guerre-de-l-information-sur-les-reseauxsociaux_3822953.html
54 Sébastien Falletti « Coronavirus: Pékin resserre son contrôle de la population », Le Figaro, 3 février 2020,
55 Laetitia Asgarali Dumont « L’arsenal technologique de la Chine pour lutter contre le coronavirus », Le Figaro, 7 février
56 Laura Andrieu « Coronavirus: la Chine accroît la surveillance de la population », Le Figaro, 14 février 2020,
https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/coronavirus-la-chine-accroit-la-surveillance-de-la-population-20200214
57 En 2011, elle lance son blog « La Petite Banane » (http://lapetitebanane.com/) - Puis lance, 2017, une websérie Ça
reste entre nous - https://www.youtube.com/channel/UCKBkpLXZA6QqxCZnFXZSGGw
58 Voir sa chaine YouTube : https://www.youtube.com/channel/UCTt2AnK--mnRmICnf-CCcrw
59 Voir notamment l’article de Libération de Gurvan Kristanadjaja du 21 janvier 2017, « Pourquoi le racisme antiasiatique est-il sous-estimé en France ? » - accessible en ligne à l’adresse suivante :
60 Voir l’article de Sylvia Zappi « A Paris, manifestation massive de la communauté chinoise contre le « racisme envers
les Asiatiques », Le Monde, 4 septembre 2016 - https://www.lemonde.fr/societe/article/2016/09/04/manifestationa-paris-de-la-communaute-chinoise-contre-le-racisme-envers-les-asiatiques_4992321_3224.html
61 Mathilde Roche « #JeNeSuisPasUnVirus : ils dénoncent les amalgames et le racisme liés au coronavirus », LCI, 27
62 France Info "#JeNeSuisPasUnVirus : la communauté asiatique dénonce une vague de racisme à son encontre »,
https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/jenesuispasunvirus-la-communaute-asiatique-denonce-une-vague-deracisme-a-son-encontre_3804293.html
63 Voir notamment les extraits mis en ligne par Europe1, le 28 janvier 2020, intitulés « "Je ne suis pas un virus" : les
préjugés racistes anti-asiatiques dénoncés sur les réseaux sociaux » - https://www.europe1.fr/societe/je-ne-suis-pasun-virus-les-prejuges-racistes-anti-asiatiques-denonces-sur-les-reseaux-sociaux-3946089
64 French China, le 3 février 2020 « Je ne suis pas un virus » : les Asiatiques de France s’opposent au racisme né de
l’épidémie de coronavirus » - http://french.china.org.cn/china/txt/2020-02/03/content_75667920.htm
65 Cf. Grace Ly, « Ne me demandez plus si le racisme anti-asiatique existe vraiment », Slate, 4 février 2020 -
66 La vidéo est accessible à l’adresse suivante :
https://www.facebook.com/Ina.fr/videos/185636322527966/?v=185636322527966
67 Émission accessible à l’adresse suivante : https://www.mouv.fr/emissions/hashtag-et-apres/jenesuispasunvirus-etapres
68 Benoît Hasse, « Coronavirus : SOS Racisme dénonce la stigmatisation de la communauté asiatique », Le Parisien, 12
février 2020, http://www.leparisien.fr/paris-75/sos-racisme-denonce-la-stigmatisation-de-la-communauteasiatique-12-02-2020-8258547.php
69 Marc Tertre, « Contre tous les racismes: « je ne suis pas un virus! », Médiapart, 13 février 2020,
70 Cette note est accessible en ligne à l’adresse suivante : https://www.bfmtv.com/societe/coronavirus-sos-racismelance-une-campagne-contre-le-racisme-anti-asiatique-1863614.html
71 Article accessible à l’adresse suivante : https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/02/16/coronavirus-le-bilanmondial-depasse-les-1-600-morts-en-chine_6029732_3244.html
72 Priscille Lafitte « « Coronavirus : "Très fort en Chine, l'appel au sacrifice est inaudible en France », France 24, 6 mars
