Le parc industriel agroalimentaire de Shenzhen-Kashi

par Élisabeth Martens, le 23 octobre 2024

La Chine développe un nombre croissant de parcs industriels agroalimentaires. En 2021, elle comptait déjà plus de 100 parcs de ce type, mais ce nombre continue d'augmenter avec les initiatives du gouvernement et les investissements dans l'agriculture numérique. Ces parcs intègrent des technologies comme l'IA, l'IdO (Internet des objets) et des systèmes de gestion avancés pour améliorer l'efficacité et favoriser l'agriculture durable, c'est-à-dire une agriculture qui vise à réduire l'impact environnemental, protège la biodiversité, et préserve l'eau et les sols. Durant notre périple au Xinjiang à la fin du mois de septembre 2024, nous avons eu l'occasion de visiter le parc industriel agricole de Shenzhen-Kashi.

 

Dès le hall d'entrée, une vidéo de présentation du parc industriel agroalimentaire de Shenzhen-Kashi nous accueille. « Une agriculture forte est le fondement d'un pays socialiste puissant et moderne. La modernisation de l'agriculture est une condition indispensable pour un développement de haute qualité », dit le président Xi Jinping en ouverture de la vidéo.

En 2021, un parc industriel pour le développement d'une agriculture moderne a été construit dans le comté de Shache à Kashgar (ou Kashi). Placé sous la direction du PCC et du gouvernement de Kashgar, il est soutenu par la ville de Shenzhen. L'ensemble du parc industriel agroalimentaire de Shenzhen-Kashi couvre une surface de 2054 ha. Occupant une terre particulièrement aride en bordure du désert de Taklamakan, ses 1180 serres photovoltaïques et 1971 tunnels de cultures hydroponiques profitent des riches ressources lumineuses de la région de Kashi (ou Kashgar) pour un production continue de légumes, de fruits et de fleurs. Le parc compte également 70 hangars d'élevage et 20 enclos pour des volailles et un laboratoire de recherche génomique des semences et de gestion des semences. Une coopérative agricole s'occupe de la production. Un centre de 10.000 m² expérimente la chaîne du froid des produits alimentaires et gère la logistique d'emballage et de transport des produits finis. Il est prévu d'ajouter au parc 500 ha pour l'étude et l'expérimentation des techniques traditionnelles d'agriculture locale.

 

Photos aériennes du parc industriel agricole de Shenzhen-Kashi (sur vidéo)
Photos aériennes du parc industriel agricole de Shenzhen-Kashi (sur vidéo)

Plusieurs acteurs de terrain ont apporté leur soutien au projet : la ville de Shenzhen, l'institut agronomique de Kashi, l'Académie des sciences et technologies de Chine et l'université de Kashi. La multinationale Tencent a investi 48 millions de yuans dans la construction des infrastructures et dans le développement de l'IA appliquée à la gestion numérique des cultures hydroponiques et des serres photovoltaïques. D'autres entreprises de Beijing, du Shandong et du Shanxi ont également investi dans le parc.

Le parc industriel éco-agronomique de Shenzhen-Kashi a les capacités de développer une agriculture verte à haute efficacité tout en tenant compte d'un environnement spécifique, caractérisé par des longues périodes d'exposition à la lumière, des grands écarts de températures diurnes et nocturnes, seulement 220 jours par an sans gel, des températures excessives en été allant parfois jusque 50° Celsius.

dans le labo de recherche en hydroponie
dans le labo de recherche en hydroponie

Le parc de Shenzhen-Kashi deviendra un parc pilote des innovations technologiques en sciences agricoles réunissant les technologies vertes de toute la chaîne de production, depuis la semence de la plante jusqu'à l'assiette du consommateur. Cinq équipes scientifiques y travaillent déjà, entre autres, une équipe de sélection génomique de fleurs et de fruits, et une équipe pour l'étude des cultures en hydroponie, c'est-à-dire la culture de plantes réalisée sur un substrat inerte et neutre (sable, billes d'argile, laine de roche, etc.) où le substrat est irrigué par un courant de solution qui apporte les sels minéraux et les nutriments essentiels à la plante. C'est une technique alternative de culture des végétaux qui peut être mise en place dans des exploitations agricoles de toutes tailles, en zone rurale ou urbaine. La numérisation de ce nouveau type d'’agriculture recèle un potentiel considérable pour améliorer l’efficience, l’efficacité, la durabilité et la compétitivité dans l’ensemble du secteur.

