Reforestation et déforestation en Chine

par Elisabeth Martens, le 3 juillet 2023

Après des décennies de croissance effrénée responsable de la destruction d'écosystèmes majeurs, la République populaire de Chine s'est engagée à créer des barrières de sécurité écologiques et à préserver de l'empreinte humaine jusqu'à un quart de la superficie totale de son territoire.

 

 

Dans le cadre de la lutte contre le changement climatique et de la protection des habitats naturels, la Chine compte planter l'équivalent de 36 000 kilomètres carrés de nouvelles forêts par an – soit plus que la superficie totale de la Belgique – d'ici 2025. La Chine espère ainsi accroître son taux de couverture forestière global à 24,1 % d'ici la fin de l'année 2025, contre 23,04 % rapportés en fin d'année dernière, d'après son plan quinquennal sur les forêts et les prairies paru en août 2021.

Depuis des décennies, la plantation d'arbres est au cœur des efforts environnementaux de la Chine, elle est le premier pays au monde pour l'ampleur du reboisement artificiel, une superficie de plantation qui continue de s'étendre. En 1999, participant à la conférence de Bonn sur le changement climatique, la Chine s’est engagée à favoriser le reboisement, notamment en transformant des terres agricoles en forêts, dans le cadre d’un programme baptisé en anglais « Grain for Green ». Avec succès : de 1990 à 2020, la
couverture forestière est passée de 157 millions à 220 millions d’hectares.

La reforestation du territoire constitue un élément majeur de l'objectif du PCC visant à réduire les émissions de carbone à zéro d'ici 2060. En ce printemps 2023, le président chinois, Xi Jinping, a participé à une activité bénévole de plantation d'arbres à Beijing louant la capacité des forêts à conserver l'eau, à créer des profits économiques, à augmenter la production céréalière et à servir des puits de carbone. Il a appelé à déployer davantage d'efforts de reboisement afin d'écrire un nouveau chapitre dans la construction d'une "civilisation écologique". Il a demandé à toutes les régions et à tous les départements de lancer des campagnes bénévoles de plantation d'arbres en fonction des conditions locales.

"D'ici 2025, le pays étendra son réseau de parcs nationaux, créera des corridors écologiques pour réduire la fragmentation de l'habitat et réprimera davantage le commerce illégal d'espèces sauvages", a déclaré Chen Jiawen, responsable de la rédaction du nouveau plan de reforestation. Selon le document, la stratégie de la Chine reposera en partie sur un reboisement diversifié : une proportion appropriée de différentes espèces d'arbres sera plantée conformément aux chaînes biologiques et écologiques de l'environnement local.

« D'ici 2035, la qualité et la stabilité des écosystèmes forestiers nationaux, des prairies, des zones humides et des déserts se seront considérablement améliorées. », a déclaré Li Chunliang, vice-président de l'Administration nationale des forêts et des prairies.

Le groupe d'études de marché Comparethemarket.com a quant à lui souligné que la ville de Pékin devrait à elle seule planter plus de 15 millions d'arbres par an afin de compenser ses émissions annuelles. Singapour et Hong Kong devraient pour leur part planter plus de 9 millions d'arbres chacun tous les ans, et Londres un peu plus de 4 millions, selon le groupe d'études.

Le président chinois Xi Jinping dans un champ de blé, lors d’un déplacement dans la province du Hebei (Chine), le 11 mai 2023. XINHUA/YAN YAN/EPA/MAXPPP
Le président chinois Xi Jinping dans un champ de blé, lors d’un déplacement dans la province du Hebei (Chine), le 11 mai 2023. XINHUA/YAN YAN/EPA/MAXPPP

Par contre, dans certaines régions de la Chine, Pékin adopte une politique autoritaire de déboisement afin de développer la production de blé, de maïs et de riz. De nouveaux espaces arrables sont réquisitonnés au détriment du couvert forestier, des espaces verts et des productions fruitières. Au nord-ouest de Chendu, capitale du Sichuan, une partie du joli parc urbain « des deux rivières » qui jouxte un terrain de golf et des villas cossues est sens dessus dessous. « Retour à l’état agricole », lit-on sur un panneau. « L’Etat a besoin de terres pour l’alimentation ». Alors que le pays assurait plus de 93 % de ses besoins alimentaires au début du siècle, il n’en produit plus que 65 %.

De plus, si la Chine s’est engagée dans limitation de la déforestation sur son propre territoire, elle tend à "externaliser" la déforestation et donc son bilan carbone: Pékin est un grand importateur de bois en général et de bois tropical en particulier. La Malaisie et l’Indonésie sont les premières concernées mais la Papouasie-Nouvelle-Guinée est également touchée au cœur de la forêt tropicale mais également au cœur de la forêt primaire.

Mais l'appétit de la Chine pour le bois ne se limite pas aux pays voisins, il touche également nos forêts wallones à tel point que les rares scieries wallonnes qui travaillent le chêne n’arrivent plus à s’approvisionner. Le secteur forestier wallon est inquiet et demande des mesures de protection face à la concurrence chinoise qui s’est immiscée au cœur de nos forêts. "C’est un marché mondial, confie un négociant en bois. Ils ont besoin d’énormément de matière première, que ce soit pour n’importe quoi. Le bois en fait partie. Et ils mettent un prix supérieur aux scieurs pour l’instant."

Il reste 70 scieurs en Wallonie, seuls 20 transforment encore le chêne. "Nos pays voisins, la France notamment protège ses scieries, en réservant des bois pour elles. L’Allemagne ne vend que le surplus. La Russie vient d’interdire l’exportation de grumes sur la Chine. On demande qu’on fasse quelque chose aussi en Wallonie", explique le patron d'une scierie et membre de la Confédération du bois. Il y a bien un système de protection, les propriétaires publics peuvent réserver du bois aux scieries à bon prix. "Ce dispositif existe déjà et peut être activé par les communes pour soutenir les producteurs de bois wallons, assure Céline Tellier, ministre wallonne en charge des forêts (Ecolo). Mais nous discutons avec le ministre de l’Économie pour voir si on doit aller plus loin en matière réglementaire."

 

 Sources :

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1818236/chine-intensifier-campagne-reforestation

http://french.news.cn/20230405/6f10c27238c74206890b440135d8941b/c.html?fbclid=IwAR35BuGcMZLA1xES0zZh_n7olh6UcHGmSt23khbQFy0ajlnN2DnN6jRcfXw

https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/06/27/la-chine-impose-le-deboisement-pour-ses-besoins-agricoles_6179347_3244.html

 

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-cartes-en-mouvement/quand-la-chine-deboise-la-foret-tropicale-8650732

 

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-cartes-en-mouvement/quand-la-chine-deboise-la-foret-tropicale-8650732

 

https://www.rtl.be/actu/la-chine-met-le-prix-fort-pour-le-bois-wallon-et-menace-nos-scieries-si-narrive/2021-10-16/article/425862