73 Annonce disponible notamment à l’adresse suivante : https://www.tvanouvelles.ca/2020/03/18/la-chine-envoieun-million-de-masques-a-la-france. Et également sur le site du Ministère des Affaires étrangères à l’adresse suivante :
03-20
74 Dominique Moïsi, « Lutte contre l'épidémie : la leçon de civisme de l’Asie », Les Échos, 21 mars 2020,
https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/lutte-contre-lepidemie-la-lecon-de-civisme-de-lasie-1187497
75 Entretien Frédéric Keck réalisé par Juliette Cerf, « Toutes les épidémies sont liées aux grandes phases de la
mondialisation », Télémara, 20 mars 2020, https://www.telerama.fr/idees/toutes-les-epidemies-sont-liees-auxgrandes-phases-de-la-mondialisation,n6618404.php
76 Le Décret intitulé « Décret n° 2020-151 du 20 février 2020 portant autorisation d'un traitement automatisé de
données à caractère personnel dénommé « application mobile de prise de notes » (GendNotes) »,
qmGAJS2oC8ore8PT3y_FW8YxiP5tMOXg6jrBMEd9Xmufu-MMw2SxfvCw
77 Frédéric Lemaitre « Coronavirus : en Chine, la solidarité s’organise sous surveillance »,Le Monde, le 6 mars 2020 -
texte accessible à l’adresse suivante https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/03/06/covid-19-en-chine-lasolidarite-s-organise-sous-surveillance_6032088_3244.html
78 Simone Pieranni « Le Coronavirus change tout : préparez-vous à la nouvelle hégémonie chinoise », Le Grand Continent,
12 mars 2020, https://legrandcontinent.eu/fr/2020/03/12/coronavirus-chine-surveillance/
79 Yingzhi Yang et Julie Zhu « Coronavirus brings China's surveillance state out of the shadows », Reuters, 7 février 2020,
80 Voir « la Chine a franchi un nouveau cap dans la surveillance de masse de sa population »,
https://www.frenchweb.fr/coronavirus-la-chine-a-franchi-un-nouveau-cap-dans-la-surveillance-de-masse-de-sapopulation/396074
81 Catalin Cimpanu « Covid-19 : les citoyens du monde entier suivis à la trace », ZDNET, 20 mars 2020,
https://www.zdnet.fr/actualites/covid-19-les-citoyens-du-monde-entier-suivis-a-la-trace-39901015.htm
82 Comme le relate l’article de Ouest France du 20 mars 2020 « À Nice, un drone diffuse des messages demandant aux
habitants de rentrer chez eux », https://www.ouest-france.fr/sante/virus/coronavirus/video-nice-un-drone-diffusedes-messages-demandant-aux-habitants-de-rentrer-chez-eux-6786945
83 Bénédicte Lutaud « Confinement : à Paris, la police va tester la surveillance par drone »,
20200321
84 Voir notamment l’article de Hugo Jalinière « Le nouveau coronavirus échappé d'un laboratoire : la folle rumeur qui
se propage sur le web », Sciences et Avenir, 18 février 2020 - https://www.sciencesetavenir.fr/sante/le-nouveaucoronavirus-echappe-d-un-laboratoire-la-folle-rumeur-sur-le-web_141612
85 Marc Rameaux « Le COVID-19, révélateur des forces et faiblesses de la Chine », La Tribune, 18 mars 2020,
842606.html
86 Maxime Recoquillé, « Coronavirus : la rumeur infondée de l'implication de la France et d'un laboratoire chinois »,
L’Express, 18 mars 2020, https://www.lexpress.fr/actualite/coronavirus-la-rumeur-infondee-de-l-implication-de-lafrance-et-d-un-laboratoire-chinois_2121270.html
87 Jean-Noël Kapferer, Rumeurs, les plus vieux médias du monde, 2010, éd. Seuil 88 Henri Tracou « Coronavirus. Comment vont évoluer les nouvelles routes de la soie ? », La Croix, 12 février 2020,
1201077803
89 Samir Ayoub et Luc Meunier « Coronavirus : la « peste noire » des nouvelles routes de la soie ? », La Tribune, 26 février
840549.html
