Dans l’Himalaya, les plantes poussent toujours plus haut
par Loïc Chauveau, le 17 janvier 2020
Un examen attentif de 30 ans d’images satellitaires de la chaîne de l’Himalaya révèle un accroissement de la végétation jusqu’à 6.000 mètres d'altitude. L’impact de ce phénomène sur le cycle de l’eau reste inconnu.
Silence, ça pousse ! Des buissons, des plantes à fleurs, des lichens et des mousses : les hautes altitudes de l'Himalaya se verdissent sans qu'on s'en rende compte. Jusqu'ici, les chercheurs s'étaient intéressés à la fonte des glaciers et de l'étage neigeux. On sait ainsi depuis une étude de juin 2019 parue dans Science Advances que les pertes de glace tout au long de la chaîne ont doublé entre 2000 et 2016. Mais que se passe-t-il en dessous, entre la limite des arbres autour de 4100 m d'altitude et le couvert glacé des sommets ? Une équipe de l'Université d'Exeter (Royaume-Uni) vient de répondre à cette question dans Global Change Biology.
C’est entre 5.000 et 5.500 mètres d’altitude que les végétaux ont le plus colonisé les terres
Pour déterminer les changements à cette altitude, les chercheurs ont utilisé un outil simple et accessible à tout le monde : Google Earth. La comparaison de ces images avec le suivi des satellites Landsat de la Nasa depuis 1993 a permis de déterminer l'accroissement du couvert végétal à cette altitude. Comme l'Himalaya est long de 3.000 kilomètres entre l'Afghanistan et la Chine et que l'espace étudié représente donc des milliers de km², les chercheurs l'ont "saucissonné" en huit étages. C'est ainsi qu'ils ont pu déterminer que c'est entre 5.000 et 5.500 mètres d'altitude que les végétaux ont le plus colonisé les terres, soit bien au-dessus du plus haut sommet européen, le mont Blanc (4808 m). Le huitième étage entre 5.500 mètres et les glaces à 6.000 mètres est considéré comme la limite extrême de température qui au-delà empêche les plantes de pousser. Les écologues vont devoir désormais lancer des inventaires pour connaître les espèces qui arrivent à grimper ainsi en altitude.
Un impact inconnu sur le cycle de l'eau
Ce travail ne s'intéresse pas aux causes de cette expansion végétale, mais la hausse des températures induites par le changement climatique est fortement suspectée. Cette augmentation de la biomasse à haute altitude mérite en tout cas d'être mesurée et surveillée de près. “La neige tombe et fond selon les saisons, et il est important de mesurer et de comprendre les bilans en glace, explique Karen Anderson, chercheuse à l'Institut de l'environnement et du développement durable de l'université d'Exeter. Mais nous ne connaissons rien de l'impact de l'accroissement de la végétation à cette altitude sur le cycle de l'eau qui est vital pour une grande partie de l'Asie.”
L'Himalaya est en effet le “château d'eau” de l'Asie. Le massif alimente les dix plus grands fleuves de ce continent. Tout changement affecte la disponibilité en eau des populations. Or, les végétaux captent une partie de cette ressource pour la restituer à l'atmosphère par évapotranspiration et maintiennent l'humidité des sols. Ils réduisent par ailleurs l'érosion des montagnes. On ne sait pas aujourd'hui si ce rôle est positif ou négatif alors que la hausse des températures ne peut induire qu'une augmentation de la biomasse à ces hautes altitudes.
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