L’exceptionnalisme chinois du Covid, une opinion

par Pierre Sterckx, le 1 novembre 2020

La Chine a largement utilisé le recours à sa médecine traditionnelle dans le traitement du Covid, on parle de 90 % des cas hospitalisés. Le pays attribue son taux de guérison exceptionnel à cette approche médicale. Soyons clair d’emblée : en Chine, le Covid n’a pas été uniquement traité et guéri avec la médecine chinoise. On y combinait systématiquement les médicaments de la médecine biomédicale et les différentes thérapeutiques traditionnelles comme la phytothérapie, l’acupuncture et la moxibustion, le tuina, la diététique, le qigong, sans oublier la politique de confinement strict appliquée régionalement selon le taux d’infection, tout comme une ample organisation de dépistage au niveau national.

 

Dans les média occidentaux, on entend un autre son de cloche. Sur le site de Franceinfo du 4 avril 2020, on peut lire : « Dire que ces produits sont efficaces contre le Covid-19, c’est faux scientifiquement. Les remèdes chinois peuvent soulager, mais pas guérir ». Dans "Le Temps" (périodique Suisse) du 19 mars 2020, l'approche est plus nuancée. Il y a d’abord cette citation : « Christl Donnelly, professeure d’épidémiologie statistique à l’Imperial College à Londres, rappelle qu’on ne peut pas tirer de conclusions à partir de cas individuels. Ce n’est pas comme cela qu’on fait des essais cliniques. Pourquoi? Parce que ces gens auraient très bien pu se remettre sans traitement. […] Il y a des essais cliniques qui sont en cours, mais ils prennent du temps.»

Cette opinion soi-disant scientifique est contrebalancée par un autre avis, celui de Bridie Andrews, historienne à l’Université Harvard et auteure de "The Making of Modern Chinese Medicine" (University of British Columbia Press, 2014) : « Bien gérer les symptômes et soutenir une bonne réaction immunitaire sont les seules choses que nous pouvons faire face à une grippe violente, et les traitements chinois excellent dans ce domaine. Quant aux critiques occidentales, elle prouve la tendance de certains Occidentaux à rejeter tout traitement traditionnel en expliquant qu’il s’agit de superstition nationaliste, ce qui est symptomatique de l’énorme arrogance de la tradition médicale occidentale. »

Face à cette "guéguerre des opinions", rien ne vaut une bonne comparaison des chiffres. Voyons un petit tableau comparatif de cinq pays qui servent d'exemples reprenant les chiffres de la population totale, le nombre et le pourcentage de cas infectés par le Covid, les guérisons et les décès.

 

Pays

population

Nombre d'infections

%infections/population

Nombre de guérisons

% guérisons/infections

Nbre décès

%décès/population

Chine

1441800000

91323

0,01

86037

94,87

4 634

0,00032

USA

332639000

9126361

2,70

2999895

32,61

230495

0,07

France

67064000

1364625

2,03

117658

8,60

36788

0,05

Belgique

11455519

423837

4,80

19895

4,70

11625

0,10

Suisse

8829958

153728

1,74

65200

42,42

2037

0,02

 

Ne cherchons pas l’exactitude mathématique dans ces chiffres, les méthodes de calcul du nombre d’infections étant différentes suivant le pays. Il reste néanmoins les grandes tendances qui, elles, sont parlantes.

Il m’intéresse de regarder ces chiffres en termes de la sécurité sanitaire de chaque pays, celle-ci étant à mon avis un paramètre important de son bien-être. Nos pays occidentaux sont très fiers de leur système médical et pharmaceutique. Nous aurions les meilleurs médecins, les meilleurs hôpitaux, les meilleurs médicaments, etc. Nous croyons donc que nous sommes au sommet de la hiérarchie médicale mondiale, grâce à notre système libéral et démocratique. Nous méprisons royalement la médecine traditionnelle chinoise, reléguée à un petit poste de techniques alternatives à peine autorisées et juste bonnes pour ceux qui y croient. Par rapport à toute cette grandeur, la Chine serait tout le contraire.