90 Le Tweet de Donald Trump est accessible à l’adresse suivante :
https://twitter.com/realDonaldTrump/status/1239685852093169664?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweet
embed%7Ctwterm%5E1239685852093169664&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.francetvinfo.fr%2Fsante%2Fmala
die%2Fcoronavirus%2Fvirus-chinois-rumeurs-abracadabrantes-passe-d-armes-entre-pekin-et-washington-autourdu-coronavirus_3871553.html
91 « ‘Virus chinois’, ‘rumeurs abracadabrantes’ : passe d'armes entre Pékin et Washington autour du coronavirus »,
France Info, 17 mars 2020, https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/virus-chinois-rumeursabracadabrantes-passe-d-armes-entre-pekin-et-washington-autour-du-coronavirus_3871553.html
92 Alexandre Devecchio « Coronavirus: «Pourquoi les pays européens sont devenus l’épicentre de la crise sanitaire et
économique », Le Figaro, 19 mars 2020, https://www.lefigaro.fr/vox/economie/coronavirus-pourquoi-les-payseuropeens-sont-devenus-l-epicentre-de-la-crise-sanitaire-et-economique-20200319
93 Nicolas Coisplet « États-Unis. “Virus chinois”, “kung-flu” : pour Trump, tout est la faute de Pékin », Le Courrier
international, 19 mars 2020, https://www.courrierinternational.com/article/etats-unis-virus-chinois-kung-flu-pourtrump-tout-est-la-faute-de-pekin
94 Cf. Carl Schmidt, Théologie politique I, p. 16
95 Ibid.
96 Article accessible à l’adresse suivante : https://www.conseil-constitutionnel.fr/le-bloc-de-constitutionnalite/texteintegral-de-la-constitution-du-4-octobre-1958-en-vigueur
97 Voir « Quel pouvoir donne l'article 16 de la Constitution au Président de la République ? », https://www.conseilconstitutionnel.fr/la-constitution/quel-pouvoir-donne-l-article-16-de-la-constitution-au-president-de-la-republique
98 C’est le cas, par exemples,
- de David Revault d’Allonnes « Coronavirus : l'Elysée envisage maintenant le report des municipales », JDD, 12 mars
- ou de Michel Taube « L’Elysée a-t-il envisagé le recours à l’article 16 de la Constitution contre le coronavirus ? »,
L’Opinion Internationale, 13 mars 2020, https://www.opinion-internationale.com/2020/03/13/declencher-larticle-
16-de-la-constitution-contre-le-coronavirus-hors-de-question-ledito-de-michel-taube_71659.html
99 Cf. Carl Schmidt, Théologie politique I, p. 22
100 Voir notamment l’article de Isabelle Ficek « Coronavirus : une loi d'urgence fourre-tout pour faire face à l’épidémie
», Les Échos, 18 mars 2020, https://www.lesechos.fr/politique-societe/gouvernement/coronavirus-ce-que-contient-leprojet-de-loi-durgence-pour-faire-face-a-lepidemie-1186554
101 Étienne Girard « C'est confirmé : la loi "urgence coronavirus" va revenir sur les droits aux congés, les 35 heures... et
sans date limite », Marianne, 20 mars 2020, https://www.marianne.net/societe/c-est-confirme-la-loi-urgencecoronavirus-va-revenir-sur-les-droits-aux-conges-les-35-heures
102 Voir notamment l’article de Thierry Dupuy « Montauban. C’est la guerre des masques », La Dépêche du Midi, 21 mars
2020, https://www.ladepeche.fr/2020/03/21/cest-la-guerre-des-masques,8812210.php
103 Cf. Loan Tranthimy « Les médecins libéraux face au Covid-19 : pas de masques FFP2, mais des IJ sans délai de
carence… », Le Quotidien du Médecin, 3 Mars 2020, https://www.lequotidiendumedecin.fr/liberal/assurancemaladie/les-medecins-liberaux-face-au-covid-19-pas-de-masques-ffp2-mais-des-ij-sans-delai-de-carence
104 Voir Cédric Mathiot et Fabien Leboucq « Covid-19 : y a-t-il une pénurie de masques de protection pour les
