Les nouvelles Routes de la Soie et les BRICS+
Partie 6 : Pour sauver la planète, il faut d'abord sauver les gens
par Elisabeth Martens, le 23 décembre 2024
« Change de regard sur ce qui t'arrive », nous dit-on quand on se plaint d'un « bas-le-moral ». C'est l'histoire du verre d'eau à moitié plein ou à moitié vide. Et si nous changions notre point de vue sur la Chine ? Quittons l'idée qu'elle soit une menace, un danger, un péril. Acceptons qu'elle puisse être un périple, qu'elle puisse servir d'exemple, car la Chine, ce n'est pas « du fake », elle fait ce qu'elle dit.
Créer une communauté de destin
Les preuves de ce dynamisme social ne manquent pas : éradiquer la pauvreté, libérer les femmes du patriarcat, généraliser l'éducation et l'accès à la santé, créer de l'emploi, lutter contre la corruption, discipliner les membres du parti en limitant des pratiques telles que les réunions inutiles et les réceptions exubérantes, etc., tout cela et bien plus, elle l'a fait.1
De sorte que le gouvernement chinois a acquis la confiance de sa population. Même avec une actualité écorchée par des grèves, des manifestations, des critiques véhémentes sur les réseaux sociaux, la population chinoise se dit globalement satisfaite de son gouvernement : 91% selon le baromètre de confiance Edelman, 93,1% selon l'université de Harvard. C'est un des pourcentages les plus élevés au monde.
Comment serait-ce possible si ce n'était parce que le gouvernement chinois exécute ce qu'il se propose de faire, c'est-à-dire, en tout premier lieu, faire des choix en fonction des besoins de sa population? N'est-ce pas grâce à son programme social et grâce à sa volonté de le mettre en pratique que la Chine a retrouvé sa place à l'ONU en 1971 ?
Avec un salaire moyen réel qui a quadruplé en vingt ans, avec l'apparition d'une énorme classe moyenne qui a un revenu annuel équivalent à 83% celui des Français, avec 95% des Chinois qui ont une assurance-maladie alors que la moitié de la population mondiale n’en a aucune, le gouvernement chinois a clairement démontré qu'il donne sa priorité à la réduction des inégalités et à la recherche d'une justice sociale et une prospérité commune.
Marx définit toute société comme une construction dans laquelle on distingue deux étages : la base, ou infrastructure, et l’édifice, ou superstructure. La base, l'infrastructure, c’est l’économie, l’unité des forces productives et des rapports de production. Au-dessus s’élève la superstructure juridique, politique et idéologique.
L’infrastructure détermine la superstructure, dit Marx : les représentations idéologiques dépendent des rapports noués dans les processus de production, donc de l'économie. Autrement dit, le mode de production de la vie matérielle conditionne la vie sociale, politique et intellectuelle.
« Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur être ; c’est inversement leur être social qui détermine leur conscience ». Il faut d'abord pouvoir manger, se vêtir, se soigner, s'instruire sans que cela pose problème avant de pouvoir passer à la réflexion, au sens critique, et laisser s'épanouir sa conscience.
En Chine, jusqu'au début des années 2000, c'était encore l'infrastructure qui dominait. La période de réformes et d'ouverture menée par Deng Xiaoping dans les années 1980 ont été considérées comme une condition préalable à la construction d'une société socialiste moderne. Avec Hu Jintao, la dimension politique et idéologique a pris plus d'importance. Puis Xi Jinping a pris le relais dans la même dynamique avec, entre autres, le lancement des nouvelles Routes de la soie (ICR).
Le gouvernement de Xi Jinping s'est d'abord attaché à installer un socle économique à l'ICR: il a implanté des infrastructures dans les pays qui se sont joints au projet (routes, ports, TGV, rails, etc.) et a initié des coopérations « win-win ». Il a entretenu avec ces pays des relations où prime le respect des principes de souveraineté nationale, d'égalité entre États et de non-ingérence dans les affaires intérieures.
La Chine passe maintenant à l'étape de l'idéologie avec l'ambition de créer une « communauté de destin », à une échelle plus large encore. Dans cette communauté de destin, le volet social est le principal, le volet environnemental le suit de près : pour sauver la planète, il faut d'abord sauver les gens. Pour ce faire, l'ICR se lie aux BRICS+ dans le giron de l'ONU.
L'ONU doit revivre !
Si nous disposons l'une à côté de l'autre, la carte des pays impliqués dans l'ICR et celle des BRICS+, nous voyons qu'elles sont assez similaires, sauf pour l'Inde et le Brésil qui sont dans les BRICS+ mais pas dans l'ICR, et les pays de la côté pacifique de l'Amérique latine qui sont dans l'ICR mais pas dans les BRICS+.