Au vu de ce tableau, c’est certainement vrai, sauf qu’il faudrait inverser les valeurs. "C’est au pied du mur qu’on reconnaît le maçon" et cette crise du Covid fait figure de "grande muraille". À ce moment-même où nos pays occidentaux ploient sous la deuxième vague, où on reconfine, on masque, on ferme, on isole et où on fait faillite, la Chine retrouve son niveau économique d’avant la crise, le peuple y a retrouvé sa liberté de sortir, de circuler, de faire la fête. On a abandonné les masques. Le "capital bien-être" y éclate, alors que nous sommes mis sous cloche.

La Chine a soumis le Covid, et vite! Au prix d’un effort considérable. Grande spécialiste des épidémies, elle a su prendre des mesures courageuses au point de vue politique et efficaces au point de vue médical. Septante-six jours de confinement strict, ce n’est pas rien. Intégrer un système médical traditionnel dans le traitement d’une maladie virale moderne, fait preuve d’un pragmatisme sans faille. Cela a payé.

 

 

Je ne m’attarderai pas sur l’analyse des chiffres de ce tableau. C’est clair comme de l’eau de roche. Ce qui m’intéresse est de savoir qu’on attribue le succès médical dans le traitement du Covid au recours à la médecine traditionnelle. Il ne faut pas en tirer la conclusion que la médecine chinoise guérit le Covid. Simplement en ayant recours à elle, en la combinant avec la médecine biomédicale, on soigne et on guérit mieux, beaucoup mieux et … on meurt beaucoup moins. La médecine chinoise est en effet intervenue dans le traitement de plus de 90 % des cas en milieu hospitalier. Sans agir directement sur le virus, elle conditionne les réactions pathologiques à la maladie : le patient souffre moins grâce au contrôle des symptômes et ses mécanismes immunitaires sont grandement stimulés.

C’est là le cœur du problème. L’Occident n’a pas de médicament pour guérir le Covid. Les chiffres et les taux de guérison sont parlants. Où est le problème ? C’est que dans la médecine scientifique, il faut un moyen pour tuer la maladie et quand on ne l’a pas, on est perdu. La médecine chinoise n’a pas de médicament non plus pour éliminer le virus. Mais elle a une médecine qui traite le patient, qui soutient son système pour lutter contre l’infection. Voilà la belle contradiction entre Occident et Orient : d’un côté tuer la maladie pour guérir le parient, de l’autre côté soigner le patient pour éliminer la maladie. Cette crise du Covid démontre amplement quelle est la meilleure approche, certainement dans l’urgence que nous connaissons.

 

 

La Chine n’a pas lésiné sur les moyens mis en œuvre. Tout d’abord il y avait la recherche médicale. Dès le début des équipes d’épidémiologistes de la MTC ont été mises au travail pour déterminer les mécanismes du Covid et développer des protocoles de traitement adaptés. Au point de vue du public, on en a vu les premiers résultats quand le Ministère de la Médecine Chinoise a publié la liste de six médicaments à base d’herbes en vente libre, permettant de traiter les premiers symptômes légers à domicile et éviter ainsi une aggravation nécessitant une hospitalisation. On ne connaît pas l’impact statistique de cette approche, (certains parlent d’un demi-million de vies sauvées), mais on peut s’attendre à ce que cela ait évité de nombreuses hospitalisations. Pour les cas nécessitant un traitement médical, des protocoles détaillés ont été mis au point pour la phytothérapie et l’acupuncture en milieu hospitalier, adaptés et différenciés pour les différentes étapes de la maladie et ses variations.

Ainsi la Chine a appliqué la maxime de Mao Zedong : « La médecine traditionelle chinoise est une grande chambre au trésor, qui doit être mise au service du peuple ». Et c’est ce qui a été fait. Mais manifestement le monde occidental ne veut pas de ces valeurs pour des raisons qui n’ont rien à voir avec une quelconque éthique médicale universelle. Ou peut-être est-ce parce qu’ils n’aiment pas Mao. Que faire ? Pour ma part j’écoute Voltaire et je cultive mon jardin, en continuant à traiter mes patients suivant les principes de cette grande médecine.

 

Information : https://www.guangming.ch/CMC.htm