professionnels de santé ? », Libération, 27 février 2020, https://www.liberation.fr/checknews/2020/02/27/covid-19-
y-a-t-il-une-penurie-de-masques-de-protection_1779861
105 Thomas Wieder, Jérôme Gautheret et Virginie Malingre « Covid-19 : la discrète bataille des masques entre la France,
l’Allemagne et l’Italie », Le Monde, 14 mars 2020, https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/03/14/covid-19-
la-discrete-bataille-des-masques-entre-la-france-l-allemagne-et-l-italie_6033075_3234.html
106 Voir la vidéo qu’elle a adressée sur Twitter, le 15 mars 2020,
https://twitter.com/vonderleyen/status/1239212769494347776
107 Emmanuel Berretta « Coronavirus : Bruxelles, arbitre de la guerre des masques », Le Point, 16 mars 2020,
03-2020-2367310_1897.php
108 Jean-Marc Petit « Coronavirus : des usines s’adaptent à «l’effort de guerre» pour fabriquer gel et masques », La Voix
du Nord, 18 mars 2020, https://www.lavoixdunord.fr/728347/article/2020-03-18/quand-des-usines-s-adaptent-leffort-de-guerre-pour-fabriquer-gel-et-masques
109 Voir notamment l’article du Nouvel Obs du 18 mars 2020, https://www.nouvelobs.com/coronavirus-dewuhan/20200318.OBS26247/la-chine-envoie-un-million-de-masques-a-la-france-un-mois-apres-l-aide-francaise-awuhan.html
110 Sébastien Falletti, « La Chine actionne la diplomatie du masque », Le Figaro, 19 mars 2020,
https://www.lefigaro.fr/international/la-chine-actionne-la-diplomatie-du-masque-20200319
111 Jacques Attali, émission « L’info du Vrai », sur Canal +, le 20 mars 2020, à environ 31 minutes,
https://www.canalplus.com/actualites/l-info-du-vrai/h/8941519_50001
108 Jean-Marc Petit « Coronavirus : des usines s’adaptent à «l’effort de guerre» pour fabriquer gel et masques », La Voix
du Nord, 18 mars 2020, https://www.lavoixdunord.fr/728347/article/2020-03-18/quand-des-usines-s-adaptent-leffort-de-guerre-pour-fabriquer-gel-et-masques
109 Voir notamment l’article du Nouvel Obs du 18 mars 2020, https://www.nouvelobs.com/coronavirus-dewuhan/20200318.OBS26247/la-chine-envoie-un-million-de-masques-a-la-france-un-mois-apres-l-aide-francaise-awuhan.html
110 Sébastien Falletti, « La Chine actionne la diplomatie du masque », Le Figaro, 19 mars 2020,
https://www.lefigaro.fr/international/la-chine-actionne-la-diplomatie-du-masque-20200319
111 Jacques Attali, émission « L’info du Vrai », sur Canal +, le 20 mars 2020, à environ 31 minutes,
https://www.canalplus.com/actualites/l-info-du-vrai/h/8941519_50001
112 Patrick Saint-Paul, interview de Alice Ekman, Le Figaro, 17 mars 2020, https://www.lefigaro.fr/international/enchine-la-crise-du-covid-19-a-renforce-l-emprise-du-parti-sur-la-societe-20200317
113 Ibid.
114 Cédric Chasseur « Pour Jacques Attali, les démocraties risquent de disparaître dans les années 2020 », Europe 1, 1er
février 2020, https://www.europe1.fr/politique/pour-jacques-attali-le-risque-de-voir-disparaitre-les-democratiesdans-la-prochaine-decennie-existe-3946889
115 Voir notamment Marianne Rey « L'égalité salariale homme-femme rapporterait 62 milliards d'euros à l’économie »,
L’Express, 3 novembre 2017, https://lentreprise.lexpress.fr/rh-management/remuneration-salaire/l-egalite-salarialehomme-femme-rapporterait-62-milliards-d-euros-a-l-economie_1956631.html
Article paru dans : ASIA FOCUS #138 PROGRAMME ASIE AVRIL 2020
Sous la direction de Barthélémy COURMONT, directeur de recherche à l’IRIS, maître de conférence à l’Université catholique de Lille
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