Le parc a déjà accueilli 12 startups chinoises de sciences et technologies agricoles. Une dynamique nouvelle entre technologies et ingénierie est mise en œuvre pour développer une industrie agroalimentaire moderne avec un recyclage écologique et industrialisé. Par exemple, la croissance des plantes est favorisée par un système de récupération du dioxyde de carbone et de l'azote, avec transport vers les serres. Le projet applique de manière globale des technologies avancées telles que le système de conservation de la chaleur, le système de ventilation et d'ombrage, le système d'approvisionnement en eau et de drainage. Le contrôle des normes se fait de manière numérique par l'IA et l'IDO (ou Internet des objets).

Chaque serre est munie d'un centre de contrôle numérique
Chaque serre est munie d'un centre de contrôle numérique

« L'IDO permet d'automatiser des processus, de surveiller des systèmes en temps réel et d'optimiser l'utilisation des ressources. Il facilite la création de systèmes plus intelligents et connectés. Par exemple, dans chaque serre de notre parc, des capteurs IDO surveillent l'humidité du sol et la température, permettant ainsi de prendre des décisions sur l'irrigation ou la fertilisation et de les appliquer à distance », nous explique un des ingénieurs responsables des smart-serres. « Grâce à la technologie numérique, le complexe utilise de manière efficace les avantages géographiques particuliers du Xinjiang pour cultiver des tomates d'un rouge vif, parfaitement formées, avec une acidité et une douceur équilibrées et un goût délicieux. » Il cueille quelques fruits pour nous les faire goûter en précisant que l'hydroponie n'altère en rien la qualité des récoltes. Certains tests ont même montré que les consommateurs se dirigent plus volontiers vers les produits cultivés en hydroponie.

 

« La gestion numérique de l'ensemble du processus de production agricole a permis de réduire les coûts de plus de 40% par rapport aux méthodes d'agriculture traditionnelles en champ ouvert. Le rendement annuel est multiplié de 5 à 6 fois et utilise seulement 1/20 de la quantité d'eau d'irrigation traditionnelle, ce qui rend la culture plus respectueuse de l'environnement », ajoute l'ingénieur. « La production en serre adopte une irrigation intégrée avec de l'eau et des engrais, et une irrigation précise est effectuée en fonction des conditions météorologiques et de la croissance des plantes. Des échantillons d'eau fertilisée sont régulièrement envoyés pour tests, et la composition de la solution nutritive est ajustée en fonction des résultats des tests pour garantir que les plantes poussent dans un environnement et des conditions nutritionnelles optimales. »

un ingénieur responsable des serres numériques
un ingénieur responsable des serres numériques

 

Le parc a ouvert un institut de formation de jeunes techniciens agricoles en vue de les embaucher à long terme et invite régulièrement des experts et des universitaires pour venir expliquer aux agriculteurs locaux les nouvelles méthodes de culture, de soins vétérinaires et de serriculture combinée à l'IA.

De cette manière, le parc industriel agroalimentaire intègre les villageois. Certains trouvent un emploi à proximité de chez eux et augmentent leurs revenus annuels : plus de 1000 employés fixes ont été engagés et plus de 3000 saisonniers le sont pendant les récoltes. D'autres ont investi dans la coopérative agricole du parc et deviennent des acteurs dynamiques du projet. Ils ont vu leurs techniques s’améliorer, leurs revenus augmenter et, en plus, ils ont perçu des dividendes annuels. Cela engendre l'effet « boule de neige » et de plus en plus de villageois s'impliquent dans les activités du parc. Ils commencent à investir, viennent se former aux nouvelles techniques ou viennent travailler dans les serres ou dans les élevages.