En superposant les deux cartes, nous constatons que les grands manquants dans ce projet de « communauté de destin », d'équilibre et de paix mondiale sont les pays occidentaux. N'est-ce pas l'Occident qui s'en seul va à la dérive ?
Alors que chacun des membres des BRICS+ collabore volontiers avec les pays du G7 dans des projets spécifiques, l'UE ne semble pas prête à emboîter le pas des BRICS+, elle s'obstine à suivre le bloc impérialiste des États-Unis.
À gauche, les pays impliqués dans l'IRC, à droite, les pays concernés par le BRICS+ |
Une nouvelle mentalité, une autre manière de réfléchir, de dialoguer, d'échanger traversent les pays impliqués dans les projets de l'ICR et des BRICS+. À l'instar de ce qui se passe en Chine depuis 75 ans, les décisions sont prises en fonction des besoins des populations, un choix social qui profite au plus grand nombre et pas uniquement à une élite dirigeante ou fortunée.
Chaque nation retrouve ainsi sa place correcte sur l'échiquier mondial. Les conflits d'intérêts persistent, ils existeront toujours, mais ils peuvent se résoudre dans le respect mutuel afin de garantir et maintenir la paix.
Pour concrétiser cela, la modernisation des relations internationales est plus qu'une nécessité, c'est une urgence : soit en mettant immédiatement en œuvre la Charte de l'ONU, soit en en rédigeant une nouvelle puisque l'existante a été mise à mal par les États-Unis. C'est le seul pays à avoir refusé les mandats d’arrêt émis par la CPI pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité à l’encontre du premier ministre israélien, Netanyahou et de son ancien ministre de la défense, Gallant, et pour cela, ils ont fait valoir leur droit de veto à l'ONU.
Les défis auxquels nous sommes confrontés actuellement augmentent les niveaux d'incertitudes. Cela devrait nous pousser vers une autre logique de développement, vers un nouvel ordre économique international. Or une telle réponse n'est donnée que par les alliances qui se sont formées en dehors du monde occidental : l'ICR, les BRICS+, l'APEC, etc. Ces alliances plaident toutes pour une politique de coopération et une idéologie de solidarité telle que proposée par la Chine.
La science chinoise a été mise sous pression par la guerre commerciale avec les États-Unis. La Chine a rapidement progresser dans de nouveaux domaines tels que l'intelligence artificielle, la biotechnologie, la nanotechnologie et la fabrication de puces informatiques. En 2022 l'économie numérique de la Chine représentait 41,5 % de son PIB, tandis que le taux de pénétration de la 5G en 2023 dépassait les 50 %. Aujourd’hui, la part de la Chine dans les industries de haute technologie atteint 28% du total mondial, elle a dépassé les États-Unis.2
En termes de transition énergétique, ses investissements ont représenté les deux tiers des investissements mondiaux en 2023. La Chine est un acteur important dans les négociations climatiques sous l'égide de l'ONU, comme les Conférences des Parties (COP). Elle s'active pour atteindre la neutralité carbone d'ici 2060 et participe à des initiatives internationales pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.3
Au sein de l'ONU, la Chine joue un rôle actif dans les discussions sur des problématiques globales comme le changement climatique, mais aussi les droits humains et le commerce mondial. Elle défend une approche centrée sur le développement économique dans les pays en développement, notamment via des initiatives pour le développement durable.
La Chine est devenue un moteur mondial dans de nombreux domaines, elle privilégie le transport collectif le plus écologique avec le premier réseau ferroviaire du monde, elle compte la plus grande étendue de panneaux solaires au monde, le plus grand nombre d’éoliennes, c'est elle qui a fourni le plus grand effort de reboisement, et surtout, elle est un vecteur de paix.
Sources
1 "Het zigzag parcours van 75 jaar Chinese revolutie", Tings Chak, Vijay Prashad, in China Vandaag, herfsteditie 2024
2 "Het zigzag parcours van 75 jaar Chinese revolutie", Tings Chak, Vijay Prashad, in China Vandaag, herfsteditie 2024
3 https://www.griffith.edu.au/__data/assets/pdf_file/0033/1910697/Nedopil-2024-China-Belt-Road-Initiative-Investment-report.pdf
A lire aussi les autres parties de cet article :
Les nouvelles Routes de la Soie et les BRICS+ :
Partie 1 : L'Initiative Ceinture et Route (ICR)
Partie 2 : La Chine, porte-parole des BRICS+
Partie 3 : Les BRICS+, moteur de la croissance mondiale
Partie 4 : Des choix sociaux pour le G77+Chine et l'ONU
Partie 5 : Réactions sinophobes de l'Occident
Partie 6 : Pour sauver la planète, il faut d'abord sauver les gens
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