Une climatisation à énergie hydraulique pour le grand théâtre de Chongqing
par Élisabeth Martens, le 14 avril 2018
Un théâtre qui ressemble à la maquette d'un bateau géant se penche sur la métropole chinoise de Chongqing, au confluent des fleuves Jialing et Yangtze. Le cabinet allemand Gmp qui en a dessiné la structure imposante en verre voulait qu'il ne soit pas seulement un point de référence urbain, mais aussi un lieu symbolique où les habitants peuvent se retrouver.
Chongqing est l'une des villes les plus remarquables et les plus dynamiques de la Chine, c'est une mégapole qui résume tout ce qui se passe en Chine actuellement: une croissance très rapide, une population urbaine qui s'enrichit à vue d’œil et qui veut profiter d'un mode vie occidentale et un flux continu de gens qui viennent de la campagne. Chongqing est un concentré de gratte-ciel où le progrès se mesure au rythme des démolitions et des nouvelles constructions. Avec son augmentation affolante du trafic urbain et ses tonnes de problèmes environnementaux, les autorités se sont décidées à faire le ménage.
Située en plein cœur de la Chine, à deux heures et demi en avion de Shanghai, Chongqing compte 32 millions d'habitants; c'est l'une des plus grandes villes du monde, une mégapole qui a la taille d'un pays.
Le maire de la ville sent peser le poids d'une nation sur ses épaules: "la pression sur les ressources comme l'air et l'eau signifie qu'il y a des problèmes de pollution gigantesques. L'immense population à laquelle s'ajoutent les besoins de l'industrie et du commerce rendent difficiles les économies d'énergie et la réduction des rejets polluants. Mais même si ces défis sont énormes, je sais que nous pouvons être à la hauteur."
Le groupe américain NRDC (Conseil de défense des ressources naturelles, une ONG) est représenté à Chongqing et dans d'autres agglomérations chinoises par Barbara Finamore. Elle travaille depuis plus de 15 ans sur les questions environnementales en Chine et en tant qu'experte dans la lutte contre le changement climatique, elle connaît l'ampleur de la tâche qui attend le pays.
"En 1997, il n'y avait pas du tout de voitures ici", raconte-t-elle, "beaucoup de gens vivaient encore dans la pauvreté, mais ce Chongqing là est vraiment révolu. Partout où vous allez, vous voyez s'élever de nouveaux bâtiments.
500.000 nouveaux migrants arrivent tous les ans à Chongqing. La ville ne cesse de s'étendre, 10.000 voitures s'y vendent chaque semaine. Durant ces 30 dernières années, le PIB local a connu une croissance de plus de 10% par an. Le besoin en énergie propre et durable est énorme, mais s'engager dans la voie des énergies renouvelables ne va pas sans difficultés. Située dans une vallée au centre de la Chine, Chongqing ne reçoit pas beaucoup de vent, ni de soleil. Pourtant, une ressource naturelle y abonde, c'est l'eau.
Le Grand théâtre de Chongqing a été construit au confluent de deux fleuves importants, le Jialing et le Yangtze, dans le Jiangbei, le quartier des affaires. Les urbanistes ont trouvé le moyen de d'utiliser l'eau des fleuves à leur avantage : "adieu à l'air conditionné, bienvenue à la climatisation à l'eau!".
Cette ressource renouvelable coule aux portes de la ville. En été, la température moyenne de l'eau est plus froide de 15 degré par rapport à la température de l'air. En hiver, elle est de 3,5 degré plus élevée. Les ingénieurs ont eu l'idée de détourner l'eau du fleuve dans un échangeur de chaleur pour que celui-ci assure bien le chauffage et que le refroidissement du bâtiment. Diffuser l'eau à travers tout l'édifice afin qu'il se maintienne à une température constante permet d'économiser de l'énergie pendant toute l'année.
"De mon point de vue on n'a qu'un seul essais pour construire une ville. On doit saisir cette occasion pour construire une cité à faible émission de carbone, une ville écologique et durable. Nous devons léguer une belle ville à nos enfants", dit un des ingénieurs impliqués dans le projet. Il ajoute: "Pour nous, Chongqing est un laboratoire d'innovations, on y invente et développe des énergies et des technologies propres." La climatisation du théâtre grâce à l'eau des fleuves est un succès, le plus grand du genre dans le monde. Il est prévu que dans un avenir plus ou moins proche, les habitations bénéficient aussi de cette technologie, ce qui éviterait la combustion de milliers de tonnes de charbon par an.
L'architecture particulière du grand théâtre imaginée par le cabinet Gmp s'impose dans le panorama de la ville. Financé par le district de Chongqing-centre, l'édifice émerge d'une plate-forme en pierre sur une hauteur de plus de 60 mètres et une surface de 100 000 m². L'aspect agressif de ses volumes rappelle le profil des bateaux, mais sa silhouette s'adoucit au fur et a mesure que l'on monte les escaliers le long du fleuve et révèle une structure entièrement translucide. Sensible aux cycles de la lumière et de l'obscurité, ainsi qu'à l’évolution des conditions météorologiques, son revêtement se compose de modules structuraux en verre. De l'intérieur, ce revêtement spécial donne une perception toujours différente de l’édifice.
Ici, comme dans la Grèce antique, le théâtre veut assumer un rôle social, être l'instrument de l’éducation communautaire et, grâce a une forte identité architecturale, devenir un symbole visuel autour duquel orienter le développement de la métropole.
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